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nion de ses peuples entraînerait l'empereur d'Autriche, et le rangerait contre nous, tandis que l'armée française, victorieuse comme elle l'a été, il était de l'intérêt de l'Autriche de rester avec la France. L'explication précipitée de Votre Excellence a l'avantage de nous dégager de tous liens avec cette puissance, mais l'empereur aurait préféré que votre réserve lui eût épargné ce faux pas. "

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Il se rendit à Dresde, le 8; il voulait donner un exemple aux confédérés du Rhin, et aux peuples un avertissement. Il venait d'apprendre, par une lettre de Frédéric-Auguste et par les rapports de Narbonne, que la Saxe avait adhéré à la médiation autrichienne et que les mouvements de ses troupes. tournaient étrangement à la défection'. Ajoutez les démonstrations haineuses des peuples, agités par Stein et les patriotes allemands. Napoléon adresse au roi de Saxe un véritable ultimatum; il le met en demeure de joindre ses troupes à la grande armée, de déclarer qu'il fait toujours partie de la Confédération du Rhin, qu'il n'a aucun traité contraire à cette confédération, sinon « je le déclare félon, hors de ma protection, et en conséquence il a cessé de régner 2». Une députation municipale, selon les rites, l'attendait à l'entrée de la ville. « Vous mériteriez, dit-il, que je vous traitasse en pays conquis. Je sais quelles insultes vous avez prodiguées à la France, à quels transports hostiles vous vous êtes livrés, lorsque l'empereur Alexandre et le roi de Prusse sont entrés dans vos murs. Vos maisons nous présentent les débris de vos guirlandes, et nous voyons encore sur le pavé le fumier des fleurs que vos jeunes filles ont semées sur les pas des monarques. Cependant, je veux tout pardonner. Bénissez votre roi, car il est votre sauveur. » Le roi de Saxe arriva le 12, soumis, reconquis, et parfaitement loyal en sa résipis-cence. Napoléon tint à manifester publiquement leur entente; mais le peuple demeurait hostile, et l'armée, contrainte à

1 20 avril 1813. ONCKEN, t. II, p. 637. BONNEFONS, Un allié de Napoleon,. p. 376, 413, 416 et suiv. THIERS, t. XV, p. 208 209, 402, 412. 1 A Caulaincourt, 8 mai 1813. - BONNEFONS, p. 420 et suiv.

servir, mécontente et couvant la défection. Frédéric-Auguste rapportait de ses pérégrinations en Allemagne et en Bohème des renseignements fort inquiétants sur l'attitude de l'Autriche. Des lettres interceptées achevèrent de démasquer tout ce qu'il y avait de louche dans sa médiation, ses manigances avec les alliés, ses tentatives d'embaucher les confédérés de Napoléon, son dessein enfin d'entrer en guerre, si ses conditions de paix n'étaient pas acceptées, aussitôt qu'elle se jugerait en mesure. M. de Senfft, ministre des affaires étrangères de Frédéric-Auguste, avait vu Metternich. « Il lui fut facile, rapporte-t-il, en parlant de sa propre personne, de démêler que la cour de Vienne n'avait aucun espoir sérieux pour la paix, ni de plan fixé pour les conditions à proposer, et était au fond décidée à la guerre contre la France; on ne cherchait donc, suivant l'expression de M. de Metternich lui-même, qu'à assurer le succès et à gagner du temps pour achever les préparatifs qu'on annonçait devoir être terminés de manière à pouvoir entrer en campagne à la fin de mai'.» « Les renseignements que l'on trouve à Dresde ne devraient plus laisser aucun doute, « dit justement Fain. Et de nos jours, un historien allemand: « Napoléon eût été le seul à s'y tromper. » On va voir qu'il ne s'y trompa point.

La journée de Lutzen servait les calculs de Metternich : elle rendait une médiation possible; elle procurait à l'Autriche le délai dont elle avait besoin, le moyen de leurrer Napoléon, de le traîner, de le tenir en suspens, et de se mettre elle-même en valeur. Ce que Metternich apprenait des récriminations des alliés, Prussiens contre Russes, Russes contre Prussiens, n'était point pour le contrarier. L'Autriche prendrait, dès son entrée en scène, la direction de la politique et de la guerre. Si Napoléon avait écrasé les alliés, il serait redevenu maître du monde; s'il avait été mis en déroute, la supré

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1 Mémoires du comte de Senfft. Sur Senfft et ses mémoires, Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. IX, article Bignon. BONNEFONS, p. 311, 418 et suiv. ONCKEN, O. und Pr. II, p. 282 et suiv. Zeitalter, t. II, p. 637. - - FAIN, t. I, p. 387-389.

matie serait passée à Alexandre; l'Autriche n'aurait plus été qu'une chancellerie à la suite, et un corps auxiliaire de la coalition. ». Ce fut «dans le flux et reflux d'agitations, de nouvelles, d'appréhensions, de conjectures', » une passe singulièrement périlleuse et difficile pour Metternich: son maître, à la fois vacillant et entêté, le public emporté tour à tour et effaré, ne comprenant pas, condamnant les retards à déclarer la guerre. Metternich se montra supérieur par la maîtrise de soi-même, la suite, la dextérité, la souplesse dans les défilés 2. Cet homme du monde, ce dandy politique, à la main blanche et nerveuse, déploya le sang-froid, le coup d'œil et l'énergie d'un vieux pilote.

Les alliés le sollicitaient; Napoléon incomplètement vainqueur, serait contraint d'entrer dans les « formes ». « Il s'agissait, a écrit Metternich, de l'empêcher de suivre sa tactique habituelle, c'est-à-dire de se tourner vers la Bohême, afin de frapper contre nous un grand coup dont les suites auraient été incalculables pour l'Autriche, » « Vers la fin du mois, disait-il au comte Hardenberg, l'armée de Bohème devait être prête à agir': en attendant, il comptait être d'accord avec les autres puissances sur la question de la médiation, et jusqu'à cette époque il voulait encore dissimuler avec Napoléon... » Il prévoit que « la guerre entre l'Autriche et la France doit éclater par le refus que Bonaparte donnera sans aucun doute aux propositions que la Russie, la Prusse et l'Autriche lui feront conjointement 3».

Le fin de l'affaire consistait donc à lui proposer des conditions qu'on serait sûr de lui voir repousser, et le choix n'était point malaisé, connaissant ses vues, les nécessités de sa politique, et les déclarations toutes récentes encore qu'il avait faites à Schwarzenberg. Napoléon ne pouvait pas reculer sans perdre son prestige, s'avouer vaincu, s'exposer à de nou

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velles exigences des alliés, Metternich savait que les meneurs de l'opinion, à Paris, se feraient une arme contre lui du refus qu'il opposerait à des conditions préliminaires que, dans l'état d'esprit où l'on était en France, on jugerait non seulement acceptables, mais excellentes. On engagerait, de la sorte, Napoléon dans une négociation dont le moindre effet serait de creuser davantage la séparation entre lui et les Français. Il aurait perdu l'avantage de l'offensive, la supériorité du nombre, la confiance des généraux, l'entrain à la guerre.

« Le passage de la neutralité à la guerre ne sera passible que par la médiation armée », avait dit Metternich à François II. Il en était à franchir ce pas. Le 7 mai, il dressa des instructions pour Stadion qu'il dépêchait près d'Alexandre : il y développait ses idées sur la médiation armée et posait les « vues de paix » à proposer à Napoléon; c'étaient : 1o La suppression du duché de Varsovie et le retour, en ce qui concerne l'Autriche, à l'état antérieur à 1809; 2° la restitution à la Prusse de ses anciennes possessions dans l'Allemagne du nord; 3° l'abandon par la France de tout ce qu'elle possède, en Allemagne au-delà du Rhin; 4° la Hollande indépendante; 5o la restitution de toutes les provinces françaises en Italie; 6o la restauration du pape; 7° pour l'Autriche, la frontière d'avant Lunéville, le Mincio ou l'Oglio, plus le Tyrol et le pays de l'Inn, l'Illyrie, la Dalmatie et la restitution de tout ce que lui avait enlevé le traité de 1809; 8° cessation de la suprématie de Napoléon en Allemagne; 9° le royaume d'Italie hors des mains de l'empereur des Français'. Voilà, selon Metternich, les conditions d'une bonne paix continentale, mais il reconnaît qu'on doit distinguer un maximum et un minimum, selon les chances de la guerre. Sur la guerre même, il s'exprime nettement : « Le comte de Stadion prouvera... que nous aspirons avant tout à rapprocher le terme... ou par un prompt accord avec les puissances, ou par des opérations qui nous permettent de porter nos forces hors de nos frontières..."

1 Le traité du 11 avril 1805 le réservait à un des frères de Bonaparte, Joseph vraisemblablement. Cf. t. VI, p. 417.

« devis militaires qui ne

A l'appui, Stadion produira des « laisseront rien à désirer à l'empereur Alexandre sur les détails des mouvements de notre armée... Il ne négligera rien pour amener une négociation instantanée, et pour convenir des bases d'une coopération active militaire de notre part dans le cas de la non-réussite de nos soins en faveur de la paix. » Le même jour, François écrivit au tsar. Il forme des vœux pour un arrangement pacifique, mais il ajoute aussitôt : forces réunies, dirigées d'après un point de vue fixe, et dans l'accord le plus parfait, nous feront, il n'en faut point douter, dans la supposition contraire, arriver au plus noble but que puissent se proposer les puissances . » Le 8 mai, Stadion se mit en route : il était en mesure de mener à fin « la négociation instantanée » et d'établir entre l'Autriche et les alliés

" Nos

- l'accord le plus parfait ", qui était le but premier de sa

mission 2.

Restait à lier Napoléon le temps qu'il faudrait pour établir les accords. Metternich vit Narbonne le 7 mai 3. Il n'eut garde de lui déclarer le maximum de ses conditions et ce qu'il considérait comme les bases d'une bonne paix on les découvrirait successivement, au congrès. Il se contenta d'insinuer que dans les propositions russes, il en repoussait deux tiers, il en admettait un. Mais surces deux tiers, non plus que sur les propositions même, il ne s'exprima clairement. Il n'eut garde d'articuler le principal article des instructions à Stadion, l'essentiel d'une bonne paix selon l'Autriche, à savoir la reconstitution de la monarchie autrichienne telle qu'elle était en 1805. Il ne s'expliquait point. Narbonne le pressa : « Ce qui doit, sans doute, donner le plus d'espérance de voir conclure la paix, c'est la connaissance des conditions que vous êtes prêt à faire accepter et à soutenir; vous m'avez promis de me la donner, et je la réclame. » Metternich divagua, se répandit en circonlocutions. Narbonne, qui se rappelait leur entretien

1ONCKEN, O. und Pr. t. II, Annexes.

François à Frédéric-Guillaume, 17 mai 1813. RANKE, t. IV.

3

Rapport de Narbonne, 7 mai 1813.

VIII.

8

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