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poussait, celle des gardes nationales. Berthier, dont les principes n'étaient pas douteux, réunit les suffrages de ses concitoyens, et fut fait major-général du corps qu'ils avaient formé. Cette nomination ne tarda pas à lui devenir fatale. Chef d'une milice citoyenne destinée à servir la liberté, il ne voulut pas qu'elle devînt un instrument de troubles et d'oppression. Ses sous-ordres, moins modérés, moins calmes, s'emportaient à la moindre répugnance, s'impatientaient du plus léger retard. Les regrets les mettaient en fureur, ils bondissaient de colère à la plus faible hésitation. Ils ne concevaient ni la puissance des habitudes ni celle des souvenirs; ils voulaient tout enlever de haute lutte. Lecointre demandait qu'on rassemblât les gardes-du-corps, qu'on leur fit prêter le serment décrété par l'Assemblée Nationale, et qu'on les obligeât d'arborer le drapeau tricolore. Un autre s'opposait au départ de Mesdames; la multitude était en mouvement, tout présgeait les plus grands excès. Berthier ne craignit pas de combattre ces mesures violentes; il s'éleva contre la motion de Lecointre, fit voir qu'elle n'était propre qu'à exaspérer des hommes dont la révolution avait déjà ruiné les

espérances, à allumer la guerre civile, et réussit à la faire ajourner. Il ne fut pas moins heureux avec la foule qui se pressait autour du château. Il la harangua, lui représenta l'illégalité de sa démarche, et, moitié crainte, moitié persuasion, parvint à la dissiper. Ces actes de courage et de modération furent appréciés. Ceux dont ils contrariaient les vues, sentirent quels obstacles leur opposerait un homme qui avait assez d'indépendance pour ne craindre de se compromettre ni avec son état-major, ni avec la multitude, et résolurent de l'éloigner. Tout fut disposé dans ce but; on attaqua ses principes, on accusa ses liaisons; il n'y eut pas dégoûts, de contrariétés, qu'on ne lui donnât. Sa constance était au-dessus de ces manœuvres; on eut recours à une sorte de dénonciation qui, à cette époque, manquait rarement son effet. On fit insérer dans le Moniteur que commandant de la garde nationale de Versailles s'était démis de ses fonctions. Berthier ne se dissimula pas combien cette manière de le signaler comme un ennemi du peuple pouvait devenir dangereuse; mais plus elle était grave, plus il mit de force à la repousser : il ne se borna pas à déclarer à ses concitoyens

de

le

que

le fait était faux; il voulut que le démenti fût aussi public que l'avait été l'imputation. Il

exigea que le journal qui l'avait répandue, consignât dans ses colonnes la résolution qu'il avait prise de ne pas quitter le poste qui lui était confié. Il tint parole jusqu'au 22 mai de l'année suivante (1792), qu'il fut fait général de brigade, et nommé chef d'état-major de l'armée que commandait Luckner. Il se rendit à ses fonctions : mais les intrigues qui l'avaient désolé à Versailles le suivirent au quartiergénéral. Il n'était pas installé que déjà il était signalé comme un homme suspect, dangereux, dont les vues étaient loin d'être patriotiques. Le maréchal prit sa défense, et adressa à l'Assemblée Législative une lettre énergique où il le vengea de toutes ces lâches accusations. Mais le coup était porté, Berthier fut suspendu. Custine essaya de le faire rappeler à ses fonctions; et s'appuyant d'une part sur son habileté, de l'autre sur les besoins du service, il adressa à Pache la lettre qui suit. Je la reproduis parce qu'elle constate la confiance qu'inspirait déjà celui qui en était l'objet, et qu'elle répond à d'obscures calomnies qui ont été essayées plus tard.

A Usnigen, le 14 octobre 1792.

LE GÉNÉRAL CUSTINE A PACHE, MINISTRE DE

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LA GUERRE.

« CITOYEN MINISTRE,

Vous aurez vu par l'état des officiers-généraux de cette armée, combien il y en a pénurie; il n'y a pas plus d'adjudans-généraux que d'officiers-généraux, et j'ai devant moi l'armée de l'Europe où il y a le plus d'officiersgénéraux distingués; elle est en totalité devant moi l'armée prussienne, commandée par le Roi, le duc de Brunswick, les fils du Roi! Et au milieu du travail auquel il faut que je me livre pour tenir la campagne devant cette armée avec douze mille hommes, seule force que j'aie pu réunir, il faut que ce soit moi qui m'occupe des moindres détails. Vous connaissez cependant la grande tâche que je me suis donné à remplir.

« Je ne sais si Alexandre Berthier a commis un crime, s'il a tramé contre sa patrie; alors je le renonce; mais s'il n'a été que soupçonné à raison de l'attachement que devaient lui donner pour le ci-devant Roi les marques de bonté qu'il en avait reçues, en vérité, je

crois qu'il est non seulement de votre pouvoir, mais du devoir du conseil exécutif provisoire de rendre à des fonctions militaires un homme qui peut être très utile.

« Je puis en parler avec plus de connaissance que qui que ce soit, car c'est moi qui l'ai formé en Amérique. C'est moi qui, à la paix, ai achevé son éducation militaire dans un voyage en Prusse où je l'avais emmené. Enfin, je ne connais personne qui ait plus d'aisance et de coup d'œil pour la reconnaissance d'un pays, qui s'en acquitte avec plus de sévérité, à qui tous les détails soient plus familiers qu'à lui. J'apprendrai peut-être à connaître quelqu'un qui puisse le remplacer, mais je ne le connais pas encore.

« Au nom de la république, et pour mon soulagement, envoyez-le - moi, citoyen ministre, s'il est possible, à moins que le conseil exécutif provisoire n'ait envie de se défaire de moi. Il aurait d'autant plus de torts que personne ne rend plus de justice que moi à ceux qui le composent, et nommément à vous, citoyen ministre.

Le citoyen général d'armée,

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