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leurs un fait qui nous paraît résoudre la question: c'est la manière dont on a traduit les noms grecs où figure l'omicron. Dans le manuscrit 17134 du Musée Britannique, contemporain de Jacques d'Édesse, sinon écrit de sa main, et, dans tous les cas, postérieur de très-peu d'années à cet écrivain, tous les mots grecs où se trouve le son o reçoivent pour équivalent l'olaf'. Pourrait-on expliquer ce fait raisonnablement si l'olaĵ se fût prononcé encore a, au vii siècle, chez les Sy-· riens d'Occident? Certainement non 2.

Il existait néanmoins des cas où la vocalisation édessienne s'accordait avec celle des orientaux, tandis qu'elle s'en est séparée plus tard. Ainsi Jacques ponctue les mots blame thin comme l'ont fait toujours les Nestoriens. Dans quelques exemples, l'orthographe de l'évêque d'Édesse est tout à fait particulière. C'est ainsi qu'il admet un pluriel JA (5, col. I, lig. 12) qu'on ne rencontre pas ailleurs.

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En rappelant une question qu'il avait discutée dans le premier traité, Jacques d'Édesse mentionne une division de consonnes importante, parce qu'elle peut nous faire connaître à quelle source s'inspiraient les grammairiens de son temps. On sait que les classifications des lettres de l'alphabet sont extrêmement nombreuses chez les auteurs indigènes. Jacques rappelle celle-ci : «Les consonnes sont, dit-il, pures, grosses ou moyennes, c'est-à-dire ni pures, ni grosses. » M. Nöldeke a relevé cette classification et l'a signalée comme s'écartant beaucoup de notre manière de concevoir les phénomènes linguistiques sur lesquels elle repose. Il est bien vrai qu'il y a des différences notables entre notre manière de concevoir et celle des Syriens; mais n'y a-t-il pas aussi des points de contact nombreux, et à qui ont été empruntés les termes de cette classification grammaticale, sinon aux grammairiens grecs eux-mêmes? On voit, en parcourant les écrits de Jacques

W. Wright, Catalogue of Syriac mss. t. I, 330-339; 37-39. Fragments of the Syriac grammar of Jacob of Edessa, 4.

2 Journal asiatique, 1872, I, p. 427 et suiv.

d'Édesse, que ces auteurs lui étaient familiers, et l'on pour rait même affirmer qu'ils ont déteint un peu trop fortement

sur ses œuvres.

Quoiqu'il soit impossible de dire quels grammairiens il étudiait de préférence, la diffusion des œuvres de Denys de Thrace, la traduction de ses écrits faite de bonne heure chez les Arméniens', des conceptions et une terminologie presque identiques, nous porteraient à croire que l'évêque d'Édesse puisait quelquefois ses idées dans cet auteur. Il suffirait de rapprocher sa division des muettes de celle de Bar-Hebreus, qui reproduit, avec de légères modifications, celle de son prédécesseur, pour saisir des rapports plus que fortuits 2. Bar-Hebreus appelle élevées les lettres que Jacques nomme pures ou ténues, molles ou négligées, celles que son prédécesseur qualifie de grosses. « Sont molles, dit-il, les aspirées ɔ, 1. Aux moyennes appartiennent les lettres qui, quand on les prononce, produisent le bruit d'un liquide, A ·,, i, o,, £, Enfin, on entend élevées celles qu'on prononce dans le haut du palais, comme ?, non aspirées et 8, 3. » Le 9 D où l'auteur du Tourotso d'mam'l'lo s'expliquait là-dessus nous manquant, nous ne connaissons que très-imparfaitement sa classification. Cependant, nous savons qu'il rangeait parmi les lettres grosses;, 1 parmi les moyennes et parmi les pures. Or quelles sont les différences entre l'auteur grec et les

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1 Sukias Somal, Quadro delle opere di varii autori, anticamente tradotte in Armeno.

2 Fabricius, Bibliotheca græca, VIII, p. 27-28. Cf. édit. in-4o de 1788, VI, p. 312 : Αφωνα δὲ ἔστιν ἐννέα Β, Γ, Δ, Θ, Κ, Π, Τ, Φ, Χ, ἄφωνα δὲ λέγεται ὅτι μᾶλλον τῶν ἄλλων ἔστι κακόφωνα ὥσπερ ἄφωνον λέγομεν τραγωδὸν τὸν κακόφωνον. Τούτων ψιλὰ μὲν τρία Π, Κ, Τ. Δασέα δὲ τρία Θ, Φ, Χ. Μέσα δὲ τούτων τρία Β, Γ, Δ. Μέσα δὲ εἴρηται ὅτι τῶν μὲν ψιλῶν ἐστὶ δασύτερα, τῶν δὲ δασέων ψιλότερα. Καὶ ἔστι τὸ μὲν Β μέσον τοῦ Π καὶ τοῦ Φ. Τὸ δὲ Γ μέσον τοῦ Κ καὶ τοῦ Χ. Τό τε Δ μέ σου τοῦ Θ καὶ τοῦ Τ.

⚫ OEuvres grammaticales de Bar-Hebreus, t. I, p. 197. Paris, 1872, Mai

sonneuve.

Syriens? Il y en a deux : l'une provient de la double prononciation des six lettres B, G, D, K, P, T; l'autre de ce que les orientaux appliquaient leur division à tout l'alphabet. Il n'y avait pas une de leurs lettres qui ne rentrât dans une des trois catégories, c'est-à-dire qui ne fût pure, moyenne ou grosse. Si l'on tient compte de ces deux circonstances, on verra que l'accord est presque complet entre Denys de Thrace et les grammairiens syriens, ainsi que le montre le tableau sui

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Nous avons remplacé par l'astérisque les lettres de chaque ordre et de chaque degré sur lesquelles nous ne trouvons aucun renseignement formel dans les deux auteurs orientaux; mais tout le monde peut voir qu'il serait facile de compléter ce tableau, et alors on obtiendrait un résultat qui rappellerait immédiatement le texte de Denys de Thrace. Jacques d'Édesse parait s'en rapprocher beaucoup plus que l'auteur du K'tovo d'tsem'he.

Appliquée d'abord aux lettres de l'alphabet, cette terminologie s'étendit peu à peu aux mots. Jacques d'Édesse et Jacques de Tagrith distinguent les mots purs ou ténus des mots épais et moyens. On peut voir ce que le premier de ces auteurs dit là-dessus dans son traité sur les points, et l'usage qu'il fait de cette classification pour distinguer les trois espèces d voyelles fondamentales. Imita-t-il en ceci les Grecs? Nous ne pouvons pas l'affirmer, n'en ayant qu'une preuve générale,

1 Martin, Jacobi episcopi Edesseni epistola de orthographia syriaca, 7. ms. 21454 du Musée Britannique, fol. 28.

tirée de son goût peu mesuré pour la littérature grecque; mais nous serions presque tenté de le penser.

Quoiqu'elle nous soit peu connue, la vie de Jacques d'Édesse nous apporte cependant quelques faits capables de nous faire apprécier l'état des nations chrétiennes d'Orient. A l'époque, en effet, où il parut, la domination musulmane entrait ouvertement dans les voies de la persécution à l'égard du christianisme, et les Ommyades appesantissaient un joug fort lourd à porter sur leurs sujets chrétiens, pendant que l'empire, affaibli ou incapable de soutenir la lutte, se reployait vers l'Occident. De là naquit un sentiment de colère, d'aversion et de haine contre les Byzantins, qui semblaient avoir livré les populations de l'Asie à l'oppression de l'islamisme. Se croyant délaissés, trahis ou vendus, les habitants de la Syrie avaient pris en horreur tout ce qui leur rappelait le souvenir de leurs anciens maîtres, et négligeaient de gré ou de force la culture des lettres grecques'.

Jacques réagit contre ce courant. Il chercha à restaurer les anciennes études, celles qui avaient illustré sa patrie du Iv au vi' siècle, et, donnant le premier l'exemple du travail, il passa presque toute sa vie à traduire des écrivains grecs. Il les étudia surtout au point de vue de la philologie et de la critique. Il s'attacha à reproduire les nuances d'orthographe ou de prononciation, et c'est là ce qui donne à ses œuvres une physionomie à part dans les monuments de la littérature syrienne. Quoiqu'on n'ait pas encore publié beaucoup de ses écrits, on peut cependant lui assigner déjà la place qu'il doit occuper dans le panthéon littéraire de l'Asie chrétienne. Les lignes qui circonscrivent sa figure, les traits qui forment son caractère sont déjà nettement accusés. Ce n'est pas un écrivain original dans le fond, mais très-original dans la forme. Sa tournure d'esprit a quelque chose de très-particulier, de si particulier, qu'on ne trouve pas chez les Syriens un autre auteur à lui comparer. Il fut avant tout un traducteur infa1 Asscmani, Biblioth. orient. I, 477.- Bar-Hebreus, OEuvres grammai cales, I, 194.

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à la longue, de grandes modifications s'opérèrent dans les idées et dans les mœurs des Araméens. A force de fréquenter les écoles d'Antioche et d'étudier le grec, les Syriens modifièrent leur langage et adoptèrent des procédés étrangers à leur idiome. Le fait devient frappant dans la célèbre version PhiloxenoHéracléenne faite sur le grec et dans un pays grec. Plus exacte el plus scrupuleusement fidèle que la Peschitho, elle conserve si bien l'empreinte de l'original, en reproduit si servilement les expressions ou les tournures, qu'on pourrait presque le reconstruire avec elle, s'il venait à se perdre. Le succès qui accueillit son apparition et la vogue qu'elle a eue dans l'Asie occidentale, nous autorisent à y voir, comme dans un mi. roir fidèle, un reflet des préoccupations du temps, une image des idées régnantes dans la philologie et la critique de l'époque. Elle est une preuve vivante de la faveur que les études grecques retrouvaient dans les écoles de la Syrie au commencement du vir siècle, et l'on peut voir en elle les origines d'un mouvement littéraire dont il a été déjà question ici même et auquel se rattachent les travaux de l'école karkaphienne.

Ce mouvement, qui ne faisait alors que s'accentuer, progressa avec lenteur jusqu'au moment où Jacques d'Édesse parut. Mais avec lui, les études recouvrèrent une partie de leur ancien éclat, malgré les troubles politiques de l'époque. On se passionna pour le grec : les couvents se peuplèrent de travailleurs infatigables, et de là vient qu'une grande partie des traductions syriaques ou arméniennes remontent au VIII° siècle. On se livra avec une espèce de fureur à ces travaux et on n'en évita pas tous les écueils. On emprunta une foule d'expressions inutiles; on ne se borna pas à imiter les originaux, on les calqua, on les copia servilement. On vit naître enfin une grécomanie semblable, sauf les différences inhérentes au temps et au pays, à celle que l'on retrouve plus tard en Occident à l'époque de la Renaissance.

Parmi les conséquences les plus ridicules et les plus nuisibles de cette imitation servile des Grecs, il faut signaler fes

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