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UEBER DAS SAPTAÇatakam des HALA. Ein Beitrag zur Kenntniss des Prâkrit, von Albrecht WEBER. Leipzig, 1870, in-8°, 262 pages.

Saptaçataka ou Saptaçatikâ, c'est-à-dire collection de sept cents vers, est la forme sanskrite d'un titre d'ouvrage assez commun dans l'Inde. La nouvelle édition de l'Histoire de la littérature hindouie et hindoustanie de M. Garcin de Tassy ne cite pas moins de cinq satsaî, composées par différents poëtes, dont deux portent les noms populaires de Bihârî Lâla et de Tulasî Dâsa. On connaissait par Colebrooke l'existence d'un Saptaçataka prâkrit attribué au roi Hâla ou Çâlivâhana. Mais l'expression de prâkrit est tellement vague, le nom de Câlivâhana couvre tant de fables, qu'on ne pouvait, en l'absence de tout spécimen, se faire une idée de l'importance de cet ouvrage.

Plus récemment, M. Bhau Daji, dans le Journal de la Société asiatique de Bombay, avait ajouté incidemment dans une note quelques renseignements à ceux qui ont été donnés par Colebrooke. Mais il nous laissait dans le doute au sujet de la langue, à laquelle il appliquait le nom singulier et peu précis de mixed prâkrit. En Europe, vers la même époque, un manuscrit contenant environ la moitié du Saptaçataka était communiqué à M. Weber, et lui paraissait assez intéressant pour faire l'objet d'un travail spécial, qui a paru dans le tome V des Abhandlungen für die Kunde des Morgenlandes, publiées par la Société orientale allemande.

Il s'agissait d'abord de constituer un texte d'après un manuscrit unique et excessivement incorrect, écrit par un copiste tout à fait ignorant en prâkrit et sans doute peu instruit même en sanskrit. Mais deux circonstances, en dehors de l'expérience bien connue de l'éditeur, lui ont rendu possible une tâche si difficile. Chaque vers prâkrit est accompagné d'un commentaire sanskrit fort bien fait, quoique fort mal copié, et la langue du texte même n'est autre que le prâkrit pro

prement dit, celui qui est désigné sous le nom de mâhârâshtri, et auquel est consacrée la plus grande partie de la grammaire de Vararuci, dont on doit à M. Cowell une excellente édition. Grâce à ce double secours, M. Weber a pu rétablir le texte d'un grand nombre de vers, dont la corruption provenait de la confusion faite par le scribe entre différents caractères devanâgarî plus ou moins semblables. Il a d'ailleurs donné la liste de ces confusions dans l'introduction, ainsi que les leçons du manuscrit au bas de chaque vers. Quant aux passages encore fort nombreux où ces moyens de restitution ne suffisaient pas, l'éditeur a dû recourir à des corrections d'un caractère naturellement tout à fait provisoire; c'est là une responsabilité qu'un savant d'une compétence aussi incontestable pouvait seul assumer. Chaque stance est accompagnée d'une traduction allemande, quelquefois aussi de fragments (un peu trop rares et trop courts) du commentaire, et de notes grammaticales, littéraires et autres. Enfin, une énumération systématique des faits phonétiques et des flexions, insérée dans l'introduction, et un index des mots et des formes avec les renvois à tous les passages où ils sont employés, ajoutent à l'utilité pratique de cette publication et en font une véritable anthologie prâkrite, avec grammaire et vocabulaire. Nous n'avons, du reste, pas à insister sur les mérites d'un travail que recommande suffisamment le nom de l'auteur, et nous allons immédiatement exposer diverses observations que sa lecture nous a suggé

rées.

La première et la plus importante est relative à la discussion qui ouvre l'introduction et qui s'occupe du nom de Hâla, de l'époque possible du Saptaçataka et du lieu de sa composition. M. Weber s'est évidemment plus préoccupé de la question de temps que de celle de lieu. Mais tandis que l'une présente les mêmes difficultés que pour la plupart des œuvres déjà anciennes de la littérature indienne, la seconde est susceptible d'une solution certaine, mais notablement différente de la solution adoptée par le savant allemand.

L'ouvrage prâkrit se donne lui-même comme un choix fait, au milieu de dix millions de vers, par Hâla.

Hâla, d'après le témoignage unanime du lexicographe Hemacandra, des commentateurs, de Colebrooke et de Bhau Daji, est un nom de Çâlivâhana ou Çâtavâhana; ce qui n'oblige certainement pas à admettre sans contrôle que ce personnage, aussi légendaire qu'historique, ait effectivement recueilli ou fait recueillir les vers en question. Mais M. Weber va plus loin, il nie la synonymie de Hâla et de Çâlivâhana, ou du moins, car il ne peut pas nier un usage qui remonte au moins au XII siècle, époque de Hemacandra, il pense que cette synonymie est le résultat d'une confusion produite par un vers du Harshacarita de Bâṇa, où il est question d'une collection analogue, attribuée à Çâlivâhana ou Çâtavâhana. On ne saisit pas quel avantage M. Weber peut trouver à substituer ainsi sa propre hypothèse à celle de la tradition. En rejetant arbitrairement l'identité des deux collections, il se prive d'un témoignage intéressant sur l'âge du Saptaçataka, et en faisant d'un vers du Harshacarita l'origine d'une tradition universellement admise, il exagère sans aucun doute l'importance d'un ouvrage «peu connu dans l'Inde même, et qui ne paraît pas avoir jamais joni d'une haute estime, »> suivant les paroles de M. Hall, qui l'a le premier fait connaître aux Européens'.

Pour nous, cette tradition, vraie ou fausse, a un sens historique très-raisonnable; elle attribue une collection de poésies máháráshṭre à un roi du Maharashtra; ce qui semble d'autant moins inadmissible que les quelques données géographiques qui s'y rencontrent se rapportent à cette même contrée. Il est vrai que M. Weber ne les interprète pas ainsi; inais son opinion n'est pas difficile à réfuter.

Les deux seuls noms géographiques que contient la partie du Saptaçataka que nous avons sous les yeux sont le fleuve Godavarî et le mont Vindhya. Ils y sont cités assez fréquem

Vasavadattá, préf. p. 12, note.

ment pour qu'il n'y ait aucune témérité à affirmer que la contrée où ces vers ont été composés devait être arrosée par la Godâvarî et à proximité du Vindhya. Or M. Weber y voit une indication précise que cette contrée était le Telinga, ou pays des Andhras, qui est, d'après lui, situé entre la Godâvari et le Vindhya'. C'est, il est vrai, dans le Telinga que se trouve l'embouchure de la Godâvarî; mais ce fleuve a un cours de plus de trois cents lieues, et à partir de sa source, non loin de Nasik, il diverge de plus en plus avec la chaine du Vindhya, de telle sorte qu'à son entrée dans le Telinga il en est séparé par toute l'immense étendue du Gondvana. Du cours supérieur de la Godâvarî au Vindhya, la distance est infiniment moindre, et le voyage se fait tout entier en pays marhatte, en traversant la Taptî et la Narmadâ, deux fleuves qui, d'après M. Bhau Daji, sont également nommés dans le Saptaçataka, sans doute dans la moitié qui nous est encore inconnue. Un poëte de cette contrée pouvait donc montrer «les Pulindas, debout sur les cimes du Vindlıya, et, appuyés sur leurs arcs, regardant s'amonceler les nuages » (v. 119). D'après Ptolémée, les Iovλivdaι dypto@ayot habitaient au-dessus de Larice, c'est-à-dire du Guzerate, et étaient par conséquent limitrophes du Mahârâshtra.

L'ancienne capitale du Mahârâshtra était Pratishthâna, sur la Godavari. C'est là que la légende fait régner Çâlivâhana ; c'est également là qu'elle place Sâtavâhana 2, si l'on veut absolument pousser le scrupule jusqu'à les regarder provisoirement comme deux personnages distincts. C'est là aussi que nous devons chercher le Hâla de la dynastie des An

1 Il est inutile d'insister sur l'inexactitude de cette désignation. La plus grande partie du Telinga est au sud de la Godâvarî; au nord, il n'embrasse que le territoire compris entre les Ghattes orientaux et la mer, peu près jusqu'à la latitude de Chicacole.

2 Kathasaritsagara, édit. Brockhaus, I, 6, 1, 8, 24, etc. D'après le texte, c'est le royaume qui s'appelait Pratishthâna, et la capitale Sapratishțità; en tout cas, la scène se passe sur les bords de la Godâvarî, dans le Dekhan. (Voyez vers 72, 76, 166, etc.) Sâtaváhana, avec s au lieu de c, est l'orthographe des inscriptions, qui, il est vrai, sont en prâkrit.

:

dhrabhṛtya, que M. Weber considère comme ayant plus de titres que Çâlivâhana à passer pour le patron du Saptaçataka. On n'invoque, en effet, qu'un seul argument pour attribuer comme siége à cette dynastie le Telinga, ou pays des Andhras, c'est que son nom signifie serviteur des Andhras. Ce n'est certainement pas suffisant, surtout en présence des documents contemporains, qui la font régner dans le Mahârâshțra. On sait que Ptolémée (VII, 1, 82), en mentionnant pour la première fois la ville de Baílava, qui a été depuis longtemps identifiée, tant avec la Пλíðava du Périple qu'avec la Pratishthâna sanskrite, ajoute qu'elle était le Baσídɛiov Zipодоλεμaíov. Ce nom de roi, qui jouissait par conséquent, à l'époque du géographe d'Alexandrie, d'une grande célébrité, se retrouve non-seulement sur les listes purâniques des Andhrabhṛtyas, mais aussi sur de nombreuses inscriptions dans les fameux temples hypogées du pays marhatte, à Nâsik, Karla, Bhaja, etc.' On y lit également le nom de sa dynastie, ainsi que les noms de plusieurs de ses prédécesseurs et successeurs; on y trouve même mentionnée la famille de Sâlavâhana 2. Enfin, plusieurs de ces princes y portent l'épithète de maharathi, que Stevenson rendait par grand cocher,

1

Voyez Lassen, Indische Alterthumskunde, II, 935; III, 171; IV, 80 sq. L'auteur n'avait à sa disposition que les inscriptions interprétées par Stevenson, dont les copies ne méritent guère plus de confiance que les traductions. Les numéros du Journal of the Bombay Branch roy. as. Soc. qui ont paru depuis (à partir du 'n° XXII), contiennent des fac-simile fort exacts, notamment pour les inscriptions de Nâsik. Le nom de Siropolemaïos s'y présente avec autant de variantes que dans le texte de Ptolémée et dans celui des Purânas. Ainsi Saripulumâï (Nâsik, III), Saripudumâyi, Saripudhumava (XXVI, 1, 11), Sarapudumaya (XXVII). Notons en passant que les inscriptions sur la pierre pâhâṇarehâ sont connues du Saplaçataka. (Voy. v. 275.)

2 Nâsik, VI, XVI, 6.

3 Nous n'avons pas encore de bonnes copies de ces inscriptions. (Voyez Journal of the Bombay Br. etc. no XIX; Stevenson, Sahyadri inscriptions (Sahyadri est la désignation indigène des Ghattes marhattes): Karlen I, maharathisa gotiputasa; IV, maharathasa kosikaputasa; mahárathina vásithiputena (celui-ci est le nom indien de Saripulumâï); Baja I, mahâraṭhisa kosikíputasa.)

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