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tout qu'on n'oublie pas que ces brillants essais ne sont, selon le titre même donné par M. Müller à son recueil, que des « copeaux » échappés au travail d'un grand atelier scientifique, et ne dispensent en rien de se mettre à l'école plus sévère d'Adalbert Kuhn et de ceux qui appliquent aux mythes la rigoureuse méthode d'analyse que Bopp sut appliquer

aux sons.

Je laisse aux personnes compétentes à juger un ingénieux essai de mythologie comparée, ouvrage d'un de nos confrères qui a voulu garder l'anonyme1. L'auteur identifie la fée Mélusine avec la déesse vé

dique Milushî et avec la Méduse grecque. Certes un tel rapprochement s'imposerait davantage si l'on possédait mieux tous les intermédiaires; on ne contestera pas du moins à l'auteur de bien connaître les délicates méthodes de la science qu'il cultive et d'être fort au courant de tout ce qui touche à son sujet.

Quelle bonne nouvelle on nous apporte des études de M. Bergaigne, et que nous accueillons avec empressement l'augure qui nous en est donné! M. Bergaigne aborde, nous dit-on, les études védiques, et, suivant un précepte excellent, il s'exerce préalablement sur des textes classiques de la littérature sanscrite. Le fruit de cette étude préliminaire a été la publication du texte complet et d'une traduction du Bhâminîvilâsa2, un des plus curieux

1 Essai sur la légende de Mélusine, par E. B., membre de la Société asiatique. Paris, A. Parent, 1872, in-8°, 40 pages.

2 Le Bhâminí-vilása, texte sanscrit publié pour la première fois

spécimens de ce genre de littérature gnomique et érotique que Bohtlingk nous a fait connaître dans ses Indische Sprüche. La publication de M. Bergaigne servira de complément à la précieuse collection de M. Bohtlingk. Le Bhâminîvilása paraît être un ouvrage de la seconde moitié du xvre siècle; il n'était connu jusqu'ici que d'une manière fragmentaire. Quand il sera temps de faire une histoire littéraire de l'Inde brahmanique (et quel livre curieux sera celui-là !), M. Bergaigne aura le mérite d'avoir apporté à cette construction une pierre de prix, taillée avec tout le soin qu'on doit désirer.

C'est également à titre de premier essai que M. Paul Regnaud a publié une étude sur les Centuries de Bhartrihari, où l'on sent toute l'ardeur d'une jeune curiosité. C'est, au contraire, le fruit de longues études consacrées à l'histoire des fables indiennes que nous a donné M. Lancereau dans sa traduction du Pantchatantra 2. Peu de livres sont plus connus que ce grand recueil de fables, et pourtant nous n'en avions pas encore de traduction française complète, faite sur l'original sanscrit.

en entier, avec une traduction en français et des notes. 9° fasc. de la Bibliothèque de l'École des hautes études. Paris, 124 pages grand in-8°. Librairie Franck. Voir la recension de M. A. Barth, dans la Revue critique, 4 mai 1872.

1 Études sur les poëtes sanscrits de l'époque classique. Bhartrihari. Les centuries. Paris, Maisonneuve, 100 pages

in-12.

2 Pantchatantra, ou les Cinq livres, recueil d'apologues et de contes, traduit du sanscrit. Paris, Imprimerie nationale, 1871, grand in-8°, xxx1-404 pages (chez Maisonneuve ).

M. Lancereau a comblé cette lacune. Toutes les personnes instruites aimeront à lire dans ce beau volume une des œuvres les plus attachantes du génie hindou. Le Pantchatantra, surtout dans le texte publié par M. Lancereau, et qui paraît n'être plus le plus ancien des textes sanscrits du Pantchatantra1, est loin d'être la rédaction originale de l'ouvrage célèbre que depuis le moyen âge toutes les littératures ont adopté ou imité; il est même permis de croire, en attendant les lumières que fournira la traduction syriaque récemment découverte, que le texte arabe d'Ibn-Mokaffa nous représente de plus près le texte antique que l'ouvrage sanscrit qui nous a été conservé; mais le Pantchatantra n'en est pas moins un livre plein de vie, d'intérêt et d'originalité; il plaît comme les Mille et une nuits; la vie hindoue s'y réfléchit avec un charme extrême; s'il y a encore des gens de goût capables de s'intéresser à une œuvre littéraire de couleur lointaine, le livre de M. Lancereau obtiendra auprès d'eux un succès très-réel.

M. Émile Senart a publié dans notre journal2 la grammaire pâlie de Kaccâyana, avec une traduction et des notes. Cet ouvrage, de beaucoup le plus important de toute la littérature grammaticale du pâli, fut d'abord regardé comme perdu; ce n'est qu'en ces derniers temps que des extraits en ont été donnés. La publication intégrale faite par

1 Revue critique, 15 juin 1872. 2 Mars-avril et mai-juin 1871.

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- M. Senart avec l'exactitude minutieuse qui caractérise les vrais philologues, sera d'un grand prix pour l'histoire de la grammaire dans l'Inde. M. Senart se réserve de nous donner plus tard un examen d'ensemble, où seront traitées toutes les questions de critique soulevées par son livre. Les retards que les événements des deux dernières années ont apportés à nos impressions sont cause que la publication de M. Senart a été devancée dans la Birmanie anglaise; mais ce beau travail n'en fait pas moins le plus grand honneur à notre jeune confrère, et nous autorise à fonder les meilleures espérances sur son avenir scientifique.

Au moment où il mourut, notre regretté confrère, M. Grimblot, laissait entre les mains du rédacteur de notre journal une transcription en caractères latins de quelques extraits du Paritta (texte et commentaire en pâli). Le Paritta est presque le seul ouvrage bouddhique qu'on lise à Ceylan. C'est une sorte d'abrégé de la totalité des sutras bouddhiques, quelque chose d'analogue à ces Bibles historiaux qui furent en usage chez nous dans les siècles passés; son principal intérêt est de nous faire connaître les livres les plus goûtés à Ceylan. La transcription de Grimblot fut imprimée dès 1867; mais, par suite de la lenteur et de l'indécision qu'il portait dans ses travaux, cette impression ne put être utilisée. Grimblot mourut sans avoir donné la traduction qu'il annonçait, ni même. corrigé les épreuves de sa transcription. Quoique

un pareil travail, à l'heure qu'il est, ait perdu de son prix, puisqu'il a été devancé par les publications de Gogerly et de Childers, la rédaction du journal a cru devoir prier M. Feer de mettre le travail de Grimblot en état de paraître. Notre savant confrère s'est acquitté de la tâche dont il s'agit en ajoutant aux feuilles imprimées de la transcription de Grimblot une traduction et des notes explicatives, sans lesquelles la publication en question aurait eu peu d'utilité1. Une partie, d'ailleurs, des textes transcrits par Grimblot conserve, après les publications de Gogerly et de Childers, un mérite de nouveauté; je veux parler du commentaire, que M. Grimblot seul a cru devoir publier, et qui paraît fort utile à l'intelligence de l'original.

M. Feer poursuit, par des méthodes ingénieuses et diverses, le problème de la formation et du développement des écritures bouddhiques. En com. parant les trois formes sous lesquelles nous est par venu le récit de la tradition relative à la guerre de Prasénadjit et d'Ajâtaçatru 2, il arrive à des inductions sur le texte primitif perdu, d'où sont sortis les soutras plus modernes, et dont le récit pâli semble se rapprocher beaucoup.

Notre vénéré doyen, M. Garcin de Tassy, a terminé la nouvelle édition ou plutôt la refonte complète qu'il a entreprise de son Histoire de la

1 Journal asiatique, octobre-novembre-décembre 1871.

2 Comptes rendus de l'Académie des inscriptions, 1871, p. 44-80. Voir aussi Revue critique, 1o sept. 1871, 6 janv., 3 et 10 fév. 1872.

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