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avaient péri à défaut de vivres ou d'eau. Cette plaine est le point le plus élevé de la route qui conduit du Kaire à la Mer-Rouge, et le froid y était si vif qu'en reposant on était bientôt engourdi et gelé. Il fallait se promener ou s'agiter sans cesse; cette localité ne présentait guère de moyens pour allumer du feu, car on se fit un devoir de respecter l'arbre de Djamaat. C'était un if sous lequel Bonaparte dressa sa tente, pour en écarter ceux que la tentation aurait portés à mutiler ce bel arbre, point de repos agréable aux voyageurs, dans cette contrée stérile. On parvint cependant à allumer quelques feux avec des osse

mens.

On quitta l'if de Djamaat le 6 nivôse, à trois heures du matin. Bonaparte qui, pendant la journée de la veille, avait réglé sa marche sur celle de la caravane, s'en détacha avec sa suite, résolu d'arriver à Suez dans la journée même. Le gros de la caravane coucha auprès du puits d'Ageroud, près duquel se trouve aussi un château fortifié. Ce puits, profond de 50 à 60 brasses, fournit une eau salée que les hommes ne peuvent boire, mais qui est bonne pour les chameaux et les chevaux arabes. Une enceinte flanquée de deux tours est construite autour des sources; non loin de là aussi est le château qui tombe en ruines. Ce sont des constructions arabes qui avaient eu pour objet d'assurer la jouissance du puits dont les eaux servent à abreuver les bestiaux de la caravane de la Mekke. Un mois ou deux avant le passage des pèlerins on y envoyait des chameaux

pour tourner une roue à chapelet, qui élevait l'eau du puits et la versait dans des rigoles d'où elle se rendait dans trois réservoirs spacieux en maçonnerie et enduits d'un ciment imperméable. Ces constructions faites dans le désert, loin de toutes les ressources, ont une certaine grandeur. Le général en chef ordonna de faire au mécanisme du puits toutes les réparations nécessaires pour le mettre en état de servir.

D'Ageroud à Suez il y a environ cinq heures de marche; une heure avant d'arriver, on trouve le Byr-Suez (puits de Suez), dont les eaux sont un peu moins salées celles d'Ageroud.

que

Le 7 nivôse, des capitaines venus de l'Hedjas et de l'Yémen, en rade à Suez, furent présentés au général en chef. L'un d'eux, venu de Mascate, confirma la nouvelle des prises faites sur les Anglais, par les croisières de l'Ile-de-France, et apprit que les dispositions de l'iman de Mascate étaient favorables aux Français. Six frégates françaises, commandées par le contre-miral Sercey, avaient fait pour plus de 20,000,000 de prises aux Anglais.

Bonaparte entendit tous ces capitaines, leur fit connaître que l'intention de la République était que les négocians et les navigateurs fussent protégés de toutes les manières, et les congédia après avoir donné en leur présence un ordre pour modérer les droits de douanes sur les cafés. Parceval de Grandmaison, membre de l'Institut, était directeur des douanes à Suez, et la légion maltaise en formait la garnison.

TOME II.

GUERRE D'Égypte.

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Un capitaine, venant d'Yambo, arriva en rade par un gros temps et échoua au point qu'on ne voyait plus que les mâtures de son bâtiment. Il se crut ruiné et ne fit rien pour réparer ce malheur. Les Français parvinrent à mettre à flot son navire, et à sauver une partie de la cargaison. Le tout lui fut restitué gratuitement, à sa grande surprise, car il ne pouvait concevoir un tel désintéressement.

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Après avoir ordonné la reconnaissance du port, des côtes et de la navigation du golfe, pour la défense de Suez, et avoir fait des dispositions pour modérer les droits excessifs imposés sur le commerce faciliter les importations et les exportations, et pour rétablir des relations utiles avec les Arabes des tribus voisines, Bonaparte voulut passer en Asie, visiter les sources de Moïse, situées à trois lieues sud-est de Suez, dans l'Arabie-Pétrée, et reconnaître la rive orientale de la Mer-Rouge, du côté des montagnes de Tor. Il fallait faire une route de sept à huit lieues en contournant le fond du golfe. Bonaparte, accompagné d'une suite et d'un détachement de cavalerie, traversa la mer à gué, vis-à-vis un monticule de ruines, que d'Anville prétend être l'emplacement d'Arsinoë. Les autres personnes, faisant partie de cette expédition, s'embarquèrent.

Protégé dans sa marche par un banc de sable et de roche, et guidé par des Arabes montés sur des dromadaires, Bonaparte arriva sans accident sur l'autre rive, distante d'environ cinq quarts de lieue. Cependant les chevaux avaient de

l'eau jusqu'au ventre. Il y en eut même qui nagèrent. C'était, disait-on, l'endroit où Moïse passa avec les Israélites pour échapper à l'armée de Pharaon.

Après quelques heures de marche sur des sables mouvans, on atteignit les sources de Moïse, situées à peu de distance de la mer. On trouva que l'eau de ces sources était légèrement saumâtre, et néanmoins potable. En considérant les décombres d'anciennes fabriques et les vestiges de fondations d'aqueducs, de citernes, et d'une petite enceinte fortifiée, on ne put pas douter qu'il n'eût existé autrefois dans cet endroit, ainsi que l'avaient pensé différens voyageurs, un grand établissement d'aiguade qui pouvait appartenir au temps où les Vénitiens faisaient le commerce des Indes par la Mer-Rouge. Les sources étaient au nombre de six, et leurs eaux étaient contenues dans de grands réservoirs d'où elles étaient conduites par un aquéduc jusqu'au rivage de la mer. Ce fut Bonaparte qui le découvrit, et, pour s'assurer de son état, il y fit faire des fouilles à des distances très - rapprochées, jusqu'à l'aiguade, et l'on reconnut qu'il était seulement encombré et susceptible d'être réparé à peu de frais. Il donna ses instructions pour en faire la topographie et le nivellement, et pour étudier tous les moyens de rendre ces sources utiles '.

On dit qu'à son arrivée sur la rive arabique,

'Elles ont été décrites par Monge. Les bâtimens qui arrivent à Suez et les habitans de la ville viennent y chercher de l'eau.

Bonaparte reçut une députation des cénobites du Mont-Sinaï, qui venaient le remercier de la protection qu'il leur avait accordée par son arrêté du 29 frimaire, et le supplier de vouloir bien s'inscrire sur l'antique registre de leurs garanties; qu'il écrivit son nom à la suite de ceux d'Aly, de Saladin, d'Ibrahim et de quelques autres 1. Ce fait qui, d'ailleurs, paraît peu vraisemblable à cause de la distance du Kaire au Mont-Sinaï; et du peu de temps qui s'était écoulé entre l'arrêté du 29 frimaire et le 7 nivôse, est tout à fait inexact. On revint à Suez le même jour. Une partie de ceux qui avaient accompagné Bonaparte prit les devans pour contourner par terre la pointe du golfe, Le général en chef, pour abréger, voulut reprendre la route par laquelle il était venu. Il faisait nuit quant il arriva au gué. La marée montait et rendait ce chemin hasardeux. Le guide arabe dit qu'il connaissait un passage plus facile; on le tenta. Mais l'Arabe perdit la tête et égara les Français dans un marais. Le général en chef courut quelque danger. S'il eût péri, c'eût été de la même manière que Pharaon, ce qui n'eût pas manqué, dit gaîment Napoléon, de fournir à tous les prédicateurs de la chrétienté un texte magnifique contre lui. Le général Caffarelli se trouva dans le plus grand embarras. Il en fut heureusement

'Las Cases, tome 1, page 265.

* Idem, page 267.

« Nous avons passé la Mer-Rouge à gué; le retour a failli nous coûter la vie. » Lettre du chirurgien en chef Larrey. ( Moniteur du 30 floréal an vII.)

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