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de blâme. Ne pouvant lui trouver un but raisonnable, on lui en supposa de toute espèce. Le bruit se répandit alors dans l'armée que ce général, voulant trouver un moyen litite de gagner de l'argent, pour payer les nombreux créanciers qu'il avait laissés à Paris, avait ambitionné de commander l'escorte de la caravane de la Mekke; il fallait être musulman, et il espérait que Bonaparte lui donnerait les fonctions d'émir-haggi. Dans la correspondance de Menou avec le général en chef, on ne trouve pas un seul mot qui ait trait à un semblable projet, ni à son mariage, ni à son changement de religion. Dans cette circonstance, la conduite de Menou fut toute politique. Il crut faire un acte de dévoûment au succès de l'expédition pour laquelle il était passionné; mais cet acte, peut-être utile au général dans ses rapports avec les habitans, fut sans influence sur l'entreprise. Sa femme était, disait-il, une schériffe, descendante de Mahomet. Il l'épousa, suivant l'usage du pays, sans la connaître et sans l'avoir vue. Le hasard ne le servit pas trop mal c'était une bonne personne.

;

Les journaux français publièrent, pendant l'expédition d'Égypte, un Entretien de Bonaparte dans l'une des pyramides avec plusieurs imans et muphtis. Parmi les personnes attachées à l'expédition, les unes ont attesté que cet entretien avait eu lieu, les autres ont dit que c'était une pure fiction, et se sont fondées sur ce que, à la date que porte cet entretien, 25 thermidor ( 12 août), Bonaparte était en route de Salhieh

pour

le Kaire. Cette dernière version est la seule qui soit exacte. Quoi qu'il en soit, cet entretien, dont la rédaction a sans aucun doute ensuite été soignée, porte le cachet de la couleur locale, et a un genre de grandeur et de mysticité où se déploient à l'envi la politique des prêtres de Mahomet et celle du général en chef '.

Quoique Bonaparte voulût paraître mahométan aux yeux des sectateurs de l'islamisme, il n'en protégea pas moins tous les cultes. Les chrétiens cophtes profitèrent de la présence de l'armée pour lui demander l'abolition des restrictions apportées à l'exercice de leur religion.

Il répondit à l'intendant général :

« J'ai reçu la lettre que m'a écrite la nation cophte. Je me ferai toujours un plaisir de la protéger : désormais elle ne sera plus avilie, et, lorsque les circonstances le permettront, ce que je prévois n'être pas éloigné, je lui accorderai le droit d'exercer son culte publiquement, comme il est d'usage en Europe, en suivant chacun sa croyance. Je punirai sévèrement les villages qui, dans les différentes révoltes, ont assassiné des Cophtes. Dès aujourd'hui, vous pourrez leur annoncer que je leur permets de porter des armes, de monter sur des mules ou sur des chevaux, de porter des turbans et de s'habiller de la manière qui peut leur convenir. Mais si tous les jours sont marqués de ma part par des bienfaits, si j'ai à restituer à la nation cophte une dignité et des droits

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inséparables de l'homme, qu'elle avait perdus, j'ai le droit d'exiger, sans doute, des individus qui la composent, beaucoup de zèle et de fidélité au service de la République.

Je rends justice à votre zèle et à celui de vos collaborateurs, ainsi qu'à votre patriarche dont les vertus et les intentions me sont connues, et j'espère que, dans la suite, dans la suite, je n'aurai qu'à me louer de toute la nation cophte '. »

Une caravane de 4 à 500 hommes et autant de chameaux, venant de Tor et du Mont-Sinaï, arriva aux portes du Kaire. Elle envoya à Bonaparte une députation de 24 Arabes, accompagnés d'un moine qui leur servit d'interprète. Il leur donna audience. Ils demandèrent la permission de vendre leurs marchandises au Kaire ; elle leur fut accordée. Suivant l'usage de l'Orient, ils offrirent au général en chef un présent. C'étaient des raisins excellens, des poires et des pommes estimées au Kaire, et provenant du couvent grec du Mont-Sinaï. Ces Arabes approvisionnaient surtout la ville de charbon de bois. Ils n'étaient pas venus depuis l'invasion des Français, et reprenaient leur commerce, rassurés par la protection que Bonaparte lui accordait. La caravane resta campée hors de la ville; on alla la visiter. Les Français et les Arabes se traitaient amicalement. On leur demanda ce qu'ils pensaient de Bonaparte; ils répondirent : Son bras est fort, et ses paroles sont de sucre. Le moine qui les accompagnait avait été chargé

'Lettre du 17 frimaire.

par les religieux du Mont-Sinaï de réclamer du général en chef sa protection et la confirmation des priviléges accordés à leur monastère par différens souverains musulmans, depuis Mahomet jusqu'au sultan régnant. Il présenta plusieurs des actes qui constataient ces concessions. Le premier était une copie de celui qu'Aly, qui fut depuis le quatrième des califes, avait écrit de sa propre main par l'ordre de Mahomet, l'an 623 de l'ère chrétienne, 2°. de l'hégire. On pouvait douter de l'authenticité de ce document, car, en l'an 2 de l'hégire, on était encore loin de prévoir la fortune du prophète; à peine avait-il obtenu ses premiers succès contre une poignée de Coreishites. Il était difficile de croire que les religieux eussent renoncé dès lors à la protection. d'Héraclius, leur empereur, pour recourir à celle de Mahomet, qui ne devait paraître encore qu'un enthousiaste turbulent et obscur. Du reste, ce n'était pas le premier exemple de fausses chartes produites par l'église chrétienne. Les firmans des divers sultans donnaient pour motifs des concessions, qu'il était de leur devoir, d'après le précepte divin, d'étendre leur bienfaisance sur tous leurs sujets indistinctement; que les religieux du Mont-Sinaï étaient établis sur cette montagne vénérable où Dieu avait parlé au seigneur Moïse, suivaient une loi révélée, et étaient fidèlement attachés à l'empire.

Bonaparte, à l'exemple de tous les sultans confirma, par l'arrêté suivant, les religieux du Mont-Sinaï dans tous leurs priviléges.

Bonaparte, général en chef, voulant favoriser le couvent du Mont-Sinaï,

1o. Pour qu'il transmette aux races futures la tradition de notre conquête ;

2o. Par respect pour Moïse et la nation juive dont la cosmogonie nous retrace les âges les plus reculés ;

3°. Parce que le couvent du Mont-Sinaï est habité par des hommes instruits et policés au milieu de la barbarie des déserts où ils vivent;

Ordonne,

Art. 1. Les Arabes bédouins, se faisant la guerre entre eux, ne peuvent, de quelque parti qu'ils soient, s'établir et demander asile dans le couvent, ni aucune subsistance, ni autres objets. 11. Dans quelque lieu résident les religieux, il leur sera permis d'officier, et le gouvernement empêchera qu'ils ne soient troublés dans l'exercice de leur culte.

que

III. Ils ne seront tenus de payer aucun droit ni tribut annuel, comme ils en ont été exemptés suivant les différens titres qu'ils en conservent.

Iv. Ils sont exempts de tout droit de douane pour les marchandises et autres objets qu'ils inporteront et exporteront pour l'usage du couvent, et principalement pour les soieries, satins, et les produits des fondations pieuses, des jardins, des potagers qu'ils possèdent dans les îles de Chio et de Chypre.

v. Ils jouiront paisiblement des droits qui leur ont été assignés dans diverses parties de la Syrie

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