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d'estime et à la haute considération que j'ai pour

elle. »

Au citoyen Talleyrand, ambassadeur à Constantinople.

<< Je vous ai écrit plusieurs fois, citoyen ministre ; j'ignore si mes lettres vous sont parvenues; je n'en ai point reçu de vous.

J'expédie à Constantinople le citoyen Beauchamp, consul à Mascate, pour vous faire connaître notre position, qui est extrêmement satisfaisante, et pour, de concert avec vous, demander qu'on mette en liberté tous les Français arrêtés dans les échelles du Levant, et détruire les intrigues de la Russie et de l'Angleterre.

Le citoyen Beauchamp vous donnera de vive voix tous les détails et toutes les nouvelles qui pourraient vous intéresser.

Je désire qu'il ne reste à Constantinople que sept à huit jours *. »

Beauchamp fut enlevé par les Anglais, et livré à la Porte comme espion. Ce savant astronome, alors consul à Mascate, n'échappa à la mort que par l'intercession de quelques personnages diplomatiques. Il fut détenu dans un château fort, sur les bords de la Mer-Noire, et ne recouvra sa liberté, en 1801, que pour venir mourir à Nice, au moment où il allait rentrer dans sa patrie.

Ainsi, à cette époque (21 frimaire an 7), Bonaparte était encore dans la persuasion que, suivant

Lettres du 21 frimaire.

ce qu'il avait été convenu entre lui et le Directoire, un ambassadeur avait été envoyé à Constantinople, et que cet ambassadeur était Talleyrand. Mais toutes ces illusions ne durèrent pas longtemps; et à compter aussi de cette époque Bonaparte renonça à toute négociation qui aurait pu avoir pour objet de prévenir une rupture de la part de la Porte.

Jetons un coup-d'oeil sur la situation politique de la France envers cette puissance, et sur les causes qui l'entraînèrent à la guerre.

Nous avons dit que Bonaparte était parti pour l'expédition, dans la confiance que Talleyrand irait comme ambassadeur, à Constantinople; mais que ce ministre s'était déchargé de cette mission sur Descorches.

A la nouvelle de l'entrée de l'armée française au Kaire, le Directoire l'annonça par un message au Corps législatif (28 fructidor).

<«<La nation française, y était-il dit, la Porte ottomane elle-même, et les peuples opprimés de ce pays superbe et malheureux ont enfin des vengeurs. Cet événement mémorable était entrevu par un petit nombre d'hommes à qui les idées glorieusement utiles sont familières; mais on s'était trop occupé à le ranger parmi les idées chimériques. Il était réservé à la France-République de réaliser ce nouveau prodige. >>

Le Directoire retraçait les causes qui avaient préparé cette expédition et qui devaient en consacrer le succès.

D'abord les odieuses vexations dont les beys

et leurs Mamlouks, ces esclaves dominateurs de l'Égypte, accablaient, à l'instigation de l'Angleterre, depuis près de 40 ans, mais surtout depuis la France s'était constituée en république, les Français établis dans ces contrées sur la foi des traités passés avec la Porte.

que

Les vaines réclamations faites par la France auprès de la Porte pour réprimer ces insultes et ces excès ne laissaient pas

France que

ses armes.

de se rendre autre ressource à la

justice elle-même et par

Répondant d'avance à l'objection qu'aucune déclaration de guerre n'avait précédé cette expédition: « à qui donc eût-elle été faite? demandait le Directoire. A la Porte ottomane? Nous étions loin de vouloir attaquer cette ancienne alliée de la France, et de lui imputer une oppression dont elle était la première victime: au gouvernement isolé des beys? Une telle autorité n'était et ne pouvait pas être reconnue. On châtie des brigands, on ne leur déclare pas la guerre. Et aussi, en attaquant les beys, n'était-ce donc pas l'Angleterre que nous allions réellement combattre ?

C'est donc avec surabondance de droit que la République s'est mise en position d'obtenir promptement les immenses réparations qui lui étaient dues par les usurpateurs de l'Égypte. Mais elle ne voulait point n'avoir vaincu que pour ellemême: l'Égypte était opprimée par des brigands; les Égyptiens seront vengés, et le cultivateur de ces fécondes contrées, jouira enfin du produit de ses sueurs, qu'on lui ravissait avec la plus

stupide barbarie : l'autorité de la Porte était entièrement méconnue; elle recueillera, par les mains triomphantes des Français, d'immenses avantages dont elle était privée depuis longtemps. Enfin, pour le bien-être du monde entier, l'Égypte deviendra le pays de l'univers le plus riche en productions, le centre d'un commerce immense, et surtout le poste le plus redoutable contre l'odieuse puissance des Anglais dans l'Inde, et leur commerce usurpateur. »

Sur la motion de Chénier, le conseil des CinqCents déclara que l'armée française, victorieuse en Égypte, avait bien mérité de la patrie.

Il était notoire que, depuis longtemps, les cabinets de Londres et de Pétersbourg travaillaient à entraîner la Porte dans une coalition contre la France, et que ces trois puissances traitaient d'une alliance offensive et défensive.

Lorsqu'on apprit, à Chypre, la prise d'Alexandrie, des courriers furent expédiés par la Caramanie pour en informer la Porte. Les Turcs s'armèrent dans les villes et dans les campagnes, les Français furent menacés. Dans la crainte d'une rupture, ils songeaient au moyen de fuir, car le moins qui pût leur arriver, était d'être arrêtés, et traînés en esclavage.

La nouvelle de la victoire remportée à Abouqyr par Nelson, dissipa les hésitations du divan. Du 11 au 14 fructidor (du 30 au 31 août), la Porte déclara la guerre à la France, fit emprisonner. les Français, déposa, comme leurs amis, le visir, le reis-effendi et le capitan-pacha, ordonna la

formation d'une armée pour reconquérir l'Égypte, invita la flotte russe à se joindre à la sienne, et envoya de riches présens à l'amiral anglais.

Qu'avait fait le Directoire exécutif pour prévenir ce funeste résultat? Par son chargé d'affaires Ruffin, il avait fait connaître à la Porte le but de l'expédition, et annoncé l'envoi d'un ambassadeur pour s'entendre avec elle. Était-ce assez pour balancer l'influence des Russes et des Anglais? Par ces communications lointaines, par de vagues promesses, pouvait-on espérer de déjouer les intrigues et les efforts de deux grandes puissances, dont les agens assiégeaient le divan de leurs offres et de leurs menaces? En leur laissant le champ libre, le Directoire trahit l'armée d'Orient, et commit une faute grossière, une faute irréparable.

Quelle fut, après la déclaration de guerre de la Porte, la conduite du Directoire? Il fit le généreux, il donna à l'ambassadeur turc l'assurance qu'il continuerait à jouir de tous les égards dus à son caractère. Il y eut entre lui et le ministre Talleyrand de longues conférences.

11 fit partir Descorches pour Constantinople, le 25 vendémiaire an 7, quatre mois après le départ de l'expédition, trois mois après l'invasion de l'Égypte, plus de 40 jours après que la Porte avait déclaré la guerre!

Il annonçait dans ses journaux les conférences tenues à Paris, et l'envoi tardif d'un ambassadeur, comme une preuve des sentimens pacifiques qu'il n'avait cessé d'avoir et qu'il conservait toujours.

TOME II. guerre d'égYPTE.

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