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compte des dispositions que faisaient, le 23, ces croisières pour quitter le mouillage. Depuis ce jour, le contre-amiral informait exactement Bonaparte de leurs mouvemens; il pouvait donc, le 25, en avoir reçu la nouvelle. Enfin, avant son départ du Kaire, le 30, la lettre de Gantheaume, du 27, lui était parvenue. L'exactitude avec laquelle ce contre-amiral rendait compte de l'état des croisières, et les instances qu'il faisait à Bonaparte de profiter de leur éloignement', achèvent de réléguer parmi les fables inventées par l'esprit de parti une convention faite entre le commodore anglais et le général de la République. C'est le pendant de cette autre assertion, que Pitt avait suggéré au Directoire l'expédition d'Égypte. Laquelle des deux le dispute à l'autre en absurdité? Il est difficile de le dire.

Suivons donc Bonaparte voguant vers la France à travers les escadres ennemies.

- Les vents soufflant constamment du nord-ouest forcèrent à courir des bordées au nord-est et sur la côte d'Afrique; telle fut la contrariété du temps qu'on ne fit que 100 lieues en 20 jours. Cependant cette longue navigation laissait l'espoir d'échapper aux croisières ennemies, en se tenant toujours entre les 32°. et 33°. degrés de latitude, et à peu de distance des côtes d'Afrique; on était dans des parages, sinon inconnus, du moins trèspeu fréquentés par les marins, et très-éloignés

Lettres de Ganthcaume, des 27, 30 thermidor, 1, 2, 3 fruc tidor.

de la route que suivent ordinairement les navires pour se rendre d'Europe en Égypte.

On attendait avec une vive impatience les vents de l'équinoxe; on comptait sur leur violence pour passer le cap Bon et échapper à la croisière anglaise qu'on devait craindre d'y rencontrer. Chaque jour, lorsqu'on faisait le point, on voyait avec une extrême anxiété qu'on ne se trouvait pas plus avancé que la veille, et souvent qu'on avait reculé. « Si, disait-on, Sidney Smith est revenu devant Alexandrie, il se sera porté à notre poursuite sur le cap Bon, et il y arrivera avant nous. »

Bonaparte, comme un simple passager, s'occupait pendant ce temps-là de géométrie, de chimie et quelquefois jouait et riait avec ses compagnons voyage. Il mit beaucoup de franchise dans ses conversations, s'exprima avec dédain sur le compte du Directoire et parla avec assurance de son avenir.

de

Le 25 fructidor, le vent d'est commença à souffler; le 30, on avait doublé le cap d'Ocre, et, le 4. complémentaire, on était au-delà du golfe de la Sydre. Dans la nuit du 6 complémentaire au 1er. vendémiaire an vIII, on passa près de Lampedouse, et, le premier vendémiaire, on découvrit la Pantellerie. Ce jour, anniversaire de la fondation de la République, fut célébré à bord des deux frégates. On chanta des couplets brûlans de patriotisme, composés pour la fête par Bourienne, secrétaire de Bonaparte.

Sur le soir, le calme survint à deux lieues.
TOME II. GUERRE D'ÉGYPTE.

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château de Gallipoli; mais, vers onze heures, le vent d'est commença à souffler bon frais; on doubla le cap Bon dans la nuit, et, le 2 vendémiaire 'à midi, on était par le travers de Biserte. Le vent continuant à être favorable, on se trouva, le 4 vendémiaire, par le travers du golfe d'Oristano, en Sardaigne. Le 5, on découvrit le cap Salcon, et, le 7, on dépassa les bouches de Bonifaccio.

Ignorant la suite des événemens militaires depuis le mois de prairial, et craignant que l'ennemi ne fût maître de la Provence et peut-être de la Corse, Bonaparte résolut de faire prendre langue dans cette île. Gantheaume y envoya la Revanche. Le 8 vendémiaire au soir, on entra dans le golfe d'Ajaccio; n'ayant encore aucune nouvelle de la Revanche, et ne voulant pas, la nuit, par un vent grand frais, rester dans le golfe, on vira de bord, et les frégates gagnèrent le large. Le 9 au matin, le vent du nord-ouest (mistral) souffla avec violence et les força de retourner à Ajaccio ; il était à craindre qu'un accident, s'il en arrivait un à des frégates mal gréées et mal mâtées, ne les rejetât dans des parages d'où la fortune les avait fait sortir sans rencontrer d'ennemis.

En entrant dans le golfe d'Ajaccio, on retrouva la Revanche, qui pour s'abriter avait jeté l'ancre près de la côte on lui fit des signaux; elle répondit par les siens que la Corse était toujours française, et vint donner ensuite des nouvelles plus détaillées. Une felouque, envoyée d'Ajaccio pour reconnaître les bâtimens, tira des salves de

ses petits canons, et, prenant les devans à l'aide de ses rameurs, précéda de quelques minutes les deux frégates qui entrèrent à pleines voiles dans le. port. Les bastions de la citadelle tirèrent spontanément le canon en signe de réjouissance.

Au bruit de cette canonnade inattendue, les habitans d'Ajaccio se portèrent en foule sur le port. A peine les frégates eurent-elles jeté l'ancre, qu'elles furent entourées d'embarcations. L'air retentit des cris de vive Bonaparte! Les autorités vinrent à la poupe du Muiron, et firent, ainsi que tous les citoyens, éclater leur joie en reconnaissant le général. Un orateur lui fit le récit succinct de tous les événemens politiques et militaires qui s'étaient passés pendant son absence.

Bonaparte apprit ainsi la suite des revers des armées en Italie, la reddition de Mantoue, les batailles de Novi, de la Trebbia, la descente des Anglo-Russes en Batavie, et la révolution directoriale du 30 prairial.

Les citoyens voulurent passer de leurs embarcations à bord des frégates. On leur opposa en vain les lois sanitaires : « Il n'y a pas de quarantaine pour Bonaparte, pour le sauveur de la France!» s'écrièrent-ils. La municipalité ellemême joignit ses instances à celles des habitans, pour décider le général à se rendre à terre. Il ne se fit pas prier longtemps; il débarqua, et fut conduit au milieu des acclamations et de l'ivresse générale dans sa maison paternelle. "¡

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Les troupes étaient sous les armes; elles n'a

vaient m vêtement ni chaussure. Bonaparte demanda où en était la caisse; elle n'avait rien reçu depuis sept mois. Le payeur était en avance. Il s'était obligé pour 4,000 francs qu'il avait répartis entre les corps, afin d'assurer la subsistance et d'apaiser les aubergistes, qui refusaient la table aux officiers. Bonaparte fut indigné de cet abandon. Il remit tout ce qu'il avait de disponible, et fit aligner la solde. Il ne voulut pas que l'uniforme excitât la pitié. Le soir, il y eut bal, illumination. Le pauvre le disputait au riche.

Il trouva son pays en proie à des divisions; la municipalité et l'administration départementale s'accusaient réciproquement; les prisons étaient pleines, les partis en présence. Le public perdait patience. Bonaparte intervint comme médiateur dans ces discussions; les prisons furent ouvertes, la paix et la confiance rétablies.

Les vents soufflaient toujours du nord-ouest, et retinrent les frégates dans le port d'Ajaccio depuis leg vendémiaire jusqu'au 15. Dans cet intervalle, elles essayèrent une fois d'en sortir; mais les vents les forcèrent à rentrer. Quoique Bonaparte eût fait suivre les frégates par deux avisos, la Revanche et l'Indépendant, pour plus de sûreté il fit préparer à Ajaccio une gondole avec 14 rameurs choisis, qui fut amarinée au Muiron, afin d'échapper plus facilement à l'ennemi sur un des trois bâtimens, si on le rencontrait.

Enfin le 15, à sept heures du soir, on mit à la voile, et le 16, au soir, on aperçut les côtes de

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