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et 10 à 12,000 paysans dont la plus grande partie avait des armes à feu. La cavalerie française s'attacha aux cavaliers, en mit hors de combat près de 200, et, les autres ayant pris la fuite, elle tomba sur les fantassins qui se débandèrent. Un millier d'entre eux furent mis à mort le resté dut son salut à la nuit. Par ce combat, la flottille fut dégagée, la cavalerie la rejoignit à Syout et remonta avec elle à Girgeh où elle arriva le 29.

Condamné à l'inaction par le retard de sa flottille, Desaix passait une partie de ses loisirs à causer avec un prince nubien, frère du souverain de Darfour, qui revenait de l'Inde et allait rejoindre une caravane de Senaar portant au Kairę des femmes, des dents d'éléphant et de la poudre d'or. Ce prince lui donnait des détails sur les lois, le commerce de la Nubie, et les relations de ce pays avec la fameuse ville de Tombouctou. Pour dévorer le temps et tempérer son impatience et son mécontentement de cette fatale marine qui le privait de sa cavalerie, Desaix se faisait réciter par des Arabes des contes dans le genre des Mille et une Nuits; sa mémoire prodigieuse ne perdait pas une phrase de ce qu'il avait entendu. L'armée, toujours victorieuse, ne pouvait se mettre à l'abri des voleurs. Des habitans, bravant toute la rigueur militaire, se glissaient la nuit dans les camps, et en emportaient leur proie. y en eut plusieurs de fusillés.

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Mourad-Bey était au village de Hou, à 10 lieues environ au-dessus de Girgeh, avec 1,000 habitans du pays d'Yambo et de Jedda, débarqués

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à Qosseïr, Hassan-Bey-Jeddaoui, et Osman-BeyHassan, à la tête de 250 Mamlouks, des Nubiens, des Maugrabins, 2 ou 3,000 Arabes; les habitans de l'Égypte supérieure, depuis les cataractes jusqu'à Girgeh, étaient en armes et s'étaient réunis sur ce point. Mourad, plein de confiance en des forces si formidables, se mit en marche pour attaquer les Français.

Le retard de la flottille contre lequel Desaix s'était tant impatienté, lui ramenait un ennemi qu'il n'avait pu, jusqu'à présent, forcer au combat. Cette flottille arriva enfin avec la cavalerie. Desaix, au moment où Mourad marchait devant lui, avait donc réuni toutes ses troupes et tous les moyens de combattre avec avantage; cependant ses forces ne s'élevaient tout au plus qu'à 4,000 hommes.

Instruit que près de lui, à El-Araba, étaient les ruines du temple d'Abydus, bâti par Osymandyas, et où Memnon avait résidé, Denon pressait Desaix d'y pousser une reconnaissance. Le général lui disait : « Je veux vous y conduire moi-même; Mourad-Bey est à 2 journées; il arrivera après-demain, il y aura bataille; nous détruirons son armée; ensuite nous ne penserons plus qu'aux antiquités, et je vous aiderai moi-même à les mesurer ».

Il partit de Girgeh, le 2 pluviôse, pour aller au-devant des ennemis, et coucha à El- Macera. Le 3, son avant-garde rencontra la leur sous les murs de Samhoud. Desaix disposa ses troupes pour le combat et prit l'ordre de bataille accou

tumé en plaçant son infanterie en carré sur ses ailes, la droite commandée par Friant, la gauche par Belliard, et sa cavalerie en carré au centre, sous les ordres de Davoust. L'ennemi s'avança de toutes parts, sa nombreuse cavalerie cerna les Français, et une colonne d'infanterie d'Arabes d'Yambo se jeta dans un canal sur leur gauche et les inquiéta par la vivacité de son feu. Desaix la fit attaquer, elle fut culbutée et prit la fuite. Il s'empara du village de Samhoud. Les innombrables colonnes ennemies s'avançaient toujours en poussant des cris affreux : celle des Arabes d'Yambo s'était ralliée. Elle attaqua et voulut enlever le village; mais elle fut reçue par un feu si vif et si bien nourri qu'elle fut forcée de se retirer' avec une perte considérable.

Les Mamlouks se précipitèrent sur le carré commandé par Friant, tandis que plusieurs colonnes d'infanterie se portaient sur celui de Belliard; on les accueillit par un feu d'artillerie si meurtrier qu'ils furent en un instant dispersés et obligés de rétrograder, laissant le terrain couvert de leurs morts. Davoust reçut l'ordre de charger le corps des Mamlouks où se trouvaient Mourad et. Hassan. Ils n'attendirent pas la charge, ils firent leur retraite, et furent poursuivis pendant 4 heures l'épée dans les reins. Dans cette glorieuse journée, comme à la bataille des Pyramides, la perte des Français fut presque nulle; ils n'eurent que 4 hommes tués et quelques blessés. Bonaparte décerna des armes d'honneur aux soldats qui s'y étaient distingués par des actions

d'éclat : Rapp, aide-de-camp de. Desaix, s'y fit remarquer par sa bravoure et fut blessé d'un coup de sabre. La bataille de Samhoud jeta l'épouvante parmi les nombreux alliés de Mourad ; le nom de Desaix fut craint et respecté, non-seulement dans l'Égypte supérieure; mais encore dans l'Éthiopie et dans les déserts de l'Arabie.

Le lendemain, il continua de poursuivre Mourad; mais, pour atteindre un ennemi qui se retirait sur son propre terrain, l'artillerie était trop lourde, l'infanterie et la grosse cavalerie trop lentes; à peine la cavalerie légère pouvait-elle y parvenir. Le 5, on passa à Denderah, l'ancien Tentyris, dont le temple antique imprima un sentiment de respect à toute l'armée qui s'y arrêta spontanément. Le 7, au matin, en détournant la pointe d'une chaîne de montagnes qui forme un promontoire sur le Nil, on découvrit tout à coup, dans tout son développement, l'antique Thèbes, la ville aux cent portes. A l'aspect de ces ruines gigantesques, tous les rangs de l'armée retentirent d'applaudissemens, comme si elles eussent été le but de ses glorieux travaux, et si elles avaient complété sa conquête.

Desaix arriva à Esneh où il laissa le général Friant et sa brigade, se dirigea le lendemain sur Syène, et arriva le 13 devant cette dernière ville de l'Égypte méridionale, après avoir essuyé des fatigues excessives, et poussant toujours devant lui son ennemi. Mourad, Hassan, Soliman et 8 autres beys se voyant poursuivis avec cet acharnement, affaiblis par leurs pertes, hors d'état de

pays

des

combattre, s'enfoncèrent dans l'affreux Barabras, au-dessus des cataractes, à 4 jours de Syène. Le 14, Desaix traversa le Nil pour occuper cette ville, sur la rive droite. Le même jour, un détachement se porta sur l'île de Philoe, autrefois dernière limite du vaste empire romain. On rencontra, à travers les rochers de granit, les carrières où l'on détachait les blocs qui servaient à faire ces statues colossales dont les ruines frappent encore d'étonnement et d'admiration.

Deş montagnes hérissées d'aspérités noires et aiguës, réfléchies d'une manière sombre dans les eaux du Nil, resserré par une infinité de pointes de granit qui le partagent en déchirant sa surface et le sillonnent de longues traces blanches; ces formes et ces couleurs austères, contrastant avec le vert des groupes de palmiers parsemés dans les rochers, et avec le plus beau ciel du monde, voilà le tableau que présente ce qu'on appelle la cataracte et qui n'en mérite pas le nom. Ce n'est qu'un brisant du fleuve qui s'écoule à travers les roches, en formant, dans quelques endroits, des cascades peu sensibles, de quelques pouces de

hauteur.

On y trouva plus de 50 barques que les Mamlouks y avaient remontées avec des peines infinies, et qu'ils avaient été forcés d'y abandonner '.

I

Le terme de la marche des Français en Égypte

' Berthier dit dans sa relation qu'il y en avait 150; mais Desaix, dans la sienne : plus de 50 barques et beaucoup d'effets.

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