Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[ocr errors]

de M. Bonaparte. Cependant il l'eût reçue ce matin, si vous l'aviez permis. (J'appuyai fortement sur ce mot.)-Eh bien! que ce Turc la présente, il la recevra ou ne la recevra pas, il est parfaitement libre. -Muhammed la présenta. Hassan-Bey la reçut et l'ouvrit. L'interprète anglais s'approcha; ils la lurent; sourirent ironiquement à diverses reprises; M. Hood affectait aussi de rire. J'ai été très-étonné, me dit-il, du Turc que le général m'a envoyé sous le pavillon parlementaire turc. Vous doutez donc de la déclaration de guerre que vous a faite la Porte? Eh bien, je vous donne ma parole d'honneur qu'elle est réelle. Et M. Bonaparte que fait-il ?-Il est parti pour Suez après avoir reçu un courrier de cette ville; il a conclu un traité d'alliance avec les Arabes du Mont-Sinaï et les princes du Mont-Liban. J'avais déjà parlé légèrement de l'arrivée à Suez de vaisseaux et de bâtimens de transport à quelques officiers.

Je demandai ensuite à M. Hood, s'il y avait longtemps qu'il n'avait reçu des nouvelles d'Europe.-Depuis plus de sept semaines; j'en attends tous les jours; je m'empresserai de faire passer les journaux à M. Bonaparte. Le général Manscourt m'a fait demander ses lettres par un parlementaire très-aimable, ajouta-t-il en riant. Je transmettrai celles qui seront indifférentes, je vous en donne ma parole. Je ferai même passer un mot en France ou en Italie. Oh! vous êtes bien bon, repris-je précipitamment ; c'est inutile. Depuis le commencement de septembre, tous les

cinq ou six jours, il part un bâtiment pour France. Déjà plusieurs officiers et aides-de-camp du général en chef ont été expédiés. — Oui! — Assurément; vous devez en avoir pris beaucoup. Avezvous pris le frère du général Bonaparte?-Comment, le frère de M. Bonaparte?—Oui. Il est parti d'Alexandrie, il y a 25 ou 30 jours. Il parut ne pas le croire ; je le lui confirmai.--Au surplus, il n'échappera pas aux croisières supérieures.-Il me demanda ensuite si j'étais venu d'Abouqyr, et si j'ignorais la lettre que lui avait écrite l'adjudant-général Lescale. Il me la communiqua. Elle pouvait être mieux.

-Mon intention, continua M. Hood, est de me conduire envers vous comme votre nation se conduira envers nous. Vous voyez que j'eusse pu ne pas vous recevoir. Je suis même étonné que M. Lallowell vous ait permis de vous rendre à son bord venant d'Abouqyr.-Je lui répondis que j'étais parti de Rosette, mais que la barre du Nil étant trop forte, j'avais été obligé de venir par Abouqyr. Qu'au reste, il pouvait être dangereux pour nous que des parlementaires pénétrassent dans un fort et dans un poste dont ils pourraient reconnaître la position, tandis qu'il n'était de nulle conséquence pour eux qu'un parlementaire vint de tel ou tel point, se rendît à tel ou tel bord.

-En vous envoyant des lettres, reprit M. Hood, je ne suivrai pas l'exemple de votre gouvernement qui vient d'ordonner que toutes les lettres adressées à des Anglais, et prises sur quelque bâtiment que ce soit, soient portées en France,

Vous faites la guerre comme on ne la fit jamais; nous la ferons comme vous; nous vous imiterons, de quelque manière que vous agissiez.—Je crois, M. le commodore, lui ai-je répondu, que sur ce point nos deux gouvernemens n'ont rien à se reprocher; quant au général Bonaparte, sa manière de faire la guerre a toujours été franche loyale, et réglée par l'humanité. Je lui racontai alors les attentions que vous eûtes pour le maréchal Wurmser, au siége de Mantoue; que vous lui aviez envoyé toutes sortes de rafraîchissemens pour ses malades, générosité qui avait fort étonné le vieux maréchal. Je lui parlai de l'humanité avec laquelle les deux nations belligérantes avaient mutuellement traité leurs prisonniers.

J'ajoutai que je savais que votre intention était de fournir aux Anglais les choses qui leur seraient agréables, et qui pourraient leur manquer. M. Hood parut surpris de cette politesse, remercia, et me dit qu'il ne manquait de rien.

Je continuai en lui disant que vous désiriez que le premier parlementaire qu'il enverrait fût adressé à Rosette. Mais, dit-il, en m'interrompant, il me paraît plus simple de l'envoyer à Alexandrie. -Le genéral désire que vous ayez la complaisance de le faire venir à Rosette; les ordres sont donnés pour que, de là, il soit introduit au Kaire. Dans ce cas, le général désire que vous choisissiez quelqu'un qui soit intelligent, et qui ait votre confiance.-Eh bien, soit! je suivrai cette marche.

Je saisis cette occasion pour offrir à un ministre protestant qui venait de témoigner un vif désir

de voir les pyramides, de venir avec moi; je lui dis que je le ramènerais.

Dans ce moment, l'interprète anglais s'approcha de M. Hood, lui traduisit votre lettre à Hassan-Bey. Le commodore feignit de rire aux éclats. L'interprète revint à moi et me dit : Hassan-Bey

pris un brick français et a mis l'équipage aux fers. Il ne le rendra pas, et en usera de même avec tout ce qui appartient à la nation française.

-Mohammed étant porteur de la lettre, lui disje, c'est à lui que doit s'adresser la réponse.Hassan-Bey n'en fera ni verbalement ni par écrit. -M. Lallowell m'avertit que le canot était prêt. Je pris congé de M. Hood qui me chargea de vous faire ses complimens. Dans la traversée, M. Lallowell me dit : -Vous devez avoir eu un combat près du Kaire, il y a trois jours.-Avec qui ? lui répondis-je; Mourad-Bey vient d'être battu par le général Desaix.-Je le sais; mais vous verrez. Il ajouta qu'un Turc que j'avais vu à bord de M. Hood était un envoyé du grand-seigneur. Il était chargé de distribuer des présens et de prendre avec l'amiral de grandes mesures. M. Hood ne m'en a pas parlé : cela n'a pas même l'apparence de la vérité.

En général, malgré les amitiés ostensibles et affectées qu'ils s'efforçaient de faire au vieux pacha de Rhodes et à sa suite, les Anglais ne m'ont pas paru sympathiser avec eux ; je les crois surtout très-mécontens des Arabes. M. Lallowell me disait qu'un jour Hassan-Bey lui avait témoigné combien il était étonné de voir les communications GUERRE D'Égypte.

TOME II.

3

sociales des parlementaires français et anglais; chez eux, de pareils envoyés courraient risque de perdre la vie. M. Lallowell ne put s'empêcher de lui répondre : Nous ne sommes pas des barbares.

Nous arrivâmes à bord du Swiftshure à minuit. Il était dangereux de partir à cette heure, à cause des canots de ronde. J'acceptai un lit que M. Lallowell me fit tendre dans sa chambre. Je le quittai le lendemain matin.

Un officier me dit que l'amiral Nelson était attendu. Je demandai ce qui en était à M. Lallowell' qui m'affirma le contraire. Ce qu'a dit le premier me parut une indiscrétion.

Vous avez jugé, mon général, de l'effet qu'a produit le dernier parlementaire du général Manscourt; vous savez encore qu'il se disposait à y en envoyer un nouveau. Le dernier eut, à ce qu'il paraît, un mouvement de vivacité avec M. Hood. C'est sur de tels hommes qu'on juge de la nation et de l'esprit de l'armée.

Je ne puis vous dissimuler aussi que l'officier de marine qui m'accompagnait in'a forcé vingt fois de rougir pour lui, et qu'embarrassé souvent, j'ai dû m'efforcer de réparer ses indiscrétions. Je dois aussi vous dire, mon général, que l'armement de la division, qui s'effectue avec activité, n'est déjà plus un secret. Alexandrie doit fixer vos regards et votre attention. Les Anglais paraissent trop bien instruits de ce qui s'y passe. >>

Bonaparte écrivit de nouveau à Djezzar-Pacha; « Je ne veux pas vous faire la guerre,

si vous

« ZurückWeiter »