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déçu ses espérances. De retour au Kaire, il nè put retenir son humeur, et ce fut le texte d'une lettre énergique qu'il écrivit au Directoire.

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«La République n'aura jamais de marine tant que l'on ne refera pas toutes les lois maritimes lui écrivit-il. Un hamac mal placé, une gargousse négligée, perdent toute une escadre. Il faut proscrire les jurys, les conseils, les assemblées, à bord d'un vaisseau; il ne doit y avoir qu'une autórité, celle du capitaine, qui doit être plus absolue que celle des consuls dans les armées ro

maines.

Si nous n'avons pas eu un succès sur mer, ce n'est ni faute d'hommes capables, ni de matériel, ni d'argent, mais faute de bonnes lois. Si l'on continue à laisser subsister la même organisation maritime, mieux vaut-il fermer nos ports; c'est y jeter notre argent'. »

Lorsque la nouvelle de la retraite de l'armée française se répandit en Syrie, la consternation y fut générale. Les Druses, les Mutualis, les partisans du cheyk Daher et tous les chrétiens de la Palestine n'obtinrent la paix de Djezzar que par de grands sacrifices d'argent. Il fut moins cruel que par le passé. Presque toute sa maison militaire avait péri à Saint-Jean-d'Acre et ce vieillard survivait à tous ceux qu'il avait élevés. La peste qui faisait de grands ravages dans cette ville augmentait encore ses malheurs et portait un

'Lettre de Bonaparte à Desaix, du camp d'Acre, 30 germinal. "Lettre du 1er. thermidor.

dernier coup à sa puissance : il ne sortit point de son pachalic. Phélippeaux, après avoir, par la défense de Saint-Jean-d'Acre, attaché à son nom une triste célébrité, y mourut de la peste peu de jours après la retraite des Français. Ismaël pacha de Jérusalem, reprit possession de Jaffa. Ibrahim-Bey, avec 400 Mamlouks qui lui restaient, alla prendre position à Gaza.

En Europe, l'expédition d'Égypte exerçait depuis plusieurs mois tous les esprits, et donnait lieu à de nombreuses conjectures. Dans les premiers jours de l'arrivée de l'armée d'Orient sur le sol de l'Égypte, au début de la an début de la campagne, la correspondance des officiers avec la France était empreinte de leur dégoût, de leurs regrets, et de leur espoir de quitter une terre maudite pour retourner aux délices et aux jouissances de leur belle patrie. Une grande quantité de ces lettres avaient été interceptées par les croisières ennemies, surtout après le combat naval d'Abouqyr. En les lisant, le cabinet anglais avait triomphé de cette explosion de sentimens qui semblaient présager de la mollesse, de la défection dans l'armée, et peut-être sa ruine. Il avait fait parmi ces lettres un choix des plus amères, et, sans respect pour des confidences familières étrangères à la politique et à la guerre, il les avait publiées avec des notes qui donnaient à ce recueil le caractère d'un libelle officiel contre l'armée d'Orient, son chef et la nation française. Il était curieux d'entendre les usurpateurs de l'Inde, les oppresseurs des peuples et des rois, les envahisseurs des états et des trésors

de Tippo-Saïb, faire un crime aux Français d'être venus porter la guerre chez un peuple paisible, digne de l'intérêt et de l'estime de toute l'Europe, et prédire d'un ton prophétique que cette armée de brigands, que ce scélérat de Bonaparte, succomberaient sous les coups des humains Mamlouks et des vertueux Arabes; enfin qu'il ne sortirait pas de l'Égypte un seul soldat français. Ces lettres, vraies ou fausses, rapportées fidèlement ou mutilées, les commentaires injurieux, les prédictions sinistres qui les accompagnaient, répandirent la joie dans les cabinets coalisés contre la République et chez tous ses ennemis. Ils ne prévoyaient pas que cette publication serait le plus bel éloge de l'armée d'Orient, de son chef, et le plus grand hommage qu'ils pussent leur rendre. Dans une de ces lettres, écrite le 21 messidor an vi, par l'ordonnateur de l'escadre Joubert, on lisait : « Quand les officiers et les soldats virent Alexandrie et les déserts qui l'environnent, ils furent frappés de stupeur; mais Bonaparte ranima tout. » En effet, cette armée de mécontens èxaspérés, conduite par un général que par un général que tant de hauts faits avaient illustré, conquit l'Égypte, et s'y maintint pendant trois ans, à force de sacrifices de privations, de persévérance et de prodiges.

Mais tandis que les ennemis de la République prédisaient hautement la ruine de l'armée d'Orient, en France, au contraire, on ne rêvait que prospérités et expéditions encore plus lointaines. On faisait marcher Bonaparte et la moitié de son armée à Suez où il trouvait l'amiral Richery avee

sept vaisseaux de ligne et quatre vaisseaux espagnols venant de Manille, sur lesquels il allait s'embarquer pour le golfe Persiqué, D'autres, et c'était l'opinion de Volney, regardant comme chimériques de semblables entreprises, pensaient qu'il fallait se contenter de pourvoir à la conservation de l'Égypte et ramener le théâtre de la guerre vers l'Europe, à Constantinople. Lorsqu'on fut instruit en France qu'une partie de l'armée d'Orient était entrée en Syrie, et quand ses premiers succès furent connus, la renommée répandit bientôt que Bonaparte avait pris Saint-Jeand'Acre; les journaux le faisaient aller à Jérusalem, à Damas, et marcher sur Constantinople avec une armée de 100,000 hommes, recrutée dans le pays.

On publiait à Paris une lettre du chirurgien en chef Larrey, du 8 pluviôse, qui semblait accréditer ces bruits, et annonçait que, dans l'armée française, on avait cru que Saint-Jean-d'Acre n'était pas le seul but de l'expédition de Syrie. « Nous allons, disait-il, partir pour la Syrie; suivez-nous maintenant, la carte de Volney à la main. Nous allons nous diriger sans doute vers l'Euphrate, si célèbre par les armées dont ses rives ont été couvertes. Nous ne désespérons pas de voir Constantinople. » Des politiques, partant de cette supposition, publièrent un écrit intitulé : De la conquête probable de l'empire ottoman par Bonaparte.

« On annonce, y disait-on, que Bonaparte, suivi de 200,000 combattans, outre l'armée française, après avoir conquis la Syrie, rendu plu

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sieurs peuples à la liberté, a pénétré dans l'Anatolie, et, qu'au départ du courrier, le quartiergénéral de ce conquérant était à Angouri, à 85 lieues de Constantinople. S'il est vrai qu'il ait fait des progrès aussi rapides, et qu'il soit suivi d'une armée aussi nombreuse, nul doute qu'il ne s'empare de Constantinople et qu'il ne change la face de l'empire ottoman. Peut-être détrônant Sélim et créant un sultan qui lui sera dévoué, s'en fera-t-il un allié pour combattre l'Autriche et la Russie. Peut-être est-il dans la destinée de ce grand homme de revenir en Europe par cette route glorieuse, de refouler les barbares du nord dans leurs déserts ', et, devenu pour la seconde fois le libérateur de l'Italie, de signer à Vienne la paix générale et la liberté de plusieurs nations. En effet, Bonaparte, après avoir subjugué l'empire ottoman et l'avoir ramené à l'alliance de la République, pourrait facilement imposer aux Russes et marcher en Autriche par Belgrade. Qui sait si Passwan-Oglou ne s'unirait pas à ses grandes entreprises et si la couronne impériale ne lui serait point offerte par le nouvel Alexandre, pour prix de ses services? Il y a sans doute quelques rapports sympathiques entre ces deux héros. Qui sait si la Pologne, voyant de si près les étendards de la liberté, ne leverait point celui de la révolte contre ses tyrans ?... A ces nouvelles, les hordes d'Autrichiens et de Russes qui

Les Austro-Russes, conduits par Suwarow, combattaient alors les Français en Italie.

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