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232 de ma correspondance ). Le 8 au soir, le mou→ vement de l'hôpital était de 150 malades, mais, d'après un examen plus attentif, je déterminai 20 à 25 hommes à rentrer au camp.

Je passai presque toute la journée du 9 dans l'hôpital, pour hâter l'évacuation des malades qui étaient au nombre de 100 '. >>

D'après ce calcul du médecin en chef, il faut conclure que l'empoisonnement des malades est une invention des ennemis de Bonaparte et de la France. Du reste, n'aurait-il pas été plus humain d'abréger la vie de quelques pestiférés qui ne pouvaient pas être transportés, que de les abandonner au cimeterre des Turcs? C'est une question à laquelle il nous semble qu'on peut répondre affirmativement sans mériter l'accusation de cruauté et de barbarie; et nous dirons avec Napoléon :

« Ce n'eût point été commettre un crime, que de donner de l'opium aux pestiférés. C'eût été au contraire obéir à la voix de la raison. Il y aurait eu plutôt de la cruauté à laisser quelques misérables dans cet état désespéré, exposés à être massacrés par les Turcs, ou à éprouver de leur part les tourmens horribles qu'ils avaient coutume d'exercer contre les prisonniers. Un général doit agir envers ses soldats comme il voudrait qu'on agît envers lui-même. Quel est l'homme, jouissant de l'usage de sa raison, qui, dans des circonstances semblables, n'aurait pas préféré mourir

▪ Histoire médicale de l'armée d'Orient, Desgenettes, pages 97, 98, 99 et 100.

quelques heures plus tôt, à vivre exposé aux tortures les plus affreuses de la part de ces barbares 1? >>>

L'arinée partit de Jaffa le 9 prairial (28 mai). La division Reynier prit la route de Ramleh. Celles de Lannes et de Rampon marchèrent au centre avec le quartier-général, et la cavalerie cotoyait la mer. Pendant la route, les colonnes de Reynier et de Rampon eurent ordre de brûler les villages et les moissons; bientôt toute la Palestine offrit l'aspect d'un vaste incendie.

La division Kléber qui était restée à Jaffa pour protéger l'évacuation des blessés et des malades, en partit le 10 prairial (9 mai), et forma l'arrièregarde. Ce général fut puissamment secondé dans une opération aussi pénible par Junot et Verdier. Plein d'une sollicitude paternelle pour les malheureux que l'épidémie avait frappés, il n'aimait pas cependant à les voir de trop près. Arrivé à une station, «< Mes enfans, leur dit-il, je m'occupe de vous; nous allons partager ce que j'ai; mais tenez-vous à distance et ne m'approchez pas, car ce n'est pas de la peste qu'il convient que je meure ».

L'armée arriva le 11 à Gaza. Cette ville, qui avait bien accueilli les Français à leur entrée en Syrie, ne s'était point démentie. On respecta les propriétés des habitans, et les campagnes environnantes ne furent point dévastées. On se borna à faire sauter le fort pour qu'il ne pût servir à

O'Meara, tome 1, page 307.

l'ennemi. Le 12, l'armée campa à Kan-Iounes, et alla coucher le 13 à El-Arych. Elle y trouva des magasins bien approvisionnés, et y laissa une partie des bestiaux qu'elle avait pris pendant la retraite; mais elle commença à souffrir de la chaleur. Le sable du désert faisait monter le thermomètre de Réaumur à 44 degrés; l'atmosphère était à 34. Le fort d'El-Arich étant d'une grande importance pour la défense de l'Égypte du côté de la Syrie, le général en chef ordonna des travaux pour en augmenter les fortifications et y laissa une garnison de 600 hommes. L'armée en partit le 14 prairial. Les soldats, en parcourant ces vastes plaines de sable, s'égayaient sur la générosité de Bonaparte qui avait promis à Toulon, au moment du départ, de leur donner à chacun sept arpens de terre. « Il peut bien en donner à discrétion, disaient-ils; nous n'en abuserons pas. » Ils avaient aussi sans cesse à la bouche ces vers de Voltaire :

Les Français sont lassés de chercher désormais.
Des climats que pour eux le destin n'a point faits;
Ils n'abandonnent point leur fertile patrie

Pour languir aux déserts de l'antique Arabie.

Le général en chef causait volontiers avec les gens da pays qu'il rencontrait dans sa route, et leur montrait des sentimens de justice dont ils étaient frappés. Une tribu arabe vint au-devant de lui pour le saluer et lui offrir ses services pour les transports. Le chef était malade, et s'était fait remplacer par son fils. Il était d'une petite

taille, vif, intrépide, conduisait sa troupe avec ordre et hauteur. Il se présenta au général en chef, marcha pendant quelques temps à ses côtés, le serrant de très-près, et causant avec beaucoup de familiarité. « Sultan Kébir, lui dit-il, j'aurais un bon conseil à vous donner.-Eh bien, parle, mon ami, je le suivrai, s'il est bon. -Voici ce que je ferais si j'étais à votre place. En arrivant au Kaire, je ferais venir le plus riche marchand d'esclaves et je choisirais pour moi les vingt plus jolies femmes; je ferais venir ensuite les plus riches marchands de pierreries et je m'en ferais donner une bonne part. J'en ferais autant avec tous les autres; car à quoi bon régner si ce n'est pour acquérir des richesses?-Mais, mon ami, s'il était plus beau de les conserver aux autres? » Cette maxime parut le faire penser, mais non le

convaincre.

Les blessés qui n'avaient pu être évacués par mer et qui suivaient l'armée dans sa retraite, n'avaient pour toute nourriture qué quelques galettes de biscuit et un peu d'eau douce; on les pansait avec l'eau saumâtre des puits que l'on trouvait en route. Un grand nombre d'entre eux, affectés de blessures graves à la tête et à la poitrine, ou privés de quelques membres, traversèrent 60 lieues de désert sans nul accident, et presque tous, en rentrant en Égypte, se trouvèrent guéris. Les causes de ce prompt rétablissement étaient le changement de climat, l'exercice, les chaleurs sèches du désert et la joie que chacun d'eux éprouvait à son retour dans un pays qui, par les cir

constances et ses grandes ressources, était devenu pour les soldats presque aussi cher que leur propre patrie.

L'armée trouva sur sa route, dans les bas-fonds du désert, quelques bassins d'eau douce et bourbeuse, remplis de petits insectes, parmi lesquels se trouvait une espèce de sangsue, de la grosseur d'un crin de cheval et longue de plusieurs lignes seulement; mais susceptible d'acquérir le volume d'une sangsue ordinaire, gorgée de sang. Les soldats, pressés par la soif, se jetaient sur ces lacs et en buvaient l'eau avec avidité. Bientôt plusieurs d'entre eux ressentirent une grande irritation et des piqûres très-douloureuses à la gorge. Ils maigrissaient à vue d'oeil, perdaient l'appétit et le sommeil. Larrey fut pendant quelques temps em→ barrassé sur la cause de cette maladie. Enfin, après avoir examiné un soldat, il lui abaissa la la langue avec une cuiller et découvrit une sangsue grosse comme le petit doigt dont la queue se présentait à l'isthme du gosier. Il l'arracha avec une pince et le malade se trouva soulagé. Une vingtaine de soldats éprouvèrent le même accident '.

L'armée continua sa marche sur Qatieh où elle arriva le 16 (4 juin), après avoir horriblement souffert de la soif. Quoique les divisions marchassent à distance, l'eau des puits était moins abondante et plus saumâtre qu'au premier passage.

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Larrey, Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 154.

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