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depuis soixante jours; ils avaient échoué dans onze assauts, et la lenteur du siége commençait à exciter des murmures dans l'armée. Tant que la ville de Saint-Jean-d'Acre n'avait eu pour garnison que les débris de l'armée de Djezzar, Bonaparte avait espéré de pouvoir s'en rendre maître ; mais depuis l'arrivée de la flotte turque, la face des choses était changée. Il dut renoncer dès lors à une conquête qui eût exigé le sacrifice d'une grande partie de ses troupes. Trois équipages d'artillerie de siège avaient successivement été débarqués à Jaffa, et le général en chef avait alors assez de bouches à feu pour brûler la ville et raser ses murs; mais il eût fallu faire le siége de chaque maison, et les Turcs, n'attendant du vainqueur que la mort, étaient déterminés à se défendre jusqu'à extinction. En entrant dans la place, les Français avaient, en outre, à craindre un ennemi bien plus redoutable que l'armée chargée de sa défense; c'était la peste. Ce fléau exerçait d'énormes ravages sur une population resserrée dans une étroite enceinte; les symptômes en étaient terribles, et en 36 heures on était emporté au milieu de convulsions pareilles à celles de la rage. Tous ces motifs étaient déjà assez puissans pour déterminer Bonaparte à rentrer en Égypte ; mais quand il fut instruit de tous les troubles qui l'avaient agitée pendant son absence, il conçut de justes inquiétudes pour la sûreté de sa conquète, et prit la résolution de repasser le désert.

Le 28 floréal (17 mai), il adressa cette proclamation à l'armée :

<< Soldats !

Vous avez traversé le désert qui sépare l'Afrique de l'Asie, avec plus de rapidité qu'une armée arabe.

L'armée qui était en marche pour envahir l'Égypte est détruite; vous avez pris son général, son équipage de campagne, ses bagages, ses outres, ses chameaux.

Vous vous êtes emparé de toutes les places fortes qui défendent les puits du désert.

Vous avez dispersé, aux champs du Mont-Thabor, cette nuée d'hommes accourus de toutes les parties de l'Asie, dans l'espoir de piller l'Égypte. Les 30 vaisseaux que vous avez vus arriver devant Acre, il y a 12 jours, portaient l'armée qui devait assiéger Alexandrie; mais obligée d'accourir à Acre, elle y a fini ses destins; une partie de ses drapeaux ornera votre entrée en Égypte.

Enfin, après avoir, avec une poignée d'hommes, nourri la guerre pendant trois mois dans le cœur de la Syrie, pris 40 pièces de campagne, 50 drapeaux, fait 6000 prisonniers, rasé les fortifications de Gaza, Jaffa, Caïffa, Acre, nous allons rentrer en Égypte; la saison des débarquemens m'y rappelle.

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Encore quelques jours, et vous aviez l'espoir de prendre le pacha même au milieu de son palais; mais dans cette saison, la prise du château d'Acre ne vaut pas la perte de quelques jours; les braves que je devrais d'ailleurs y perdre sont aujourd'hui nécessaires dans des opérations plus essentielles.

Soldats, nous avons une carrière de fatigues et

de dangers à courir. Après avoir mis l'Orient hors d'état de rien faire contre nous dans cette campagne, il nous faudra peut-être repousser les efforts d'une partie de l'Occident.

Vous y trouverez une nouvelle occasion de gloire; et si, au milieu de tant de combats, chaque jour est marqué par la mort d'un brave, il faut de nombreux braves se forment, et prenque nent rang à leur tour parmi ce petit nombre qui donne l'élan dans les dangers et maîtrise la victoire ».

Il écrivit au divan du Kaire : « Enfin, j'ai à vous annoncer mon départ de la Syrie pour le Kaire, où il me tarde d'arriver très-promptement. Je partirai dans trois jours et j'arriverai dans quinze ; j'amenerai avec moi beaucoup de prisonniers et de drapeaux. J'ai rasé le palais de Djezzar, les remparts d'Acre, et bombardé la ville de manière qu'il ne reste plus pierre sur pierre. Tous les habitans ont évacué la ville par mer; Djezzar, grièvement blessé, s'est retiré avec ses gens dans un des forts du côté de la mer. De 30 bâtimens chargés de troupes qui sont venus à son secours, trois ont été pris par mes frégates avec l'artillerie et les hommes qu'ils portaient; le reste est dans le plus mauvais état et presque entièrement détruit. Je suis d'autant plus impatient de vous voir et d'arriver au Kaire, que je sais que, malgré votre zèle, un grand nombre de méchans cherchent à troubler la tranquillité publique. Tout cela disparaîtra à mon arrivée, comme les nuages aux premiers

rayons du soleil. Venture est mort de la peste; sa perte m'a été très-sensible' ».

Le 28 floréal (17 mai), un parlementaire anglais se présenta sur la plage. Il ramenait le Turc qui avait été envoyé, le 24, à Djezzar pour traiter de l'échange des prisonniers et de la sépulture des soldats tués sous les murs de la place. Il apportait au général Berthier une lettre du commodore anglais qui s'exprimait ainsi en parlant de Bonaparte: «Ne sait-il pas que c'est moi seul qui peux décider du terrain qui est sous mon artillerie? » Cette réponse, injurieuse à la fois pour Bonaparte et pour le pacha d'Acre, était en elle-même extrêmement maladroite. Par là Sidney Smith justifiait le reproche que le général en chef lui avait fait, de n'avoir pas empêché les cruautés commises par Djezzar sur les Français morts ou faits prison

niers.

Le commandant du canot remit ensuite un paquet contenant plusieurs exemplaires d'une proclamation adressée par la Sublime-Porte aux officiers, généraux et soldats de l'armée française qui se trouvaient en Égypte. Elle était imprimée en français, portait le seing du grand-visir, et un visa de Sidney Smith en confirmait l'authenticité. Elle avait pour but de persuader aux soldats de l'armée d'Orient et à ses chefs, que le Directaire ayant résolu leur perte, les avait déportés et abandonnés en Égypte, et que, pour échapper à une ruine certaine, ils devaient se rembarquer

'Lettre du 27 floréal (16 mai).

sur des vaisseaux turcs ou anglais qui les conduiraient partout où ils désireraient aller 1. Les soldats méprisèrent cet écrit, et y auraient répondu par un nouvel assaut, si le général en chef n'avait pas résolu de lever le siége.

Par la même occasion, Sidney Smith fit savoir qu'il existait entre l'Angleterre et la Porte Ottomane un traité d'alliance, signé le 16 nivôse ( 5 janvier 1799). Le parlementaire fut renvoyé aux Anglais sans réponse, et le feu continua de part et d'autre.

Les nombreux combats qu'avait livrés l'armée depuis son entrée en Syrie, avaient donné un grand nombre de blessés, et beaucoup de soldats avaient été attaqués de la peste. Prévoyant d'avance que des événemens pourraient d'un jour à l'autre nécessiter son retour en Égypte, Bonaparte avait pris ses mesures pour ne pas se trouver encombré lorsque le moment de la retraite serait venu. Dès le 21 germinal (10 avril ), il avait donné ses ordres pour que l'hôpital de Cheffamer fût complètement évacué sur l'ambulance d'Acre, et pour que cette ambulance le fût journellement sur Caïffa et le couvent du Mont-Carmel. Il ordonna ensuite que les malades et les blessés fussent de là conduits jusqu'à Tentoura et embarqués pour Damiette 2. Il avait écrit au contre-amiral Perrée: « Le contre- amiral Gantheaume vous mande ce que vous avez à faire pour enlever 4 à

1

2

Voyez cette proclamation, pièces justificatives, no. III.

Lettre de Bonaparte à l'ordonnateur en chef, du 13 floréal (10 mai).

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