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du visir de Bonaparte c'était le titre qu'ils lui donnaient. Leur confiance en lui était si grande qu'ils soumettaient leurs différens à sa décision; les soldats et les autres Français établis au Kaire, se mêlaient aux habitans dans leurs fêtes. Excepté les provinces de Beny-Soueyf, Charqyeh et Bahy-` reh, le reste de l'Égypte, influencé par les cheyks et les ulémas, demeura soumis et fidèle, et offrit l'aspect d'une province française. Sidney Smith vit échouer toutes les tentatives qu'il avait faites pour soulever la population de cette contrée. Oubliant ce qu'il devait au caractère des officiers français, il fit imprimer un grand nombre de circulaires et de libelles diffamatoires qu'il envoya aux généraux commandant en Égypte, leur assurant le passage s'ils voulaient se rendre en France pendant que le général en chef était en Syrie. L'armée resta inébranlablement attachée à son drapeau; Dugua repoussa avec indignation les insinuations de ce commodore et défendit à tous les généraux qui étaient sous ses ordres de communiquer avec lui.

On a vu que depuis son arrivée en Égypte, Bonaparte n'avait cessé d'entretenir des relations pacifiques avec le sultan de la Mekke, d'offrir et d'accorder protection à son commerce. Pendant la campagne de Syrie, Poussielgue avait continué ces relations. Ce prince était intéressé à les maintenir. Il voulait vendre son café, et avoir des grains que l'Égypte seule pouvait lui fournir. En assurant Poussielgue de son amitié, le sultan Galib lui écrivait : « Tu sauras que depuis quelques

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jours, il nous est arrivé des lettres du prince de l'armée française, notre ami Bonaparte. Nous avons lu et considéré celle qui était pour nous, et nous t'envoyons la réponse que nous te prions de lui faire passer. Quant aux lettres qu'il nous demandait de faire parvenir dans l'Inde, nous les avons expédiées sur-le-champ par un homme de confiance. Dans peu, s'il plaît à Dieu, vous en aurez les réponses 1».

Galib écrivait à Bonaparte : « Nous avons reçu la lettre que vous nous avez adressée, et en avons compris le contenu. Nous avons pris connaissance des droits qui seront perçus en Égypte sur les marchandises venant par la Mer-Rouge, ainsi que de l'article par lequel vous avez la bonté de nous accorder la libre entrée de 500 fardes, et cette exception honorable en notre faveur, est une nouvelle de votre confiance en nous, que preuve nous mériterons de plus en plus par notre fidélité. Notre intention est de faire tout ce qui dépendra de nous pour inspirer aux commerçans la confiance et la foi dues à vos paroles et à la paix qui existe entre vous et nous, qui, s'il plaît à Dieu, ne sera jamais troublée.

Le retour de notre envoyé a dissipé tous les doutes qu'avaient fait naître de faux bruits répandus parmi les marchands de ce pays, sur la sûreté des spéculations en Égypte. La lettre, surtout, de votre visir, les attentions qu'il a eues pour nos compatriotes, et les soins qu'il a pris pour la

'Lettre du 4 iloréal (23 avril).

sûreté de leurs marchandises ont produit un si grand effet sur l'esprit des négocians, qu'ils ont expédié sur-le-champ cinq bâtimens chargés en partie pour notre compte, ainsi que vous pouvez le voir par les états »).

Poussielgue faisait publier cette correspondance en Égypte par le divan du Kaire, dans la

persuasion qu'elle y produirait un excellent effet sur l'esprit du peuple. Cependant des Arabes de Gedda et d'Yambo, sujets du sultan de la Mekke, avaient débarqué à Cosseïr, et, réunis aux Mamluks de Mourad-Bey, ils avaient combattu le général Desaix. Poussielgue s'en plaignit à Galib qui, pour se justifier, lui écrivit une longue lettre : elle portait cette singulière suscription:

Au prince des princes les plus respectables et les plus magnanimes, le modèle de ses contemporains, dont les entreprises sont utiles, notre ami sincère et véritable, le ministre des finances Poussielgue, dont la sagesse aplanit le sentier raboteux de l'administration.

pas

« Vous nous avez fait entendre par votre lettre, lui mandait Galib, que nos sujets se sont mêlés à vos ennemis; mais qu'il ne vous soit caché que personne de ceux qui sont dans notre dépendance n'a jamais eu aucune liaison ni aucune communication avec les gens dont vous faites mention: peut-être sont-ce quelques Arabes des frontières qui ont combattu contre vous». Galib deman

'Lettre du 4 floréal ( 23 avril).

2 Lettre du 15 prairial (3 juin ). TOME II. GUERRE D'ÉGYPTE.

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dait en même temps à Poussielgue des saufs-conduits pour les vaisseaux appartenant à lui ou à des schérifs ses amis, afin qu'ils ne fussent point inquiétés par des vaisseaux français, en navigant dans la mer des Indes.

Cependant, malgré l'état de tranquillité dont jouissait l'Égypte, Dugua et les autres commandans faisaient au général en chef des rapports alarmans sur la disposition des esprits dans plusieurs provinces. Les scènes dont la Basse-Égypte avait été le théâtre pouvaient se renouveler d'un jour à l'autre. Marmont craignait d'être attaqué à la fois par une armée turque ou anglaise, du côté de la mer et par une armée d'Africains et de Maugrabins qui s'avançait, disait-on, par le désert de Barca. Les lieutenans de Bonaparte avaient, pendant son absence, dignement rempli leur tâche; mais se croyant responsables de sa conquête, ils ne se sentaient pas en force de repousser les efforts combinés de la Porte et de l'Angleterre, si ces deux puissances venaient à fondre inopinément sur l'Égypte. Tels étaient leur confiance et son ascendant, qu'ils mettaient en lui tout leur espoir, et réclamaient vivement sa pré

sence.

Avant de partir pour la Syrie, Bonaparte avait calculé que son expédition serait terminée à la fin du printemps, et qu'il pourrait être de retour dans les premiers jours de l'été, époque où il prévoyait qu'une armée ennemie, soit turque ou européenne, pourrait se présenter pour débarquer

en 1 Égypte. Des trois buts qu'il se proposait en portant la guerre en Syrie, les deux premiers étaient remplis.

1o. Il avait assuré la conquête de l'Égypte occupant la forteresse d'El-Arych; par là il mettait une armée ennemie, qui s'avancerait par terre contre l'Égypte, dans l'impossibilité de rien combiner avec une armée européenne qui viendrait sur les côtes.

2o. Il avait obligé la Porte à s'expliquer. Par les divers armemens qu'elle avait dirigés contre lui, il ne pouvait plus douter que son intention ne fût d'expulser les Français de l'Égypte. Il avait détruit l'armée de Djezzar-Pacha à El-Arych, à Jaffa, à Qaqoun et sous Saint-Jean-d'Acre. Il avait détruit celle du pacha de Damas aux combats de Nazareth, de Loubi et à la brillante journée du Mont-Thabor.

3o. Il avait soumis à ses armes la Palestine et la Galilée, et par là privé les Anglais des ressources qu'ils tiraient de ce pays. Il voulait en faire une province française; du moins la nomination de Menou au gouvernement de la Palestine ne permet pas d'en douter. Mais tous ces résultats étaient provisoires, et le troisième but de Bonaparte ne pouvait être rempli que lorsque la chute de SaintJean-d'Acre aurait mis le sceau à sa nouvelle conquête.

I

Ce boulevard de la Syrie arrêtait les Français

1 Voyez dans la lettre de Bonaparte au Directoire, du 22 pluviôse, au commencement du chapitre, quels étaient ses buts.

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