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positions hostiles de la Turquie.-Les nouvelles, lui dis-je, que le général reçoit souvent de Constantinople par terre, ne s'accordent pas avec ce que vous dites. Le général reçoit souvent des nouvelles de Constantinople?-Oui.-Il sourit,' mais parut surpris. Cependant, vous ne pouvez douter que le pacha de Rhodes ne soit devant Alexandrie par les ordres de son gouvernement. J'allais répondre; il continua. Nous étions à Rhodes lorsqu'il fut forcé de venir. Forcé? Je souriais. Qui, par les ordres de la SublimePorte. Je n'insistai pas. Il me montra ensuite votre lettre au citoyen Talleyrand, que vous avez chargé de rendre compte des événemens d'Égypte au grand-seigneur, de donner le détail du combat d'Abouqyr, et de dire qu'il nous restait 22 vaisseaux dans la Méditerranée. Il scruta avec ironie le nombre de ceux que nous y avons encore, ajouta : M. de Talleyrand n'est point arrivé à Constantinople; et puis il n'y aurait plus trouvé vos bons amis, le grand-visir et le reis-effendi, Ils ont été chassés et déportés. - Il s'arrêta. Je feignis de n'avoir point fait attention. Il me parla de l'escadre russe commandée par l'amiral Okzakoff.-Où est-elle ? lui demandai-je.-A l'entrée du golfe de Venise; elle attaquera bientôt vos îles. Nous ne pouvons croire à l'existence d'une escadre russe dans la Méditerranée. Vous devriez, dans l'intérêt de la coalition, lui conseiller de se montrer, la faire paraître. Mais, répondit M. Lallowell, d'un air presque piqué, vous avez déjà vu deux de ses frégates; si elle ne tient pas

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des forces plus considérables dans ces eaux, c'est que cela n'entre pas dans son système d'opérations.- La conversation tomba sur quelques-uns des officiers de notre marine, sur le contre-amiral Villeneuve.-N'avez-vous pas pris quelquesuns des bâtimens qui l'accompagnaient ? Non; l'Heureux, qui a été séparé par un coup de vent, a eu le bonheur de nous échapper et d'entrer à Corfou; le reste est à Malte. Et la Justice? Sans doute aussi. J'ai un cousin à son bord. S'il eût été votre prisonnier, je vous aurais demandé la permission de lui faire passer quelques fonds. Il appartient à une famille riche.-Mais attendez, reprit-il maladroitement; je me le rappelle à présent, la Justice! elle a coulé à fond. Donnez-moi le nom de votre parent.—Je lui donnai, sans balancer, un nom en l'air. M. Lallowell me parla aussi d'une lettre interceptée qui venait de Toulon et vous était adressée. Elle annonçait le départ d'un convoi ; il doit mettre à la voile dès que les Anglais ne croiseront plus devant le port. Mais Nelson est là.

Il m'assura que quelques-unes de vos dépêches avaient été interceptées par les Turcs; et prétendit qu'Ibrahim-Aga n'était qu'un domestique déguisé, que Hassan-Bey l'avait dit. - Le général Bonaparte, lui répondis-je, n'envoie sous des pavillons parlementaires que des hommes revêtus d'un caractère public; Ibrahim-Aga est connu, et faisait partie de la suite du pacha du Kaire.

Je lui parlai de leurs relations avec les Arabes. Je lui appris que les cheyks d'Edkoû et d'Atfeï

neh' étaient fusillés. J'ajoutai que vous saviez parfaitement que l'intendant d'lbrahim-Bey était passé de leur bord en Syrie. Il soutint avec la plus grande affectation que ce fait était faux, et que la flotte n'avait point de relations avec les Arabes; je recueillis presque aussitôt des preuves du contraire. Il me parla de la jonction de 50,000 Grecs. Je n'eus garde de le détromper. Je lui dis qu'en effet ils s'étaient réunis à nous, et se formaient ́en troupes 2.

Alors arriva Hassan - Bey. Il était suivi d'un Turc qui, dévoué aux Anglais, paraît joindre l'ame la plus féroce au caractère d'ennemi mortel des Français.

M. Lallowell parut étonné de la présence du bey. Nous continuâmes de nous promener en causant. Muhammed s'approcha d'Hassan, attendit quelques minutes, et, nous interrompant tout-àcoup, tira sa lettre de sa poche, et me demanda s'il fallait la remettre. M. Lallowell, surpris, s'arrêta et fixa le bey.—Non, répondis-je à Muhammed, vous ne la remettrez qu'en présence de M. le commodore Hood. Vous voyez, monsieur, dis-je à M. Lallowell, qu'il ne dépend que de la volonté de M. Hood que Hassan la reçoive. Il me demanda la permission de sortir, et appela le bey. Je n'avais pas l'air de faire attention à ce qui se passait.

'Villages de la province de Rosette. Voyez page 13 ci-dessus. ⚫ Les notions des Anglais sur l'Égypte étaient si fausses, qu'après la bataille navale d'Abouqyr, Nelson, en renvoyant nos marins à Alexandrie, leur dit : Allez en Égypte y mourir de faim

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Hassan-Bey revint, me parla de la guerre que la Sublime-Porte nous a déclarée, et me dit que l'Angleterre et la Russie allaient conjointement nous attaquer. Je lui dis en italien : Croyez-vous que la Porte s'unisse jamais à la Russie, son ennemie naturelle, et qui ne cherche qu'à s'agrandir à ses dépens? Je lui répétai que vous aviez de fréquentes correspondances par la Syrie avec Constantinople, et que le grand-seigneur ne l'ignorait pas. Le Turc, qui l'accompagne, me dit alors, avec l'accent de la férocité, qu'à Rhodes 146 Français avaient été chargés de fers, et que cette mesure avait été suivie dans tous les pachalics.-Elle sera un jour désavouée par le grandseigneur. Au reste, ajoutai-je, qu'Hassan-Bey sache qu'en Égypte la religion est respectée, les mosquées consacrées, les Arabes repoussés. Qu'il lise la proclamation du divan, et il reconnaîtra dans les Français les alliés de la Sublime-Porte. -Je lui remis alors une proclamation, mais il la prit sans la lire.

M. Lallowell me proposa de parcourir son vaisseau. J'acceptai. Un émigré français, employé comme pilote, m'aborda dans la première batterie, parut vivement regretter son pays, et me demanda, s'il était vrai que 50,000' Grees se fussent réunis à nous. Il ajouta, mais plus bas, que les Arabes qui se rendaient à bord tous les jours, faisaient mille contes absurdes; qu'on commençait à ne plus les croire, et qu'on n'en était pas content. Il me dit qu'il y avait 11 prisonniers français à bord. Je témoignai le désir de les voir; ce sont

des soldats de la 4. légère. Je leur demandai s'ils étaient bien.-Nous n'avons qu'une demi-ration, me répondirent-ils. Un officier s'avança précipitamment et me dit : L'équipage lui-même n'a que la demi-ration, je vous assure. Je le crois monsieur, lui répliquai-je, nous partageons toujours avec nos prisonniers.

Le vaisseau du commodore Hood était encore très-loin. M. Lallowell fit servir à dîner. Il avait plus de laisser aller ; il me parla de la paix, de l'ambition de notre gouvernement; et finit par ces mots : C'est vous qui ne voulez pas la paix. Je lui rappelai, quoique assez légèrement, que, vainqueurs des puissances continentales, c'était toujours nous qui l'avions offerte ; que dernièrement encore, maître de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie, vous fites envers le prince Charles une démarche pleine de loyauté et de franchise, en lui écrivant cette lettre que je lui récitai toute

entière.

Eh bien, soit! dit M. Lallowell, sur lequel cette lettre avait fait effet: A une paix honorable pour les deux nations!

A 5 heures, nous nous embarquâmes, M. Lallowell, Hassan-Bey et moi, pour nous rendre à bord de M. Hood. Nous y arrivâmes à 8 heures du soir. Il me reçut plus froidement encore que ne l'avait fait d'abord M. Lallowell; il me fit entrer, sortit, et causa longtemps avec ce capitaine et le bey. Il rentra; je lui dis: Vous savez, M. le commodore le sujet de ma mission près de vous. -Oui; mais Hassan-Bey ne recevra pas la lettre

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