Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

levèrent l'ancre, et, réunis à la flottille qui croisait devant Caïffa, sortirent du golfe de Carmel pour prendre le large. Le bruit se répandit toutà-coup dans l'armée que la flotte signalée avait été envoyée par le Directoire au secours de l'armée de Syrie, et qu'elle portait des renforts et des munitions. Le départ précipité de Sidney Smith fortifiait cette opinion; on pensa qu'il avait fui pour éviter de tomber au pouvoir de la flotte française. Les soldats, croyant avec empressement ce qu'ils désiraient avec tant d'ardeur, se livrèrent à une joie excessive; mais elle fut de courte durée. Bientôt, du sommet de la colline où elle était campée, l'armée vit distinctement le pavillon anglais réuni au pavillon ottoman, sur les mâts de la flotte qui s'avançait à pleines voiles vers le port d'Acre. C'était un convoi de 30 bâtimens turcs portant un corps considérable de l'armée de Rhodes, seul renfort que l'on eût pu en détacher pour aller au secours de Djezzar. Sidney Smith n'avait levé l'ancre que pour aller le reconnaître et entrer avec lui dans la rade.

On calcula d'après le vent que les nouveaux renforts ne pourraient être débarqués avant six heures. Bonaparte sentit alors que les destins de la campagne allaient se décider dans cette journée, et, voulant mettre à profit le faible sursis que lui laissait la fortune, il fit jouer avec vigueur toutes ses batteries, et ordonna d'attaquer la tour ruinée, espérant pouvoir enlever la place avant l'arrivée de la flotte. Cet assaut fut terrible. Pleins d'une nouvelle ardeur, les soldats, conduits par

[ocr errors]

leurs généraux, se portèrent avec impétuosité sur la tour. Vial, Bon et Rampon se jetèrent dans la tranchée, et les ouvrages de l'ennemi furent emportés. Le feu meurtrier des remparts ne put arrêter leur courage; les places d'armes, les boyaux furent enlevés et détruits, et les Français parvinrent sur le sommet de la tour, après avoir passé sur les cadavres de leurs ennemis entassés parmi les décombres. La nuit étant venue, ils s'y retranchèrent pour y attendre le jour. Dans cet assaut, les Français eurent 80 hommés tués et près de 50 blessés.

- Pendant la nuit, la flotte turque débarqua ses renforts, et ces troupes fraîches furent aussitôt réparties dans les divers postes de la ville. Jugeant qu'il était nécessaire de renforcer son armée de siége, afin de balancer le secours qu'avait reçu Djezzar, le général en chef envoya à Kléber l'ordre de lever son camp, de Nazareth, et de venir le rejoindre sous Acre avec sa division, La' poudre et les munitions que Bonaparte attendait de Gaza, arrivèrent, et fournirent le moyen de redoubler le feu des batteries.

[ocr errors]

Le 19 floréal, au point du jour, le combat recommença avec acharnement sur la tour carrée. Bientôt un énorme pan de muraille s'écroula avec fracas sous le feu de la batterie de 24, et sa chute ouvrit trois grandes brèches qui furent jugées praticables. Bonaparte alla lui-même les reconnaître, et fit battre la charge. Lannes eut ordre de conduire sa division à l'assaut. Il s'avança vers les murs, précédé de ses grenadiers, con

TOME II. GUERRE D'ÉGYPTE,

16

duits par le général de brigade Rambault, et les autres divisions furent disposées en colonnes d'attaque, pour le soutenir. Les grenadiers qui occupaient la tour dirigèrent une vive fusillade sur la brèche, pour empêcher les Turcs de se porter à sa défense. La division Lannes se jeta dans les ouvrages des assiégés, escalada le rempart, et l'intrépide Rambault, à la tête de 200 grenadiers, pénétra enfin dans la place. Mais, en marchant pleins de confiance dans les rues de la ville, ils furent arrêtés court par une nouvelle enceinte que Phélippeaux avait fait élever derrière les vieux murs. Alors un mouvement d'hésitation et de stupeur se manifesta dans les rangs des Français; il redoubla quand ils virent les Turcs réunis en colonne serrée, défilant dans le fossé pour prendre la brèche à revers, soutenus par le feu des maisons, des rues et du palais de Djezzar. Le corps commandé par le général Rambault, continua de combattre avec ardeur sous la nouvelle enceinte qu'il tenta d'escalader; mais ceux qui avaient les derniers franchi la première enceinte, craignant d'être coupés du camp par les Turcs, reprirent le chemin de la tranchée, abandonnant deux canons et deux mortiers dont ils s'étaient emparés sur les remparts. Le général Lannes, placé en évidence sur la brèche, les excitait à tenir ferme, et faisait tous ses efforts pour arrêter ce mouve→ ment rétrograde. Il parvint à leur rendre la confiance et reporta sa colonne en avant. Le général en chef qui, dès le commencement de l'attaque, avait réuni ses guides à pied près de lui dans la

[ocr errors]

tranchée, les lança dans ce moment sur la brèche. Leur arrivée enflamma les assaillans d'une nouvelle ardeur. Les Turcs étaient parvenus à couronner la grande brèche et soutinrent l'assaut avec beaucoup de courage. Le combat se rétablit avec acharnement sur les trois brèches. Plusieurs fois les assiégés furent culbutés derrière leurs murs; mais, remplacés bientôt par des troupes fraîches, ils chargeaient les assiégeans avec vigueur, reprenaient possession de la brèche et les rejetaient dans le fossé. On voyait des grenadiers se battre corps à corps avec des Turcs sur des tas de décombres et de cadavres. Les officiers et les généraux combattaient à l'arme blanche, confondus dans la mêlée. Lannes, blessé à la tête par un coup de feu, fut contraint de se retirer. La nuit était venue, et l'ennemi se présentait sur tous les points dans un nombre effrayant; les Français désespérèrent de pouvoir pénétrer dans la ville, et, ayant vu partir leur chef, le suivirent dans la tranchée. Le général Rambault avec ses 200 grenadiers, coupé de la brèche par l'ennemi, et cerné dans la ville, y trouva la mort ainsi que la plus grande partie des siens.

La perte des Turcs, dans cette journée, fut énorme. Exposés au feu de toutes les batteries françaises chargées à mitraille, un grand nombre avaient péri sur la brèche, et les fossés étaient remplis de leurs cadavres, sans compter ceux qui avaient été tués derrière les murs. Les Français firent jouer leurs batteries pendant toute la journée du 20 floréal. Les succès qu'ils avaient obte

nus dans le dernier assaut parurent tels au général en chef, qu'il résolut d'en donner un nouveau le 21 floréal. Il se porta lui-même dans la tranchée à deux heures du matin, pour reconnaître les progrès du feu de la veille et de la nuit, et pour disposer l'attaque. Il espérait surprendre les assiégés, et pouvoir se loger en force sur le rempart. Au moment où il observait la brèche, une bombe lancée par l'ennemi tomba à ses pieds. Deux grenadiers se jetèrent sur lui, le placèrent entre eux, et le couvrirent en élevant leurs bras au-dessus de sa tête. La bombe éclata, et personne n'en fut atteint,'. Le général Verdier conduisit les troupes à l'assaut; elles parvinrent au point indiqué, surprirent les gardes et les égorgèrent. Bonaparte s'avança lui-même jusqu'au pied de la brèche, cherchant à exalter le dévoûment des soldats par son exemple, et resta pendant quelques instans exposé au feu des remparts. Mais arrêtés par le retranchement intérieur qu'il leur fut impossible de franchir, ils furent obligés de se retirer, rapportant au camp le général Bon, blessé à mort dans l'assaut.

Les batteries des assiégeans continuèrent de jouer pendant toute la journée. A quatre heures du soir, la division Kléber, qui venait d'arriver, sollicita et obtint l'honneur de monter à la brèche. Formée en colonne d'attaque, elle marchait pleine d'ardeur et de confiance, commandée par Kléber

Un de ces grenadiers, nommé Doménil, devint dans la suite général, et perdit une jambe dans la campagne de Russie.

[ocr errors]
« ZurückWeiter »