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canon

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ne pouvaient plus défendre leurs murailles par les Turcs se bornèrent à occuper les boyaux dont ils avaient couronné leurs glacis.. Protégés par leur mousqueterie, ils rendaient difficile l'abord de la place, et semblaient ne plus redouter l'assaut. Vingt-cinq grenadiers eurent ordre de les déloger; ils parvinrent à couronner la brèche; mais, à l'instant même, les Turcs, sortant avec impétuosité de leurs boyaux, repoussèrent les assaillans et descendirent en grand nombre des murailles. On combattit pendant toute la soirée pour les faire rentrer dans la place. Deux compagnies de grenadiers les chargèrent avec la plus grande audace, parvinrent à les couper de la ville, et tout ce qui échappa à leurs coups fut précipité dans la mer. L'ennemi perdit environ 500 hommes; les Français eurent une quinzaine de tués et 30 blessés.

Quoique la tour carrée fût presqu'entièrement rasée, Bonaparte, après avoir été témoin des efforts inouïs de ses soldats pour s'en emparer, sentit qu'il lui serait plus facile de pénétrer dans la place par un autre point. On abandonna cette fatale tour, tombeau de tant de braves, et on dressa les pièces de 24 en batterie pour ouvrir une nouvelle brèche, afin de donner un assaut général et en masse, dès qu'elle serait praticable.

Prévoyant que les rives du Jourdain pourraient être le théâtre de nouveaux combats, le général en chef envoya, le 13 floréal, les ingénieurs-géographes, Jacotin et Faviers, au camp du général

Kléber pour lever le cours de ce fleuve et les gorges qui y aboutissent 1.

Il écrivit au général Junot d'assurer le cheyk Daher que son intention était de le nommer cheyk de la ville de Saïde, qui, par son importance, était bien supérieure à Saffet et à Chefamer; que, voulant lui remettre bientôt ce poste entre les inains, il l'engageait à rassembler le plus de monde possible, afin d'être en force pour s'y

maintenir.

Pendant les diverses opérations du siége, les officiers de santé, l'ordonnateur en chef, les commissaires des guerres, rivalisaient de zèle pour le soulagement des malades et des blessés. Le général en chef et son état-major y concouraient aussi en retranchant de la table la plus frugale ce qui pouvait être utile aux hôpitaux .

Tous les genres d'héroïme devaient éclater dans cette brave armée. Par le zèle et l'activité qu'il avait constamment déployés depuis le commencement de la campagne, le chirurgien en chef Larrey s'était concilié l'affection de tous les soldats. On le voyait, lui et ses dignes confrères sous le feu de l'ennemi, panser les malheureux blessés au pied de la brèche. Plusieurs officiers de santé reçurent des blessures à ce poste honorable; l'un d'eux même fut tué; mais rien ne pou vait arrêter leur ardeur et leur dévoûment 3.

' Lettre au commandant du génie, du 13 floréal.
2 Histoire médicale de l'armée d'Orient, Desgenettes, p.
3 Relation de Berthier, page 118.

86.

Le médecin en chef Desgenettes, par un de ces élans généreux qui caractérisent une ame douée d'un profond amour de l'humanité, eut le courage de s'inoculer publiquement la peste, pour rassurer les imaginations et guérir le moral de l'armée. A l'hôpital, il trempa une lancette dans le pus d'un bubon appartenant à un convalescent de la maladie au premier degré, et se fit une légère piqûre dans l'aine et au voisinage de l'aisselle, sans prendre d'autre précaution que celle de se laver avec de l'eau et du savon qui lui furent offerts. Il eut pendant plus de trois semaines deux petits points d'inflammation correspondans aux piqûres, et ils étaient encore très-sensibles, lorsque, pendant la retraite, il se baigna en présence d'une partie de l'armée dans la baie de Cé

sarée.

Néanmoins Desgenettes pensait que cette expérience était incomplète, et qu'elle prouverait peu de chose pour l'art. Elle n'infirmait point la transmission de la contagion, démontrée par mille exemples. Seulement, elle faisait voir que les conditions nécessaires pour qu'elle eût lieu n'étaient pas bien déterminées. Il courut plus de dangers, avec un but moins grand, lorsque, invité par le quartier-maître de la 75°. demi-brigade, une heure avant sa mort, à boire dans son verre une portion de son breuvage, il n'avait point hésité à lui donner cet encouragement. Ce fait, qui eut lieu devant un grand nombre de témoins, fit notamment reculer d'horreur le citoyen Durand,

payeur de la cavalerie, qui se trouvait sous la tente du malade '.

Le général en chef, voulant donner à Desgenettes et à Larrey une marque de sa satisfaction, pour les services qu'ils avaient rendus à l'armée, leur accorda à chacun une gratification de 2,000 f. et les laissa libres de la toucher au Kaire ou à Paris. Larrey voulant faire jouir son épouse de cette somme, Bonaparte écrivit à Paris pour qu'elle lui fût payée 3. Telles étaient, sous la République, les modestes récompenses accordées pour les plus grands services, aux premiers talens dans l'art de guérir, glorieux de leur dévoument héroïque à l'humanité et au salut des défenseurs de la patrie.

Cependant, une nouvelle pénurie de munitions et surtout de poudre, s'étant fait sentir dans l'armée, on fut contraint de ralentir le feu de la batterie de brèche. Les Turcs, pendant ce temps-là, mettaient en œuvre des contre-mineurs, et poussaient une sape dont le but était de couper la communication du boyau des assiégeans avec la nouvelle mine. Pour détruire les nouveaux ouvrages de l'ennemi, Bonaparte ordonna une attaque dans la nuit du 15 au 16 floréal. A 10 heures du soir, plusieurs compagnies de grenadiers se jetèrent dans les ouvrages extérieurs de la place

I

' Desgenettes ( Histoire médicale de l'armée d'Orient, p. 88), fait lui même le récit naif de cet acte de dévoûment.

⚫ Lettre de Bonaparte à l'ordonnateur en chef, du 8 floréal. 3 Idem du 13.

et s'en emparèrent; l'ennemi fut surpris, égorgé, et trois canons furent encloués; mais le feu de la place, qui plongeait sur ces ouvrages, ne permit pas d'y tenir assez longtemps pour les détruire entièrement; l'ennemi y rentra le 16 et travailla à les réparer. Les assiégés faisaient tous leurs efforts pour cheminer sur le logement de la mine dont l'objet était de faire sauter la contrescarpe. Le 17 floréal, au point du jour, Djezzar tenta une nouvelle sortie et fut repoussé. Le soir, les Turcs débouchèrent par une sape ouverte sur le masque de la mine, parvinrent à s'en emparer, l'éventè

rent, détruisirent les châssis et comblèrent le puits. Dans la nuit du 17 au 18 floréal (du 6 au 7 mai), Bonaparte ordonna de s'emparer de nouveau des places d'armes de l'ennemi, des boyaux qu'il avait établis pour flanquer la brèche, et de celui qui couronnait le glacis de la nouvelle mine; de surprendre et d'égorger tous les hommes qui s'y trouveraient; d'attaquer les ouvrages et de s'y loger. Un détachement de grenadiers pénétra sur les places d'armes et s'en empara, excepté le boyau qui couronnait le glacis de l'ancienne mine et prenait la tour à revers; mais l'ennemi, qui du haut de ses murs dominait toujours les ouvrages, fit pleuvoir sur les Français un feu terrible, et rendit vains tous les efforts de la valeur; on ne put travailler au logement, et il fallut rentrer dans la tranchée

Le 18 floréal, vers le milieu du jour, plusieurs voiles parurent à l'horizon. Au même instant, les vaisseaux anglais, stationnés devant le port d'Acre,

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