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dant les parlementaires avaient rapporté des nouvelles importantes; mais Bracewich et Marmont n'y croyaient pas. Ils étaient persuadés que c'étaient des mensonges inventés par les Anglais; le manifeste de la Porte était une pièce apoque cryphe, et que les bâtimens de guerre turcs qui se trouvaient là, n'y étaient venus de Rhodes que trompés par une fausse déclaration de guerre. Cependant ces nouvelles n'étaient que trop vraies. Il faut convenir qu'avant de les avoir reçues, Bonaparte lui-même ne croyait pas encore à une rupture avec la Porte. Il avait écrit, le 14, à Marmont : « J'ai reçu des nouvelles de Constantinople; la Porte se trouve dans une position très-critique; il s'en faut de beaucoup qu'elle soit contre nous. L'escadre russe a demandé le passage par le détroit, la porte lui a refusé avec beaucoup de décision ». Il écrivit même au grand-visir cette nouvelle lettre :

« J'ai eu l'honneur d'écrire à votre excellence le 13 messidor, à mon arrivée à Alexandrie. Je lui ai également écrit le 5 fructidor par un bâtiment que j'ai expédié exprès de Damiette; je n'ai reçu aucune réponse à ces différentes lettres.

Je réitère cette troisième pour faire connaître à votre excellence l'intention de la République Française de vivre en bonne intelligence avec la Sublime-Porte. La nécessité de punir les Mamlouks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français, nous a conduits en Égypte ; tout comme, à différentes époques la France a dû faire la même chose pour punir Alger et Tunis,

La République Française est, par inclination comme par intérêt, amie du sultan, puisqu'elle est l'ennemie de ses ennemis. Elle s'est positivement refusée à entrer dans la coalition qui a été faite avec les deux empereurs contre la SublimePorte : les puissances, qui se sont déjà précédemment partagé la Pologne, ont le même projet contre la Turquie. Dans les circonstances actuelles, la Sublime-Porte doit voir l'armée française comme une amie qui lui est dévouée, et qui est toute prête à agir contre ses ennemis.

Je prie votre excellence de croire que personnellement je désire concourir et employer mes moyens et mes forces à faire quelque chose qui soit utile au sultan et puisse prouver à votre excellence mon estime et ma considération pour elle '. »

Le général en chef ordonna au général commandant à Alexandrie, s'il se présentait, pour entrer dans le port, une ou deux frégates turques, de les laisser entrer; de répondre qu'il devait en référer au Kaire, si des bâtimens de guerre se présentaient en plus grand nombre, et d'engager le commandant à y envoyer quelqu'un. Si une escadre turque venait croiser devant le port et communiquer directement, de lui faire toutes sortes d'honnêtetés, et de prendre toute espèce d'informations; si elle ne communiquait que par des parlementaires anglais, de lui faire connaître combien cela était indécent et contraire au res

Lettre du 19 brumaire (9 novembre).

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pect que l'on devait à la dignité du sultan, et d'engager le commandant à communiquer direc

tement '.

Quand il eut reçu les rapports de Bracewich et de Marmont, Bonaparte ne partagea pas leur incrédulité et ne put pas conserver d'espérances. Peu satisfait de la manière dont la mission confiée à Bracewich avait été remplie, il dépêcha un nouveau parlementaire, et choisit le lieutenant de ses guides Guibert, officier souple, mesuré, adroit, et mettant dans ses négociations l'habileté d'un vrai diplomate'.

D'après ses instructions, Guibert partit pour Rosette avec le Turc Muhammed-Téhaouss, lieutenant de la caravelle qui était à Alexandrie, pour s'y embarquer et aller à bord de l'amiral anglais. Muhammed était porteur d'une lettre de Bonaparte à Hassan-Bey, commandant de la flottille turque. Il était recommandé à Guibert de rester quelques heures avec l'amiral anglais, de lui remettre sans prétention les journaux égyptiens, de tâcher d'avoir les journaux d'Europe, de laisser échapper dans la conversation que le général en chef recevait souvent par terre des nouvelles de Constantinople; si l'amiral parlait de l'escadre russe devant Corfou, de lui laisser d'abord dire tout ce qu'il voudrait, ensuite de lui faire sentir qu'il ne croyait pas à la présence de cette escadre, parce que, si les Russes avaient des forces dans

'Lettre du 21 brumaire.

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Petit-fils de M. de Guibert, ancien gouverneur des Invalides, il était âgé de 20 ans au plus, et était venu de Rome avec Monge.

ces mers, ils ne seraient pas assez dupes pour ne pas venir devant Alexandrie; de dire à l'amiral, comme par inadvertance, que depuis les premiers jours de septembre, le général en chef faisait partir journellement un officier pour la France, qu'il avait expédié plusieurs de ses aides-de-camps et entre autres son frère Louis; de lui demander des nouvelles de la frégate la Justice sur laquelle il avait un cousin ; de dire, mais très-légèrement, que le général en chef était à Suez, où il était arrivé de l'Ile-de-France un très-grand nombre de bâtimens; qu'il désirait que le premier parlementaire anglais qu'on enverrait débarquât à Rosette et vînt au Kaire; que si l'amiral avait de la difficulté à faire de l'eau, ou à se procurer des choses qui pourraient lui être agréables, l'intention du général en chef était de les lui fournir; de raconter que devant Mantoue, sachant que le maréchal Wurmser avait une grande quantité de malades, Bonaparte lui avait envoyé beaucoup de médicamens, et lui faisait passer tous les jours six paires de boeufs et toutes sortes de rafraîchissemens ; qu'il était très-satisfait de la manière dont l'amiral traitait les prisonniers français '.

Guibert rendit compte de sa mission par le rap-. port suivant, dans lequel il justifiait la bonne opinion que Bonaparte avait de son habileté. Il contient un tableau exact et curieux de la situation des affaires du Levant à cette époque.

« Le 2 frimaire, à la pointe du jour, je partis

'Lettre de Bonaparte, du 26 brumaire.

d'Abouqyr pour me rendre à bord de la flotte anglaise. Un seul vaisseau était mouillé à la pointe; c'était le Swiftshure, commandé par M. Lallowell. Une chaloupe vint au devant de moi. Je lui demandai si le vaisseau commandé par M. le commodore Hood était dans ces parages. On me répondit que non, qu'il croisait devant Alexandrie; que M. Lallowell me priait cependant de me rendre à bord du Swiftshure.

M. Lallowell me reçut froidement, surtout lorsqu'il me vit accompagné d'un Turc. Je lui exposai avec simplicité le sujet de ma mission auprès de M. Hood; il me répondit que Hassan-Bey ne recevrait pas le Turc; qu'ainsi ma démarche était inutile.-Vous me permettrez cependant, monsieur, de me rendre à bord de M. Hood. Il me répondit qu'il avait quelque chose de trèsintéressant à lui communiquer; qu'on voyait à peine le Zealous, mais qu'on venait de lui faire le signal d'approche. Il me proposa d'attendre à son bord. Nous nous rendrons ensemble, me dit-il, auprès de l'amiral.—Il fit apporter le déjeuner, nous nous mîmes à table: peu à peu, il devint plus aimable. Le hasard lui fit rappeler d'anciens rapports avec ma famille. J'eus avec lui une conversation qui, de ma part, fut souvent interrompue par des saillies simples et sans affectation. Nous nous entretenions de la situation politique de l'Europe. Il me dit, avec l'air de la vérité, qu'il y avait plus de sept semaines qu'ils n'avaient reçu de nouvelles, qu'ils en attendaient tous les jours. Il me parla avec assurance des dis

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