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soldats d'apporter leur butin sur la place; on y brûla tout ce qui était vêtement. On établit, dans un vaste couvent, un hôpital pour les fiévreux, séparé de celui des blessés. On prit toutes les précautions possibles pour éviter les trop grandes communications, et préserver le soldat de la maladie. Toute la troupe campa sous la ville. Mais la crainte de la peste répandait la terreur dans l'armée. Il était prouvé que ce fléau devenait plus dangereux quand l'imagination était frappée. Des hommes habitués à braver à chaque instant la mort dans les combats, succombaient à la seule pensée qu'elle pouvait les frapper dans leur lit. Il fallait donc guérir le moral du soldat; c'était aussi l'opinion du médecin en chef Desgenettes, et en général des gens de l'art; elle était fondée sur l'expérience. Voyant la fâcheuse influence que le prestige des dénominations exerçait sur les esprits, il crut devoir traiter l'armée comme un malade qu'il est presque toujours inutile et souvent dangereux d'éclairer sur la nature de sa maladie; il se concerta avec le général en chef, pour que le mot peste ne fut plus prononcé, et on l'appela maladie, épidémie, ou fièvre accompagnée de bubons.

Le 21 ventôse, on répandit dans le camp que plusieurs militaires étaient tombés morts en sé promenant sur le quai. C'étaient les cadavres d'hommes morts à l'hôpital dans la nuit, et que les infirmiers turcs avaient négligemment déposés à la porte. Le bruit en parvint sous la tente du général en chef. Il alla, suivi de son état-major,

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faire la visite des deux hôpitaux, et commença par celui des blessés auxquels il fit distribuer un sac de piastres. Il se transporta ensuite dans celui des fiévreux, parla à presque tous les militaires et s'occupa, pendant plus d'une heure et demie, de tous les détails d'une prompte organisation. Se trouvant dans une chambre étroite et trèsencombrée, il aida à soulever le cadavre hideux d'un soldat, dont les habits en lambeaux étaient souillés par l'ouverture d'un bubon abscédé 1. On dit même qu'il toucha un pestiféré, en lui disant: Vous voyez bien que cela n'est rien. Desgenettes essaya, sans affectation, de reconduire Bonaparte hors de l'hôpital, et lui fit entendre qu'un plus long séjour pouvait lui être funeste. « C'est mon devoir, répondit-il, je suis général en chef. » Néanmoins, le médecin fut blâmé, et on murmura contre lui, dans l'armée, parce qu'il ne s'était pas opposé formellement à la longue visite du général. « Ceux-là le connaissent bien peu, répondit Desgenettes, qui croient qu'il est des moyens faciles pour changer ses résolutions, ou de l'intimider par la crainte de quelques dangers 3. >>

Maître de Jaffa, Bonaparte essaya de soumettre les habitans de la Palestine. Il leur fit porter des paroles pacifiques et des menaces proférées,

I

Desgenettes, Histoire médicale de l'armée d'Orient, p. 49. Ce trait inspira, dans la suite, à Gros, son beau tableau des Pestiférés de Jaffa, qui plaça son auteur au rang des premiers peintres d'histoire.

3 Desgenettes, Histoire médicale de l'armée d'Orient, p. 50.

comme l'exigeaient les lieux et les hommes, dans le style d'un inspiré et du ton d'un prophète. Il envoya une proclamation aux cheyks, ulémas et habitans de Gaza, Ramleh et Jaffa, pour leur annoncer qu'il était entré en Palestine, afin de combattre le seul Djezzar. « De quel droit en effet, leur disait-il, Djezzar a-t-il étendu ses vexations sur vos provinces qui ne font pas partie de son påchalic? De quel droit avait-il également envoyé ses troupes à El-Arych? Il m'a provoqué à la guerre; je la lui ai apportée; mais ce n'est pas à vous, habitans, que mon intention est d'en faire sentir les horreurs.

Restez tranquilles dans vos foyers; que ceux qui, par peur, les ont quittés, y rentrent. J'accorde sûreté et sauve-garde à tous. J'accorderai à chacun la propriété qu'il possédait.

Mon intention est que les qadys continuent, comme à l'ordinaire, leurs fonctions, qu'ils rendent la justice; que la religion surtout soit protégée et respectée, et que les mosquées soient fréquentées par tous les bons musulmans. C'est de Dieu que viennent tous les biens; c'est lui qui donne la victoire.

Il est bon que vous sachiez que tous les efforts humains sont inutiles contre moi; car tout ce que j'entreprends doit réussir. Ceux qui se déclarent mes amis, prospèrent; ceux qui se déclarent mes ennemis, périssent. L'exemple de ce qui vient d'arriver à Gaza et à Jaffa, doit vous apprendre que si je suis terrible pour mes ennemis, je suis

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GUERRE D'ÉGYPTE.

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bon pour mes amis, clément et miséricordieux envers le pauvre peuple. »

Il écrivit aux cheyks, aux ulémas et au commandant de Jérusalem, pour leur faire connaître qu'il était l'ami des musulmans; que les habitans de Jérusalem pouvaient choisir entre la paix ou la guerre; que s'ils choisissaient la paix, ils devaient envoyer des députés à Jaffa, pour promettre de ne rien faire d'hostile contre les Français; que s'ils étaient assez insensés pour préférer la guerre, il la leur porterait lui-même 1.

Bonaparte fit une nouvelle tentative de paix auprès de Djezzar-Pacha. Il lui rappelait les démarches pacifiques qu'il avait faites auprès de lui, depuis son entrée en Égypte, et qui étaient restées sans réponses ; lui reprochait de n'avoir point éloigné le bey Ibrahim de ses frontières, d'avoir, au contraire, réuni dans Gaza, des magasins et des soldats pour passer le désert, et violé le territoire égyptien, en portant són avant-garde à ElArych. Il lui déclarait, qu'ainsi provoqué à la guerre, il avait cru devoir partir du Kaire, pour la lui apporter lui-même; qu'au surplus, il avait été généreux envers les soldats syriens qui s'étaient mis à sa discrétion; mais sévère envers ceux qui avaient violé les droits de la guerre. « Je marcherai dans peu de jours sur Acre, ajoutait-il, mais quelle raison ai-je d'ôter quelques années de vie à un vieillard que je ne connais pas? Que

Lettre du 19 ventôse.

sont quelques lieues de plus à côté des pays que j'ai conquis? Puisque Dieu me donne la victoire, je veux, à son exemple, être clément et miséricordieux, non seulement envers le peuple, mais encore envers les grands. Vous n'avez point de raisons réelles d'être mon ennemi, puisque vous l'étiez des Mamlouks. Votre pachalic est séparé de l'Égypte par les provinces de Gaza, Ramleh, et d'immenses déserts. Devenez mon ami, soyez l'ennemi des Mamlouks et des Anglais; je vous ferai autant de bien que je vous ai fait et que je peux vous faire de mal. » Il terminait en le prévenant qu'il marcherait sur Acre, le 24 ventôse, et que, s'il voulait faire la paix, il devait envoyer, avant ce jour, un plénipotentiaire à l'armée . Djezzar, selon son habitude, fit jeter le messager à la mer.

par

Le général Reynier arriva à Ramleh, le 19 ventôse, avec sa division. Il y installa un divan. Il reçut l'ordre de se rendre à Jaffa, et de fournir des escortes aux convois.

Les provinces de Gaza, Ramleh et Jaffa, dont la majorité des habitans étaient chrétiens, avaient montré des dispositions favorables à l'armée; mais, les Naplousains annonçaient les dispositions les plus hostiles. La ville de Naplous, située derrière l'Anti-Liban, entre Jaffa, Saint-Jean-d'Acre, Damas et Jérusalem, couverte par une grande forêt de chênes, était un point favorable aux en

1 Lettre à Djezzar, du 19 ventôse.

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