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le camp de Gaza. Lorsque la nuit fut venue, Bonaparte jugea qu'il était imprudent d'occuper plus longtemps ce village en face de l'ennemi, sans avoir de nouvelles de l'armée, et se décida à une prompte retraite. Il revint, à 10 heures du soir, au santon de Cheyk-Zoé, en proie à mille réflexions, et envoya un détachement de ses dromadaires à la découverte. Le 6 ventôse, à deux heures du matin, on lui amena un Arabe qui lui dit qu'une armée française, nombreuse comme les étoiles du firmament, avait pris le chemin de la Mekke. Bonaparte le retint pour guide, monta sur son dromadaire et se mit en marche. Il rencontra quelques dragons harassés de fatigue, qui lui apprirent que Kléber avait été égaré par un guide infidèle qu'il avait fait fusiller; mais qu'ayant trouvé quelques Arabes, il s'était fait remettre dans la vraie route. Le général en chef alla au devant de lui, et rencontra sa division 2 heures après. Elle avait erré pendant 50 heures dans le désert, perdu une journée de marche, et enduré tous les tourmens de la soif. En apercevant Bonaparte sur son dromadaire, les soldats abattus poussèrent des cris d'espérance et de joie. On se rendit au santon de Cheyk-Zoé. Les divisions Bon et Lannes, ayant aussi fait fausse route, avaient été retardées; elles arrivèrent un instant après la division Kléber. Toutes ces troupes qui, d'après les ordres, auraient dû se succéder, se trouvèrent réunies en même temps, eurent bientôt épuisé l'eau des puits du santon, et n'en obtinrent qu'un léger soulagement.

L'armée arriva le 6 à Kan-lounes. Les Mamlouks, ignorant sans doute que les Français avaient évacué ce village, n'avaient point tenté de l'occuper. Abdallah-Pacha était toujours à la même place. Lorsqu'il vit l'armée réunie, il leva son camp et se replia sur Gaza.

Bonaparte écrivit de Kan-lounes aux cheyks et ulémas de Gaza pour les rassurer sur les intentions de l'armée française; leur demander les clefs de la ville; leur faire connaître qu'il était l'ami de la religion mahométane, et que leurs personnes, leurs propriétés et leurs femmes seraient respectées'.

L'armée partit de Kan - Iounes le 7 ventôse, Près de Gaza, elle rencontra un corps de 3 ou 4,000 cavaliers. Murat fit passer à sa troupe le torrent de Besor, et s'avança pour l'attaquer. L'ennemi s'ébranla; on crut qu'il allait charger; mais il tourna bride et s'enfuit au galop sur la route de Jaffa. La division Kléber atteignit quelques tirailleurs turcs et en tua une vingtaine, au nombre desquels se trouva le kiaya d'AbdallahPacha. L'armée prit position sur les hauteurs qui dominent la ville et regardent Hébron, où l'on rapporte que Samson alla déposer les portes de Gaza. Les habitans envoyèrent faire leur soumission; les Français y furent reçus et s'y conduisirent en amis. On y trouva 100,000 rations de biscuit, du riz et de l'orge en abondance et plus de 16 milliers de poudre. Le fort de Gaza était une

Lettre du 6 ventôse, de Kan-lounes.

TOME IL.

GUERRE D'ÉGYPTE.

II

enceinte circulaire flanquée de tours d'environ 40 toises de diamètre. Non loin de là, sur la côte, quelques ruines en marbre blanc indiquaient ce qu'avait été Gaza, autrefois, dit-on, port de mer, maintenant située à une demi-lieue dans les terres, et peuplée seulement de 2,000 ames.

pur et

Après avoir franchi rapidement le vaste désert qui sépare l'Égypte de la Syrie, l'armée éprouvait une vraie jouissance à l'aspect des champs cultivés de la Palestine. Ce n'était plus le ciel brûlant de l'Égypte, l'aridité de ses plaines de sable, la monotonie des palmiers. L'horizon se couvrait de nuages, la chaleur était modérée. Tout, dans le climat et dans la nature du sol, annonçait une contrée plus rapprochée de l'Europe. La pluie fertilisait les vallées et les prairies; on voyait des oliviers et diverses espèces d'arbres; on trouvait dans les jardins la datte, le cédrat, la grenade. Dans la nuit du 8 au 9 ventôse, il y eut un grand orage; pour la première fois peut-être depuis son départ de France, l'armée entendit gronder le tonnerre il tomba une pluie très-abondante. Le soldat qui n'y était plus accoutumé et qui n'avait pas de quoi s'en préserver, fut obligé d'allumer de grands feux pour se sécher. Après s'être réjoui d'abord de la pluie, il finit par murmurer contre la température de la Palestine qu'il trouvait froide et humide, et sembla regretter l'Égypte.

:

9.

Bonaparte consacra les journées du 8 et du gà l'organisation civile et militaire de la place et du pays. Il forma un divan composé des principaux

habitans, et partit le 10 pluviôse pour Jaffa où l'ennemi rassemblait ses forces.

L'armée passa le torrent de Sorec, laissant à sa gauche les ruines d'Ascalon. Elle traversa une vaste plaine couverte de monticules de sables mouvans, que la cavalerie ne pouvait franchir qu'avec beaucoup de difficultés. Les chameaux s'y traînaient péniblement. Pendant environ 3 lieues, il fallut tripler les attelages de l'artillerie. Le 10 pluviôse, on coucha à Ezdoud, l'ancienne Azoth, où l'on trouva une grande quantité de scorpions et de reptiles venimeux. Les soldats allumaient des feux pour s'en défendre. Le 11, on bivouaqua à Ramleh, autrefois Arimathia. Cette petite ville n'avait alors guère plus de 200 familles ; ses habitans étaient presque tous chrétiens. L'ennemi l'avait évacuée avec tant de précipitation, qu'il abandonna 100,000 rations de biscuit, une immense quantité d'orge et 1,500 outres que Djezzar avait préparées pour passer le désert.

L'armée française se trouvait à 10 lieues de Jérusalem. On rapporte qu'alors Bonaparte dirigea une avant-garde sur cette ville, où un grand nom-' bre de chrétiens étaient dans les fers et sous le poignard; qu'il conclut secrètement un armistice avec Ismaël, pacha de Jérusalem, et se trouva ainsi tranquille sur son flanc droit. On ne trouve aucune trace de ce traité. C'est après la prise de Jaffa, dépendant du pachalic de Jérusalem, qu'il envoya dans cette ville, comme dans plusieurs autres, des paroles de paix. Il est certain qu'Is

maël-Pacha ne témoigna aucune vue hostile à l'armée pendant toute la campagne.

L'avant-garde s'approchait de Jaffa. Cette ville était occupée par une forte garnison, composée de Maugrabins, d'Arnautes, d'Alepins, de Kurdes, de Damasquins, de Nègres, d'habitans de la Natolie et de la Caramanie. Il paraît qu'avant d'y arriver, Kléber conçut l'espoir de l'amener à se rendre. Il était accompagné du corps des Maugrabins enrôlés à El-Arych. Il fit écrire par leur capitaine au gouverneur de Jaffa, Abou-Saab., et instruisit de cette démarche le général en chef qui lui répondit de Ramleh pour lui donner son assentiment, en l'engageant d'y joindre une sommation en règle et de faire sentir à l'ennemi que la place ne pouvait tenir. « Si vous pensez qu'un mouvement de votre division sur Jaffa en accélère la reddition, ajoutait-il, je vous autorise à le faire. Si vous entrez dans la ville, prenez toutes les mesures pour empêcher le pillage. Vous placerez la cavalerie en avant sur le chemin d'Acre '. >>>

Cette tentative n'eut point de succès. Kléber arriva le 13 en avant de Jaffa. A son approche, l'ennemi se retira dans l'intérieur de la place et canonna les éclaireurs. Les autres divisions et la cavalerie arrivèrent quelques heures après.

Jaffa, autrefois Joppé, c'est-à-dire jolie, située à 16 lieues de Gaza, avait un mauvais port et une rade foraine, et ne contenait pas plus de 8,000

'Lettre du 12 ventôse.

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