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bras vigoureux eut-il quitté les rênes du gouvernement, qu'un relâchement funeste se fit sentir sur tous les points et dans toutes les parties. Poussielgue, dans une lettre du 27 pluviôse, lui faisait un triste tableau de la situation financière de l'Égypte. La pénurie de l'argent était telle, que l'on ne pouvait suffire à payer au Kaire les dépenses même les plus indispensables. Poussielgue envoyait des exprès dans les provinces les plus riches; on lui faisait des réponses peu rassurantes. La province de Beny-Soueyf, dans la Moyenne-Égypte, s'était insurgée, et on avait été obligé de cacher dans le village de Fehn, un convoi d'argent destiné pour le Kaire. L'arrivage des grains était suspendu; plusieurs barques avaient été arrêtées par les insurgés. N'ayant aucun moyen de transport pour faire venir les blés que l'administration possédait dans les provinces éloignées, Poussielgue avait donné aux Cophtes, commission de les vendre sur les lieux, et espérait, avec le produit de ces ventes, acheter au Kaire les approvisionnemens nécessaires à l'armée.

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L'enregistrement ne produisait que 2,000 ou 2,500 fr. par jour; la monnaie en produisait autant. « Voilà donc, écrivait Poussielgue, 4,500 fr. que nous recevons; cela ne mène pas loin. » Il avait fixé les dépenses avec le général Dugua, de manière à ne payer que le strict nécessaire, et prescrit au payeur de ne rien acquitter sans son ordre. Mais, outre les dépenses forcées des vidu génie, de l'artillerie, des transports et du détail de l'administration, il s'en présentait

vres,

beaucoup d'autres non moins urgentes. L'établissement de Suez exigeait des fonds; le divan réclamait sa paie. Deux mois de solde étaient dus aux malheureux canonniers de la marine; c'était un objet sacré. Les contributions n'offraient qu'une maigre ressource; les villages refusaient de payer. Ils commençaient à inquiéter la navigation de la Basse-Égypte. Quelques troubles avaient éclaté près de Belbeïs, de Qélioub et de Rahmanich.

«S'il ne résultait pas de cette situation, mandait Poussielgue, qu'il ne nous rentrera pas d'argent, je serais parfaitement tranquille, car ces mouvemens n'aboutiront à rien. La confirmation d'une victoire remportée par Desaix sur les Mamlouks se répand et impose dans la Haute-Égypte, Mon désespoir est uniquement de ne pas entrevoir les moyens de vous envoyer de l'argent, et je sens que vous en aurez grand besoin dans un pays sans ressources. Ne comptez pas sur nous; mais soyez bien convaincu que nous emploierons tous nos efforts pour vous en envoyer le plus possible.

D'après des confidences qui m'ont été faites, sans interprète, par des femmes qui vous estiment beaucoup, et qui, quoique femmes de Mamlouks, ne craignent rien tant que leur retour, vous devez vous méfier du cheyk El-Fayoumy. Il est l'ami intime d'Ibrahim, et on m'assure qu'il est dépositaire de ses trésors et de ses bijoux ; qu'il correspond avec lui, et qu'il pourrait encore très-bien le servir du milieu de votre camp. Cette confi

dence m'a d'autant plus surpris, que ce cheyk est un de ceux qui, en apparence, se sont le mieux conduits, et nous ont montré le moins d'éloigne

ment. >>

L'insurrection de la province de Beny-Soueyf n'eut pas de suite. Un bataillon de la 22°. demibrigade marcha contre les révoltés, et couvrit de cadavres quatre lieues de pays; tout rentra dans l'ordre; les Français ne perdirent que 3 hommes et eurent 20 blessés. On croyait que cette insurrection, qui avait commencé à éclater dès le 12 pluviôse, et les troubles dans la Basse-Égypte avaient été fomentés par les Anglais et combinés par eux avec le bombardement qu'ils avaient tenté sur Alexandrie.

Le village d'El-Arych est situé à 10 lieues de la frontière de Syrie, dans un petit vallon, à l'embouchure d'un torrent alimenté par les pluies du Mont-Haïlas. On y trouve 5 ou 6 sources abondantes et un grand bois de palmiers. Les maisons sont crénelées et solidement construites; le village est défendu par un fort ceint de hautes murailles en pierre et flanquées de tours. La division Reynier y était arrivée le 21 pluviôse au soir, après avoir repoussé un détachement des Manlouks d'Ibrahim-Bey, qu'elle avait rencontré en avant des sources de Meçoudiah. Elle prit position près du bois de palmiers, au bord de la mer. Le lendemain, Reynier fit occuper les dunes de sable qui dominent le vallon d'El-Arych et y plaça son artillerie. La troupe qui gardait le village était

composée partie de Syriens, partie de Maugrabins, originaires de la Mauritanie, que Djezzar avait pris à sa solde. Elle s'y barricada et s'y retrancha, disposée à faire une vigoureuse résistance. L'avant-garde, commandée par le général Lagrange, se précipita de droite et de gauche sur le village que Reynier attaqua de front. On combattit vivement de part et d'autre. Les Français parvinrent à pratiquer des brèches et pénétrèrent dans El-Arych. Là, le combat recommença de nouveau; les Syriens s'enfermèrent dans les maisons et dans les impasses, et présentèrent de tous côtés un feu meurtrier. Il fallut pour les déloger enfoncer toutes les portes; la plupart d'entre eux, ne voulant pas se rendre, reçurent la mort après la résistance la plus opiniâtre.

Dès le commencement de l'attaque, le commandant du fort en avait fait fermer les portes, dans la crainte d'une surprise. Par là, il avait ôté toute retraite à ceux qui gardaient le village, et ces malheureux, se voyant sans asile, continuèrent de se défendre avec toute la fureur du désespoir. Ils se réfugièrent dans une vaste citerne, déterminés à ne pas se rendre; mais bientôt, menacés d'être brûlés vifs ou étouffés, ils remirent leurs armes aux Français.

Le soir, le général Reynier, regardant le fort d'El-Arych comme inexpugnable sans artillerie de siége, se borna à en faire le blocus régulier.

La prise de ce village avait coûté aux Français près de 300 blessés. En apprenant cette nouvelle à Salhich, où se trouvait alors le quartier-général,

Larrey accourut à El-Arych pour leur donner ses soins. Il en fut récompensé par des succès. A defaut d'autre viande, on se servit de chameau. Le bouillon et la chair en furent trouvés nourrissaus et assez agréables au goût. On les regretta lorsqu'il fallut plus tard avoir recours au cheval.

Le 21 pluviôse, au soir, on signala dans le désert, sur la route de Gaza, un convoi turc qui se dirigeait sur El-Arych pour en approvisionner le fort. Les jours suivans, ce corps se grossit successivement des Mamlouks d'Ibrahim - Bey et de troupes syriennes, commandés en chef par Abdallah, pacha de Damas. Le 25 pluviôse, se sentant supérieur aux Français, il s'avança jusqu'à une demi-lieue d'El-Arych, et prit une forte position sur un plateau couvert par un ravin escarpé.

Dans la nuit du 26 au 27, Kléber arriva avec une partie de sa division. Alors Reynier, profitant de l'obscurité de la nuit, fit remonter le ravin à la sienne pendant une lieue, le passa, forma sa troupe en bataille, et marcha sur la rive où était campé l'ennemi, dans le dessein de le surprendre. Sa manoeuvre réussit; l'ennemi se trouva cerné ; entre le ravin et les Français. Des grenadiers, commandés par l'intrépide général Lagrange, pénétrèrent dans le camp et répandirent la terreur parmi les Mamlouks d'Ibrahim. Ils voulurent reprendre la route de Gaza; mais, au même instant, Reynier parut sur ce point avec sa droite et leur ferma le passage. L'ennemi se jetta alors dans le ravin; la pente du sol entraîna les Mam

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