Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

en ressources, il n'y avait rien, et Louvois, le grand organisateur, le Carnot de la monarchie, Louvois écrivait à Turenne, à la date du 1er avril 1667 : « La brigade de Champagne qui est demeurée à Lille, aussi bien que la cavalerie, périt au dernier point, à ce que m'a rapporté M. Charuel (l'intendant de l'armée), y ayant jusqu'à quatre cents malades dans un régiment de mille hommes, ce qui provient de ce que lesdits malades n'ont point été assistés, qu'ainsi pas un ne guérit, et que les soldats étant réduits à boire de méchante eau et à manger du pain, le deviennent souvent. Les soldats ont un tel entêtement de ne point aller à l'hôpital, que j'en ai vu demeurer à Lille, dans des corps-degarde, malades à ne pouvoir se remuer, aimer mieux manger du pain et boire de l'eau que de s'y laisser porter1, »

Si l'on se rappelle le traitement qui attendait les malades dans les hôpitaux, même dans les grandes villes, même à Paris, on devine ce qu'il devait être dans les hôpitaux militaires, en campagne, où ils étaient concédés au rabais à des entrepreneurs dont nul ne contrôlait sérieusement l'avidité homicide, et l'on comprend l'horreur qu'éprouvaient les soldats à se laisser transporter dans ces séjours de souffrance et de mort.

« Il y a présentement à Charleroi, dit encore Louvois, huit cents hommes d'infanterie hors d'état de servir, parcequ'ils sont malades, et depuis qu'un l'est une fois, il n'en relève plus... » Voici comment, au rapport de l'intendant Camus, l'armée était logée en plein mois de décembre : « Le soldat de Charleroi est logé d'une manière à faire pitié. On met seize soldats, avec quatre lits, dans une petite baraque de paille dans laquelle il

1. Dépôt de la Guerre, no 208.

est impossible de se chauffer, sans un très-grand danger de mettre le feu, et comme le bas du logement est toujours rempli de boue et qu'il faut que le feu soit modéré, le soldat est toujours dans l'humidité. Les compagnies qui y sont présentement y ont été vingt jours sans avoir un malade, et depuis peu, il leur en est tombé plus de cent. A ce propos je suis obligé de vous informer qu'il n'y a, dans la place, ni aumônier ni chirurgien. >>

Il faut rendre justice à Louvois, ce n'était pas sa faute si l'armée périssait de misère, car le futur brûleur du Palatinat préludait déjà à de plus terribles exploits en dévastant ces riches contrées qui allaient devenir françaises. Il faisait piller les couvents, contribuer les villes au delà de leurs moyens, abattre les forêts. Les intendants hésitaient à obéir à ses ordres. Mais il gourmande fièrement leur tiédeur, et les rassure « Il y a des occasions, écrit-il à celui de Hai-` naut (27 septembre), où il ne faut pas voir de si loin, et, en celle-ci, vous avez une trop longue vue, étant inouï qu'un ordonnateur ait jamais été recherché pour quelque chose que ce puisse être, qu'il ait ordonnée suivant l'intention de Sa Majesté. »

Les chefs militaires eux-mêmes s'indignent et n'obéissent qu'en protestant : « Je vois bien par votre dépêche, lui écrit le marquis de Bellefonds (27 septembre), que je devrais comprendre que je n'ai pas raisonné juste, qu'il est utile au service du roi de choquer les Flamands en toutes choses, afin de les étourdir d'abord, et de ne leur laisser aucune ombre de liberté ni nulle espérance de traitement favorable. J'avoue que j'ai l'esprit un peu bouché et que j'aurais suivi des maximes toutes contraires; ainsi, pour ne point passer d'une extrémité à l'autre, je ne me mêlerai de rien du tout. On n'a point accoutumé de faire les impositions avant

que les armées se soient retirées et que les peuples se soient rétablis dans leurs ménages, et il faut vouloir ne tirer aucun argent ni fourrage et ruiner un pays pour s'y conduire d'une autre manière. Comme je ne suis pas assez habile pour conseiller le sieur Charuel, et que ce n'est pas mon métier, je ne lui donnerai plus mes avis, de peur qu'à la fin ils ne se trouvassent mauvais. »

[ocr errors]

pays

Mais puisque l'armée mourait de faim, où donc s'en allait la fortune de la France, cet argent si impitoyablement extorqué aux pauvres taillables du royaume? Le roi le dévorait en compagnie de ses courtisans et de ses courtisanes, le roi promenait à petites journées et à grands frais la reine et sa maîtresse, il n'en avait qu'une en titre alors, dans les nouvellement conquis, et il émerveillait les peuples par le spectacle de son faste insolent. Bussy-Rabutin énumère au comte de Coligny toutes ces merveilles : « Tout ce que vous avez vu de la magnificence de Salomon et de la grandeur du roi de Perse n'est pas comparable à la pompe qui accompagne le roi dans son voyage. On ne voit passer par les rues que panaches, qu'habits dorés, que chariots, que mulets superbement harnachés, que chevaux de parade, que housses brodées d'or fin... Tous les courtisans, les officiers et les volontaires sont partis avec des équipages somptueux; on compte trente mille chevaux, seulement à ces équipages1. »

4. Coligny, Mémoires, p. 123, 124. - Ap. Rousset, Hist. de Louvois, I, 106.

LIVRE QUATRIÈME

GUERRE DE HOLLANDE

MORT DE COLBERT

(1668-1683)

Projet de guerre contre la Hollande. - L'influence de Colbert diminue. Mort de Lyonne, remplacé par Pomponne.

[ocr errors]

[ocr errors]

La prépondérance de Louvois

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

La

est sans contre-poids dans le conseil. - Jean de Witt. Ruyter. guerre est déclarée (1672). - Passage du Rhin. Guillaume d'Orange nommé stathouder. - Révolution en Hollande. Meurtre des deux frères Jean et Corneille de Witt. Réaction en Europe contre Louis XIV. L'Espagne, l'Empereur, les Provinces-Unies forment une coalition contre la France L'Angleterre cesse d'être avec nous. Seconde conquête définitive de la Franche-Comté (1674). - Condé en Belgique : Bataille de Sénef. Turenne pénètre dans le Palatinat, qu'il ravage. Belle campagne de Turenne en Lorraine et en Alsace. Nouvelle campagne en 1675. - Mort de Turenne. Créqui est battu et fait prisonnier. - Condé va remplacer Turenne (1676). Louis s'empare de Bouchain et de Condé. - Événements maritimes. Progrès de nos armées à Messine et en Sicile. Mort de Ruyter. - Le mauvais vouloir de Louvois rend inutile les succès de Duquesne. Perte de Philipsbourg. Louis offre la paix à la Hollande. Congrès de Nimègue. Les hostilités continuent (1677). Prise de Valenciennes, de Cambrai, de Saint-Omer.Négociations. Succès de Créqui sur le Rhin et la Moselle. Prise de Gand et d'Ypres. Propositions de Louis. Paix de Nimègue (1678). Pacification générale (1679). Derniers efforts de Colbert pour soulager le peuple. Annexion de Strasbourg (1681). Colbert, Bossuet et les maîtresses du roi. Mort de Colbert (1683).

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

1668.Louis XIV a trente ans; son visage solaire resplendit dans tout l'éclat de sa beauté majestueuse; il aime toutes les dames de la cour se disputent un de ses regards; le royaume tout entier le voit avec les yeux des dames de la cour, et l'Europe tremble en sa présence. La Flandre a été conquise en moins de trois

mois de temps, la Franche-Comté en moins de trois semaines. Le roi donne au monde le sublime spectacle de la modération au milieu des enivrements du succès, et octroie à l'Europe la paix d'Aix-la-Chapelle. Le Louvre et Versailles s'élèvent à sa voix. Les grands génies multiplient leurs chefs-d'œuvres poëtes, musiciens, peintres, statuaires, orateurs sacrés rivalisent de gloire, et tout cela est porté à l'actif de Louis 1.

Bien gratuitement, néanmoins, car Turenne remportait ses premières victoires avant que Louis fût né; Condé triomphait à Rocroi avant qu'il eût accompli sa cinquième année; et Vauban, né cinq ans avant lui, ne lui dut que de mourir dans la disgrâce pour avoir jeté les bases de l'économie politique et pour avoir voulu tenter de sauver la France, que le roi perdait. Quelques-uns de ces grands hommes, qui portèrent si haut la gloire du XVIIe siècle, Descartes, Nicolas Poussin, Lesueur, Pascal, étaient morts avant 1661; les autres, les génies vraiment originaux, étaient des hommes déjà quand Louis était encore au berceau : Corneille, Molière, La Fontaine, Philippe de Champagne, Puget, Bossuet, Sévigné, Fénelon, Colbert..... Faut-il nommer encore Scarron et madame de La Fayette, qui créèrent le roman en France? Quant à ceux qui furent ses contemporains, quoique tous plus âgés que lui, Boileau, Racine, Lulli, Quinault, Bourdaloue, La Bruyère, Regnard..., quoique bien grands encore, on ne retrouve

1. Il y a parti pris de tout rapporter à l'initiative personnelle du roi. « Il attira en France des artistes étrangers, entre autres Lulli et le chevalier Bernin, » dit M. Chéruel (Admin. Mon., II, 283). Or, Lulli fut amené de Florence en 1646 par le chevalier de Guise, qui voyageait en Italie, et auquel Mlle de Montpensier avait recommandé de lui rapporter un joli petit Italien. Louis XIV avait alors sept ans. Quant à Bernini, il ne fit que passer en France, n'y resta pas, n'y produisit rien.

« ZurückWeiter »