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s'élever et s'instruire au hasard et à la grâce de Dieu 1.

Préoccupé surtout du soin d'élever le prodigieux édifice de sa fortune personnelle, puis accessoirement de la politique générale et extérieure, Mazarin livra sans contrôle l'intérieur, la justice, la guerre, les finances au chancelier Séguier, à Letellier, à d'Emeri, à Fouquet. Anne d'Autriche se vit dans la nécessité de récompenser tous ceux qui, comme elle, avaient été persécutés par le terrible ministre de Louis XIII. Le cardinal de Retz résume la situation en une ligne : « Il n'y a plus que trois petits mots dans la langue : la reine est si bonne! » Elle donne, elle laisse prendre de toutes mains, « trouvant commode de se libérer en ruinant le particulier 2,» si bien que, dès la première année de la régence, les gratifications qu'elle distribua engagèrent les finances du roi de douze millions d'emprunt et de reculement 3. »

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3

De 1643 à 1650, les poëtes chantent le retour de l'âge d'or en France, et cependant d'étranges frémissements agitent l'Europe. Tandis qu'à l'est, les dernières convulsions de la guerre de Trente-Ans s'éteignent en Allemagne, au nord, l'Angleterre fait rouler la tête de Charles Ier sur l'échafaud de White-Hall, et au midi, à Naples, le peuple se sacre roi en plaçant sur la tête de Masaniello cette couronne éphémère que le dernier des Guises voulut en vain ramasser. Quant à la France, ira-t-elle à la monarchie absolue, ébauchée

1. Dans ses Lettres sur la Russie, M. Marmier raconte qu'on lui montra, à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg, une feuille de papier sur laquelle Louis XIV a écrit six fois de suite, en grosses lettres péniblement tracées : L'hommage est dû aux rois: ils font tout ce qui leur plaît.

2. Mémoires de Madame de Motteville. 3. Omer Talon, mémoires.

par Richelieu; rétrogadera-t-elle jusqu'à l'anarchie féodale, en faveur de laquelle intrigue la faction des Importants, dont le chef, Beaufort, petit-fils de Henri IV, Beaufort, le roi des halles, fait descendre la royauté de race, en même temps que la royauté du peuple grandit avec le pêcheur napolitain; s'élèvera-t-elle jusqu'à un système de garanties nationales, rêvé prématurément par un petit nombre d'esprits supérieurs?...

En attendant que l'avenir se dégageât des nuages qui le voilaient encore à tous les regards, il y eut une heure de curée suprême, pendant laquelle la cour, la magistrature et les princes ne songèrent qu'à leurs intérêts particuliers, bien différents de ces naïfs marchands que Mme de Motteville nous peint raisonnant dans leurs boutiques sur les affaires de l'Etat, et « infectés de l'amour du bien public, qu'ils estimaient plus que leur avantage particulier. »

Chacun prenait ses appuis naturels. La régente, pour se faire des créatures, laissait puiser à discrétion dans les caisses de l'État, que, dans un but de popularité que les écrits du temps font ressortir, le parlement empêchait de se remplir, en révoquant, notamment du 30 juin au 12 juillet 1643, tous traités

1.

Messieurs, avant toute autre chose,
Afin d'affermir notre cause

Qui n'est pas sans besoin d'appui,
Nous conclurons tous, aujourd'hui,
Que l'on soulage la canaille,
Que l'on remette un quart de taille,
Que de nos pays désolés
Les intendants soient rappelés...
C'est par de telles inventions
Que le peuple, prompt et volage
Se meut, se conduit et s'engage;
Quand le peuple sera pour nous,
Sans doute qu'on filera doux...

de tailles, taillons, subsistances, en remettant les impôts en la forme ancienne, avec diminution du quart au profit du peuple. Le défaut d'entente devait infailliblement amener une crise. La mesure, cependant, était opportune, car ces diverses impositions ne s'élevaient pas à moins de 50,294,000 livres qui, aujourd'hui, représenteraient plus de 100 millions. Ajoutez à cela que l'impôt ne frappait que les roturiers seuls, qui payaient pour les biens de roture, lesquels constituaient à peine un tiers des biens de la France, et que plusieurs provinces ne faisaient pas encore partie du royaume. Il faut tenir compte en outre, des droits féodaux, dûs aux seigneurs directs, des dimes grosses et menues, acquittées au clergé; des charges locales, des corvées, de l'odieuse gabelle, des logements militaires, des exactions de tout genre, exercées à l'occasion de la levée de ces diverses impositions. Mais, s'ils déchargeaient le peuple du fardeau qui l'écrasait, les parlements avaient surtout à cœur de soulager leurs membres. C'est ainsi que nous voyons celui de Metz multiplier les arrêts pour dispenser de la charge des logements militaires ses avocats, procureurs, huissiers et autres officiers subalternes. « Jusqu'au chauffe-cire de la chancellerie, tout ce qui était attaché au parlement voulait être privilégié 1. »

Richelieu avait légué à Mazarin la France puissante et redoutée à l'extérieur, énervée et mourant de faim à l'intérieur. Jusque dans Paris même, l'excès de la misère égarait la multitude, et l'on vit le peuple poursuivre de ses menaces les jésuites, auxquels il s'en prenait de la cherté des grains, qu'on les accusait d'accaparer pour les faire passer à l'étranger. Le roi ordonna au parlement de faire arrêter et de châtier les coupa

1. Emmanuel Michel, hist. du Parlement de Metz, p. 92.

bles1. La régente, qui se montrait si prodigue en faveur de son entourage, trouva les fonds de 1644, 1645 et 1646 entièrement consommés, et encore était-il dû douze cent mille livres de gages aux officiers du parlement de Paris seulement, et à ceux des provinces à l'avenant. Pour faire face au plus pressé, on ajouta pour chaque muid de vin dix sols de droit d'octroi à Paris et de vente en gros en province; on fit payer la confirmation. de tous les offices, à cause de l'avènement du roi, et l'on se livra à quelques autres opérations analogues, qui au fond, n'avaient pour effet et pour but que d'assurer aux traitants des reprises pour le montant des avances qu'ils consentirent, soumettant ainsi des milliers de familles à leur rapacité, sans procurer à l'État aucun recouvrement de son domaine 2.

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Il est assez difficile aujourd'hui de faire le jour et d'introduire la lumière dans l'organisation ainsi que dans l'administration de la France d'autrefois, tant l'anarchie et le chaos étaient grands partout. On sait que le royaume se divisait en pays d'États, qui se taxaient eux-mêmes, en théorie du moins, mais nous verrons ce qu'il en était en pratique, et en pays d'Élection, taxés par le bon plaisir du souverain. Les vingt-cinq généralités constituaient la circonscription politique et financière de la France. Dans chacune, un intendant présidait aux choses de la justice, de la police et des finances. Quant à l'autorité militaire, elle était exercée par trente-sept gouverneurs. Mais, pour créer des positions à des gentilshommes que la cour voulait favoriser, on établissait, à côté du gouverneur, un fonctionnaire rival, qui portait le nom de lieutenant général du roi. Dans certains gouvernements, on en

1. Archives curieuses, 2e série, t. VI, p. 370.

2. Forbonnais, Recherches sur les finances, t. I, p. 246, 247.

comptait quatre ou cinq, de familles puissantes. Dans les villes de quelque importance, il y avait de plus des gouverneurs de place. Tous ces fonctionnaires, que l'État ne salariait pas et qui vivaient directement sur les contribuables, ne servaient qu'à multiplier les conflits en rendant impossible la marche régulière des affaires. Nous parlerons plus tard, et à part, des États Provinciaux. On comptait également douze parlements, dix-huit archevêchés, cent neuf évêchés, et aucun lien n'existait entre ces diverses autorités financières, religieuses, militaires, administratives ou de police.

Ce que l'on appelle aujourd'hui les rouages administratifs, constituait, sous l'ancien régime, un mécanisme infiniment plus compliqué que la fameuse machine de Marly, et faisait, comme elle, une dépense énorme de force pour un très-faible résultat obtenu.

La gestion des deniers publics était confiée principalement à deux ordres d'agents supérieurs, dont les uns, les fermiers généraux, prenaient à. bail les gabelles, grandes, petites et locales, le tabac, les traites, les entrées et octrois de Paris, les aydes du plat pays, et quelques autres taxes de ce genre, tandis que les autres, les receveurs généraux, percevaient principalement la taille et la capitation. Le sentiment populaire comparait les uns et les autres à la Seiche, qui a la propriété de troubler les eaux autour d'elle, afin de pêcher ensuite en eau trouble, et l'un des contrôleurs généraux pendant la régence, d'Émeri avouait que les financiers n'étaient faits que pour être maudits. Vers la fin du règne de Louis XIV, Desmarets essaya bien d'apporter quelques lueurs au sein de cette nuit sombre, par la création de charges d'inspecteurs, qui avaient pour mission de vérifier les opérations des gens de finance mais comme tout cela était vénal, ces derniers

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