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Pour les historiens de Louis XIV, la Régence est déjà une grande époque, car Turenne et Condé livrèrent de grandes batailles, remportèrent de glorieuses victoires, et le traité des Pyrénées arrondit le royaume de quelques provinces qu'elle ne devait plus perdre. Pour l'historien de la France, c'est la lugubre préface du règne de Louis le Grand, du plus douloureux qui ait pesé jamais sur elle, car ces provinces regrettèrent longtemps leurs anciens maîtres, en partageant l'incurable misère dont le tableau va se dérouler maintenant sous nos regards.

C'est, qu'en effet, si effroyables qu'elles aient été, ces dix-huit premières années du grand siècle, furent relativement heureuses. Louis trouva moyen de les faire regretter plus tard; nous verrons Boisguilbert, en 1695, comparer sans cesse, pour le déplorer, le temps présent à l'année 1660, et Saint-Évremond put chanter, sans révolter ses contemporains,

Le temps de la bonne Régence,

Temps où régnait une heureuse abondance,
Temps où la ville, aussi bien que la cour,
Ne respirait que les jeux et l'amour!

LIVRE TROISIÈME

COMMENCEMENT DE LOUIS XIV TRAITÉ D'AIX-LA-CHAPELLE

(1661 1668)

Désordres financiers. Fouquet arrêté. Chambre de justice. Réformes financières. Administration de Colbert. La marine reçoit un développement considérable. Louvois organise l'administration militaire - Projets éventuels de Louis XIV contre l'Espagne. · Relations diplomatiques avec la Suède, l'Empire, les Provinces- Unies, le Portugal, l'Angleterre, qui cède Dunkerque à la France. — L'ambassadeur de Louis XIV insulté à Rome: Louis exige du pape d'humiliantes réparations (1664). — Expédition contre l'Algérie. La guerre éclate entre l'Angleterre et la Hollande. Mort de Philippe IV. - Négociations. Louis revendique les droits de Marie-Thérèse guerre des droits de la reine. La guerre est déclarée à l'Espagne. Succès en Flandre (1667). — Conquête rapide de la FrancheComté. - Traité d'Aix-la-Chapelle (1668).—La France restitue la FrancheComté, mais garde ses conquêtes sur la Lys, l'Escaut et la Sambre.

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1661. འ Cependant la jeunesse du roi, sa bonne mine, ses nouvelles amours, et particulièrement l'abondance qui régnait encore dans le monde, jointes aux spectacles et aux fêtes, firent que la cour parut à Fontainebleau, pendant l'été de 1661, plus brillante et plus belle qu'elle n'avait jamais été. Ce ne furent que festins, jeux et promenades perpétuelles, où un jeune

roi, après avoir choisi une maîtresse digne de lui, commençait à jouir de la liberté et de la royauté (La Fare, 259). »

« La cour était dans la joie et dans l'abondance; les courtisans faisaient bonne chère et jouaient gros jeu. L'argent roulait, toutes les bourses étaient ouvertes, et les notaires en faisaient trouver aux jeunes gens tant qu'ils en voulaient. Aussi ce n'étaient que festins, danses et fêtes galantes (Choisy, 583). »

Telle était, pour les courtisans, la situation de la France, lorsque Louis XIV prit les rênes du gouvernement. Ainsi, naguère, Lenet et Montglat nous faisaient de charmantes descriptions des amoureux passe-temps des courtisans et des courtisanes titrées, pendant que la Fronde couvrait le royaume de sang et de ruines. Le roi s'amuse!... Qu'importe le reste? Heureux les princes, si les courtisans seuls écrivaient les annales de leur règne ! Mais consultons d'autres autorités, après avoir noté, en passant, l'abondance relative que l'on observait en 1661. Tant de misères vont être dépassées encore !

Écoutons un instant Guy Patin, ce Gaulois de la vieille roche, ce bourru bienfaisant, toujours pestant et jurant contre les publicains, ces antropophages de la France, les apothicaires, les moines, les animaux rouges, les cardinaux enragés d'avoir le bien d'autrui; mais aussi toujours plein de sympathies pour les souffrances de la patrie. Nous aurons peu de choses à faire pour compléter l'esquisse qu'il trace de l'année 1661:

11 janvier. - «La cherté des charges ne diminue point, et on ne sait quand elle pourra diminuer. La charge de maître des comptes est à 90,000 écus. On parle fort au Louvre de bal, de ballets et de réjouissances, mais on ne parle point de soulager le peuple, qui meurt de misère, et d'une misère sans exemple,

après une si grande et si solennelle paix générale. O pudor!... O mores !... O tempora!... La reine-mère a fait supprimer certains droits qui se levaient sur la Seine par quelques particuliers, au passage des ponts, sans aucun droit ni vérification on dit que cela se faisait par l'autorité du chancelier et du surintendant, et la connivence du prévôt des marchands, qui butinaient cela ensemble. Quelle honte! Ce péage allait jusqu'à cinquante sous par tonneau. Plût à Dieu que cette même reine prît un pareil soin pour diminuer la taille, qui est un fardeau effroyable, -onus Ethna ipso gravine, par lequel le pauvre peuple est plus maltraité par les partisans, que ne sont les forçats et les galériens

sur mer. »

28 mars. « Quoique cet avare cardinal soit mort, il semble qu'il règne encore. Les partisans ont fait exiler trois conseillers de la Cour des aides, pour avoir résisté à un nouvel impôt sur les vins, et avoir parlé de soulager le peuple. Ces trois dignes hommes méritent d'être nommés, ce sont : MM. Quatrehomme, Pussort et Bouvet. On les a envoyés à Perpignan, à Pignerol et Quimper-Corentin, en basse Bretagne... Le roi a entendu les plaintes de Messieurs de la Cour des aides, qui portent sur trois choses: la façon de faire payer la taille avec des fusiliers, et par solidarité; la seconde, que l'on veut faire autant payer pour l'entrée du vin des bourgeois qu'aux cabaretiers; et la troisième, que les directeurs des gabelles les veulent obliger de faire punir les faux-sauniers à leur mode. Le roi leur a répondu qu'il savait bien que, dans cette cour, il y avait bien des gens malintentionnés à son service, qu'il les ferait punir; que, du reste, il leur ferait savoir sa volonté par son chancelier... »

24 mai. <« Nous n'avons rien ici de nouveau, excepté le jubilé. Ce sont des consolations spirituelles

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