Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

l'empereur et l'impératrice d'Autriche, le roi de Prusse et plusieurs souverains subalternes de l'Allemagne, se réunissent à Dresde.

Napoléon s'y arrêtera pour être à portée d'y recevoir avant peu des informations sur le résultat d'une dernière tentative auprès de l'empereur de Russie ; car si le dominateur de l'Occident témoigne le désir d'éviter la guerre, ce n'est que dans l'espoir d'obtenir de sa politique le même résultat que de ses armes. Bien mieux, en faisant une halte à Dresde, il peut satisfaire sa passion la plus ardente. Placé si haut sur la terre, et fatigué d'hommages secondaires, il n'admet plus pour courtisans que des rois on en compte jusqu'à huit qui sont accourus, jaloux d'approuver une guerre dont le succès assurerait la domination du grand monarque, ainsi que leur dépendance; ils s'empressent de coopérer à l'asservissement complet et définitif de l'Europe! Sans doute son orgueil se repaît de l'idée que ce synode de têtes couronnées contraste avec l'iso lement du czar qui peut bien s'en effrayer, Gette réunion de souverains sous la même bannière, ne semblet-elle pas annoncer que la guerre est européenne ? Napoléon règne dans la capitale de la Saxe, surnommée par vingt peuples allemands l'Athènes de la Germanie; c'est lui-même qui fait les honneurs de cette résidence royale, invitant tour à tour les souverains à sa table, tandis que le titulaire de Dresde a seulement l'air de son majordome. Chacun d'eux se présente à son lever, attendant avec patience, avec humilité, le moment où l'on ouvrira chez le vainqueur de l'Europe! On dirait qu'il ne séjourne à Dresde que pour jouer le rôle d'Agamemnon, le roi des rois, et planer sur tous ces chefs d'anciennes dynasties: mais cette réunion froisse beaucoup de sentimens; plusieurs amours-propresen

sortiront blessés, et, au jour du revers, ces courtisans couronnés aimeront à se venger de l'abaissement auquel on les a pliés.

Goûtant avec délices les hommages d'une cour de rois, Napoléon les savoure pendant plusieurs jours; il s'enivre de l'encens dont huit thuriféraires, la tête chargée de diadèmes, lui jettent des nuages épais; enfin revient à Dresde le comte Louis de Narbonne, envoyé près d'Alexandre, dans l'espoir que le souvenir des entrevues de Tilsitt et d'Erfurth l'induirait à conserver la paix en faisant quelques sacrifices, et en reprenant le système continental! Mais le négocia–. teur, a trouvé les Russes sans abattement, et même sans jactance, froidement résolus à courir les chances d'une lutte définitive. De tout ce qu'il a recueilli de la bouche d'Alexandre ou de ses ministres, il résulte qu'on préfère la guerre à une paix sans honneur, ou même incertaine ; qu'on se gardera bien de s'exposer à une bataille contre un aussi redoutable adversaire, et qu'on se résignera aux plus cruels sacrifices pour l'épuiser, le rebuter, pour traîner les hostilités en longueur. Napoléon méprise cette détermination; comptant sur sa fortune ainsi que sur le faible caractère de son ennemi qu'il croit avoir bien pénétré, il part de Dresde, et s'élance sur l'Oder et la Vistule. Napoléon a dédaigné les observations, les conseils, les avis qui lui ont été soumis par des personnes éclairées, par des individus dont le dévouement, la loyauté et les lumières lui étaient également connus. Il a demandé des mémoires sur la campagne de Russie; on lui a dit, avec une courageuse franchise, « qu'eile pou», vait décider du sort de sa dynastie et de sa propre >> existence, comme de l'avenir de la France » : Appuyé sur le témoignage de Frédéric II, sur des faits

28 mai.

irrécusables, sur les documens historiques, on lui a démontré « que les Russes l'attireraient dans le cœur » de leur immense et barbare empire; qu'ils incendieraient leurs villes, même leurs capitales, pour >> le priver de toutes les ressources qu'elles pourraient >> offrir; qu'ils feraient un désert de toutes les contrées » où pénétreraient les armées françaises; et que si >> malheureusement ces armées avaient à subir, sur >> le territoire russe, les rigueurs de l'hiver, elles y >> seraient anéanties par les glaces et par la famine ! » Conseils et observations inutiles; Napoléon et sa

[ocr errors]

«

>> fortune! a répondu l'empereur : Que peuvent contre » moi les élémens? L'insensé! (a dit Masséna) il va conduire à six cents lieues des frontières de >> France l'élite des armées, la plus belle, la plus forte » armée qu'un souverain ait jamais eue! Et il ne » sait pas, ou il ne veut pas savoir qu'une nuit peut » détruire son armée! » Il n'est pas jusqu'au prince. Kourakin qui n'ait spécifié, et, en quelque sorte, prophétisé publiquement à Paris, les épouvantables. désastres sous lesquels Napoléon peut succomber avant la fin de cette année. Mais Napoléon a perdu l'usage de sa froide raison; son orgueil l'emporte, et va le précipiter dans l'abîme.

Les préliminaires de paix sont signés à Bucharest, entre les plénipotentiaires russes et le grand-visir. Le Pruth doit former la limite des deux empires.

[ocr errors]

Ce traité reste ignoré de Napoléon jusqu'au 13 août; il n'apprendra, non plus, qu'à la fin d'octobre, que l'armée russe de Moldavie s'avance vers la Lithuanie (V. 16 novembre)! Il a envoyé un ambassadeur à Constantinople, mais cet ambassadeur (Andréossi) se laissera abuser par la Porte-Ottomane; c'est ce même grand-officier de Napoléon qui, envoyé à Londres et

à Vienne, n'apprit que ces cabinets allaient renouveler les hostilités, que lorsque le cabinet des Tuileries lui annonça que la guerre était déclarée! Le comte Andréossi a fait preuve de cette sagacité diplomatique, dans ses deux ambassades d'Angleterre et d'Autriche. Par ce traité de Bucharest et celui du 24 mars avec la Suède, l'armée française perd l'appui de ses deux ailes : mais Napoléon compte trop sur son génie et sur son étoile, pour douter qu'une victoire ne tranche ces nœuds diplomatiques. La paix de Bucharest sera ratifiée le 14 juillet.

[ocr errors]

Le congrès des États-Unis déclare la guerre au 18 juin. gouvernement anglais qui gêne leur commerce, ainsi que celui de toutes les nations neutres. Leurs griefs sont nombreux, et ne cessent, depuis plusieurs années, de se reproduire. En vain, les États-Unis essaient-ils différentes voies de conciliation pour amener cette puissance à révoquer ou à modifier ses édits, de manière à ne point violer la neutralité du commerce américain; tout appel à la justice comme à l'honneur britannique est inutile! Actuellement même, les Anglais ont l'insolence d'exercer l'odieux usage de la presse sur les bâtimens de commerce américains qui naviguent tranquillement ! Ils en ont arraché plus de six mille marins qui se déclaraient citoyens des États-Unis, et sans leur permettre dé justifier de leurs réclamations; impitoyables forbans, ils ont encore saisi et confisqué, pour des sommes considérables, des propriétés de citoyens américains. Acharnés l'un contre l'autre, le conseil de Saint-James, le conseil des Tuileries, se lancent mutuellement les décrets les plus violens, les plus exagérés ; ils ont recours aux mesures extrêmes de la fureur

22 juin.

politique. L'oligarchie anglaise qui maîtrise les trois royaumes, rivalisant d'extravagance avec Napoléon, et voulant le dépasser en iniquités ouvertes, déclare la majeure partie du globe en état de blocus; poursuivant le pavillon américain dans l'étendue des mers, elle rejette jusqu'à la neutralité du territoire de la confédération, et même dans les ports elle méconnaît la juridiction des lois qui y existent! La GrandeBretagne jouit des bénéfices d'un commerce de contrebande, lequel offre aux pouvoirs belligérans quelques ressources de la paix, tandis que les neutres n'en sont pas moins accablés sous le poids des privations. L'Angleterre exerce sur les mers un despotisme non moins dur que celui dont son grand antagoniste ac cable le continent, et néanmoins, au milieu de tant d'actes d'ambition et de cupidité, elle prétend que les victimes de ses usurpations et de ses violences la regardent comme la grande protectrice du monde civilisé! Enfin les Américains reprochent à ces insu¬ laires de donner des secours aux Indiens qui dévastent les frontières de l'Union; ils s'indignent des flétrissantes épithètes, des injurieuses qualifications qu'ils en reçoivent, ainsi que des diatribes des journaux officiels anglais (V. 24 décembre 1814).

Le général américain Bloomfield proclame, de son quartier général de New-Yorck, la guerre avec la Grande-Bretagne.

[ocr errors]

22 juin. Napoléon proclame, de son quartier général de Wilkowiski près de Gumbinen (Prusse orientale), la guerre avec la Russie. « Soldats, la seconde guerre de la Pologne est commencée. La première s'est terminée à >> Tilsitt; à Tilsitt, la Russie a juré éternelle alliance » à la France et guerre à l'Angleterre. Elle viole aujourd'hui ses sermens. La Russie est entraînée par

[ocr errors]
[ocr errors]
« ZurückWeiter »