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tait borné à lui parler de son système politique, cherchant à lui démontrer l'obligation où était la Suède de s'y soumettre. Le prince ayant répondu « qu'il igno>> rait complétement ce qui se passait en Suède en fait >> d'administration et de commerce, qu'il suppliait l'empereur de lui donner quelque temps pour recon» naître, par lui-même, jusqu'à quel point il lui serait possible de seconder ses vues. » — « Combien de » mois vous faut-il, reprit brusquement l'empereur? Jusqu'au mois de mai. » Je vous « l'accorde; » cette époque, prononcez-vous: ami ou ennemi. » Prenant ensuite le ton le plus amical, Napoléon promit au prince trois millions en indemnité de la cession de sa principauté de Ponte-Corvo et de ses dotations en Pologne, en lui laissant toutes ses autres propriétés; il lui fit remettre un million en or et lui permit d'emmener tous ses aides de camp.

à

Le prince partit plein de confiance en Napoléon ; mais son illusion ne dura pas long-temps. Même avant d'arriver en Suède, il apprit d'un de ses amis, qu'il savait être en grande faveur auprès de Napoléon (le duc de Frioul), que le jour même de son. départ, l'empereur lui avait dit : « Eh bien! le prince ne re» grette-t-il pas la France? - Oui, sans doute. - Et » moi, j'aurais été charmé qu'il n'eût pas accepté; >> mais que voulez-vous... Au reste, il ne m'aime pas. »> Sur la réponse du duc de Frioul à Napoléon, qu'il était dans l'erreur, et que le prince était franchement et cordialement revenu à lui depuis long-temps, l'empereur avait dit : « Nous ne nous sommes pas enten» dus, à présent il est trop tard, il a ses intérêts ; » ma politique et la sienne ne pourront facilement » s'accorder: » D'après d'autres avis qui parvenaient au prince, l'accueil qu'on lui avait fait sur tous les

lieux de son passage, celui surtout qu'il reçevait en Suède, les discours qu'on lui adressait, et les réponses qu'il avait faites, tout cela excitait le mécontentement de Napoléon. Les sentimens généreux et patriotiques développés par les orateurs des quatre ordres ne lui convenaient pas plus que ceux que le prince montrait dans ses réponses, et devenaient l'objet de ses sarcasmes; tels étaient les motifs qui le portèrent à adresser au cabinet suédois, lorsque le prince y arrivait à peine, des notes dont on connaîtra la sévérité et l'injustice', par la réponse que le prince eut à lui faire dès le quinzième jour de son entrée à Stockholm. Le prince royal de Suède à l'empereur Napoléon.

Stockholm, le 19 novembre 1810.

<< Sire, par ma lettre du 11 novembre, j'ai eu l'hon>> neur d'instruire votre majesté que le roi était prêt à » faire tout ce que les lois constitutionnelles lui per» mettraient pour arrêter l'introduction des marchan» dises anglaises. Le ministère s'occupait d'un règle>> ment très-sévère à ce sujet, lorsqu'une dépêche de » M. de Lagerbjelke est venu porter la douleur dans » l'âme du roi et déranger sa santé d'une manière bien » sensible. Cette dépêche nous prouvait à quel point » votre majesté était prévenue contre nous, puisqu'en »> nous donnant cinq jours pour répondre, elle nous >> traitait avec la même rigueur qu'une nation enne>> mie; et la note officielle remise par M. le baron Alquier n'a laissé à la Suède que l'affligeante alterna»tive, ou de voir rompre les liens qui l'unissent à » la France, ou de se livrer à la merci d'un ennemi >> formidable, en lui déclarant la guerre sans posséder » aucun moyen pour le combattre. En me décidant à » accepter la succession au trône de Suède, j'avais

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>> toujours espéré, sire, concilier les intérêts du pays » que j'ai servi fidèlement et défendu pendant trente » années avec ceux de la patrie qui venait de m'adop»ter à peine arrivé, j'ai vu cet espoir compromis, et » le roi a pu remarquer combien mon cœur était dou>> loureusement combattu entre son respectueux atta» chement à votre majesté et le sentiment de ses nou» veaux devoirs. Dans une situation si pénible, je n'ai » pu que m'abandonner à la décision du roi, et m'abs» tenir de prendre part aux délibérations du conseil » d'état. Le conseil ne s'est pas dissimulé, 1°. qu'un » état de guerre ouverte provoquée par nous, cansera » infailliblement la capture de tous les bâtimens qui » sont allés porter du fer en Amérique; 2°. qu'à la >> suite d'une guerre malheureuse, nos magasins sont » vides, nos arsenaux sans activité et dépourvus de » tout, et que les fonds manquent pour parer à tous >> les besoins; 3°: qu'il faut des sommes considérables » pour mettre à couvert la flotte, de Carlscrona et ré

parer les fortifications de cette place, sans qu'il y » y ait aucun fonds pour cet objet; 4°. que la réunion » de l'armée exige une dépense extraordinaire d'au » moins sept à huit millions, et que la constitution » ne permet pas au roi d'établir aucune taxe sans le >> consentement des états généraux; 5o. enfin, que le » sel est un objet de première et absolue nécessité en Suède, et que c'est l'Angleterre seule qui l'a fourni jusqu'ici. Mais toutes ces considérations, sire, ont disparu devant le désir de satisfaire votre majesté : >> le roi et son, conseil ont fermé l'oreille au cri de la » misère publique, et l'état de guerre avec l'Angle» terre a été résolu, uniquement par déférence pour » votre majesté, et pour convaincre nos calomniateurs que la Suède, rendue à un gouvernement sage et

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TOME VII.

» modéré, n'aspire qu'après la paix maritime. Heu»><reuse, sire, cette Suède si mal connue jusqu'à pré» sent,, si elle peut obtenir, en retour de son dévoue» ment, quelques témoignages de bienveillance de la >> part de votre majesté, qu'elle se plaît toujours à » considérer comme son protecteur et son appui. »

En ce qui concernait personnellement le prince, l'empereur annula toutes les promesses qu'il lui avait faites, lui enleva toutes ses dotations qu'il réunit à son domaine extraordinaire, rappela tous ses aides de L'un d'eux (le colonel Vilatte) était venu pour camp. recevoir les prolongations de congé; elles étaient expédiées et lui furent remises; il les avait en main mais avant qu'il ne fût sorti des bureaux de la guerre, on eut ordre de les lui reprendre, Accordant d'une main, et reprenant de l'autre, Napoléon ajoutait l'insulte à l'injustice: on eût dit qu'il cherchait à pousser le prince à bout. En vain çelui-ci s'étudiait à le détromper par le langage de la raison, et à le calmer par celui de la soumission; en vain chargea-t-il M. GentilSaint-Alphonse (son aide de camp, rentrant en France), porteur de sa réponse, d'expliquer à Napoléon dans quelle position le plaçaient, vis-à-vis de la nation suédoise, sa dignité et ses devoirs de prince royal et de fils adoptif de Charles XIII; en vain alléguait-il à Napoléon la constitution et les lois de la Suède comme un obstacle à l'exécution de ses volontés, c'était tenir à l'empereur un langage qu'il ne pouvait comprendre. Toutes ces raisons ne paraissaient à ses yeux qu'un mauvais subterfuge; ce ton soumis n'était que déception: aussi sa mauvaise humeur devint de la colère, et il ne prit pas même la peine de la dissimuler, car, en blâmant, au milieu de ses courtisans, la conduite que le prince royal tenait en Suède, il alla jusqu'à dire

qu'il pourrait bien lui faire terminer son cours de suédois à Vincennes.

Tandis que le prince royal se refusait à croire aux avis qui lui venaient, du château même des Tuileries, sur une telle menace, Napoléon songeait réellement à l'effectuer et à renouveler sur lui l'enlèvement du duc d'Enghien! On en acquit plus tard les preuves par la découverte d'un guet-apens, que des agens français avaient dressé pour saisir le prince royal aux environs de Haga et l'emporter sur un bâtiment qu'ils ténaient à la voile. L'attentat n'échoua que par un pur hasard 1.

En prodiguant les insultes, les outrages au prince royal, au roi et au gouvernement suédois, en les harcelant par des exigences toujours croissantes, Napoléon avait-il pour but de faire croire aux Suédois qu'il ne poussait si loin les choses que parce qu'il avait à Stockholm un de ses lieutenans? On serait induit à le penser, si l'on considère que, non content d'avoir forcé le roi de Suède à déclarer la guerre à l'Angleterre, contre les intérêts les plus évidens de son peuple, et sans nuls moyens pour la soutenir, Napoléon se plaint de ce que cette guerre n'est pas assez active, et refuse de rien fournir pour la rendre plus vive. Il envoyait, jusque dans les ports de la Suède, sous pavillon français, des espèces de forbans qui, insultant à la confiance du roi dans ses traités avec la

1 Un ancien aide de camp du duc de Raguse, M. de Salazar, qui、 avait quitté le service et s'était retiré en Angleterre, donna des renseignemens précis sur le projet d'enlèvement du P. R.; il s'ouvrit à ce sujet à un personnage illustre en Angleterre, et au baron de Réhausen, ministre de Suède à Londres, qui en informa aussitôt le comte d'Engestrom. M. de Salazar arriva à Orebro pendant la diete, et renouvela les déclarations qui avaient déjà été faites au barón de Réhausen et au comte d'Engestrøm,

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