Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

séjour aussi prolongé, annoncent que l'empereur prépare dans un silence magnanime l'inévitable destruction des confédérés.

Maintenant, bien plus despote que guerrier, il est plus attentif aux modifications de l'opinion, dans la capitale, qu'à l'approche des Russes et des Prussiens. Ses grandes appréhensions viennent des dispositions qu'il croit démêler dans les esprits : il n'a cédé qu'à la nécessité en recréant la garde nationale; et il prend toutes les précautions pour que cette force armée ne puisse, en aucun cas, s'opposer à la détermination du gouvernement. Les négociations des alliés à Francfort, en décembre dernier, ont obtenu l'effet qu'ils s'en promettaient : Napoléon, convaincu que ses ennemis ne passeraient pas le Rhin avant le printemps, calculait qu'il aurait au moins quatre mois pour ses préparatifs ; que ce délai suffirait pour établir une défensive militaire. Car son inflexible volonté de garder tout son pouvoir, la prévoyance des risques auxquels l'exposerait une levée en masse, et la crainte du réveil de la liberté, lui firent rejeter l'idée d'une défensive nationale. Il craindrait de confier, pendant son absence de Paris, le commandement de ce poste, le plus important de tous, à un militaire d'un caractère élevé, d'une haute réputation, et capable de se déterminer lui-même. L'empereur, après avoir régné dix ans entiers sans opposition, se tient néanmoins en garde contre le mérite de ceux de ses lieutenans qui se trouvent hors de sa vue. Il veut réunir dans ses mains les innombrables ressorts de l'administration; et cela, plus encore par jalousie de monarque, que par habitude de faire dominer son génie sur les facultés de ceux qu'il emploie. Il laisse donc à Paris son frère Joseph! La nullité politique et militaire, l'âme timide de

cet ex-usurpateur de l'Espagne, le rassurent sur sa conduite; également sûr de ses ministres, qui tous lui conviennent en raison de la souplesse de leurs talens et de leur inépuisable dévouement; bien persuadé de l'entière condescendance, ou plutôt de l'absolue servilité de son sénat conservateur, Napoléon part, en promettant d'accélérer son triomphe et son retour. La régence est conférée à l'impératrice.

Paris, cependant, reste sans défense et à la merci des troupes légères des alliés. Napoléon avait assemblé un comité de fortification; mais il ne lui confia que des détails d'exécution et n'adopta aucune de ses vues de défense : il est trop pénétré de l'immense supériorité de ses conceptions, pour adopter les avis des officiers les plus exercés de l'Europe.

Quant aux plans généraux, ses premières dispositions ont décelé son embarras et son ignorance des projets, des moyens et de la marche des ennemis. Toute son attention s'est d'abord portée sur la Belgique, car il n'a pas soupçonné qu'ils franchiraient cette chaîne abaissée qui sépare les bassins du Rhin et du Rhône; qu'ils pénétreraient par cette trouée où finissent les Vosges et le Jura; que la ligne d'opérations la plus favorable à leur offensive se trouvait sur ces points, puisqu'ils pouvaient acheter ou violer impunément la neutralité de la Suisse, et porter rapidement trois cent mille hommes au cœur de la France. Il s'est flatté d'arrêter, avec les seuls débris ramenés de Leipsick, les premiers efforts de la grande armée alliée et de l'armée de Silésie.

Remettant en œuvre ses vieux stratagèmes, il croit en imposer par un vain appareil. Il multiplie les dénominations principales de ses forces, il érige huit corps d'armée, commandés par autant de maréchaux:

mais ces corps sont des squelettes; les cadres nombreux sont vides de conscrits, attendu qu'on n'a pu effectuer des levées dans cette partie très-considérable du territoire de l'empire déjà envahie. Les maréchaux ont perdu sur leurs soldats l'ascendant de leur renommée. Les renforts, si hautement annoncés chaque jour, n'existent nulle part. Les corps des maréchaux Victor, Ney, Marmont, sont rejetés sur la rive gauche de la Marne moyenne, et leur retraite a été déterminée, plus encore par l'état déplorable des troupes, que par leur grande infériorité numérique : sans solde depuis six mois (un cinquième de traitement est retenu aux officiers employés, etc., à partir du 1er janvier 1814), sans distributions régulières, mal vêtues, à peine secourues des habitans que fatigue et désole leur séjour prolongé, elles cèdent au découragement. Les chevaux n'ont pu être ferrés à glace faute de fonds. Tout cela, non-seulement accuse l'imprévoyance de l'empereur, mais doit lui faire éternellement reprocher cette obstination à refuser des conditions de paix (V. 12 juillet, 2 décembre 1813), dans lesquelles les Français de l'ancienne France trouvaient la fin de leurs calamités; suivant lesquelles ils restaient en possession d'une partie de leurs conquêtes, ce prix de leur sang; et qui, leur offrant un avenir moins troublé, leur auraient fait supporter avec moins de regret quelques sacrifices de territoire.

La guerre continuant, sans doute il convenait de ne pas disséminer des forces très-inférieures, de l'Adriatique au Zuyderzée. Au lieu d'essayer de lier les détails d'un plan gigantesque, ne valait-il pas mieux évacuer tout-à-fait la Hollande, l'Espagne et même l'Italie, en laissant de bonnes garnisons à Mantoue, Alexandrie, Gênes, comme aussi dans Anvers? Alors,

on se mettait en état de rassembler cent mille hommes entre le Jura, les Vosges et le Morvan. Si ces forces n'avaient pas d'abord arrêté l'irruption de l'ennemi, elles en eussent émoussé la violence, ralenti les progrès! Mais en abandonnant un grand nombre de départemens, l'empereur divulguerait le secret de sa faiblesse; et sa vanité, blessée d'un tel aveu, préfère courir les risques d'une défaite totale, à déchoir de sa puissance. Vainement la fortune déploie-t-elle en sa faveur de grands moyens de conservation, il refuse d'exister comme souverain si sa puissance n'embrasse l'occident et le midi de l'Europe.

Les trois armées d'invasion occupent une ligne qui s'étend de Langres à Namur, sur un développement de soixante-dix lieues. Leurs masses, postées sur la Meuse et sur la Marne, sont en mesure d'agir sur Paris, tandis que les corps très-considérables du Prussien Bulow, en Belgique, et de l'Autrichien Bubna, dans le bassin du Rhône, sont destinés à favoriser l'opération principale, par des entreprises sur les flancs. Besançon et toutes les forteresses du Rhin sont bloquées.

En rétablissant plusieurs rouages de l'ancienne monarchie avec son arbitraire, Napoléon entendait qu'ils ne reçussent d'impulsion que de la volonté personnelle du chef de l'état. En conséquence, et pour faire revivre les traditions, il avait mis beaucoup d'hommes d'autrefois, non-seulement en possession d'emplois supérieurs ou secondaires, mais aussi des dernières places de l'administration municipale; de sorte que leur influence actuelle est considérable dans les campagnes, comme dans les villes l'empereur avait en outre l'espoir de s'en faire des auxiliaires, ne doutant pas que ses nombreux bienfaits ne parvinssent à dissiper leurs regrets, et que, réintégrés dans

les honneurs du palais, ils ne désireraient plus l'ancienne cour! Il n'appréhendait de leur part aucune tentative décidée vers un changement politique, parce qu'il jugeait à merveille, et l'insuffisance de leurs moyens, et leur avilissement, et leur incapacité, et leur défaut d'énergie, pour tramer une conjuration: mais, tout en se défiant de la sincérité de leur résignation, il se doutait peu de leur habileté dans l'art des petites combinaisons secrètes et pour nouer des intrigues dans l'ombre! D'ailleurs, il redoutait avant tout la réapparition des républicains et des principes démocratiques; on voyait que cette appréhension ne cessait de tourmenter son esprit. La résistance inattendue du corps législatif (V. 28 décembre 1813), dont il était d'autant plus vivement offensé, qu'elle contrastait avec les basses déférences du sénat ; cette résistance lui semblait le résultat de menées démocratiques dirigées contre sa toute-puissance; il voyait les députés Raynouard, Laîné, comme des puritains en démagogie depuis long-temps persuadé qu'il ne trouverait d'opposition que dans ceux qui prirent une part quelconque au mouvement des idées populaires et qui ne transigèrent jamais avec les principes monarchiques, il les avait soigneusement écartés, ou bien rejetés dans des fonctions circonscrites et spéciales. Les coalisés qui, d'abord, hésitèrent à franchir le Rhin, voyant aujourd'hui cette désapprobation très-prononcée du corps législatif, et bien informés des dispositions des hommes que leurs souvenirs rattachent à l'ancien régime, ne doutent pas d'être aidés par l'un et l'autre de ces deux partis si dissemblables; ils se déterminent, d'après ces indices, à porter leurs armes dans l'intérieur, et même dans l'ancienne France!

Les maréchaux Marmont, Ney, Victor arrivent sur

« ZurückWeiter »