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Les deux gardes impériales font partie de ce total, ainsi que les renforts en marche; mais les gardes nationales urbaines, rendues mobiles (V. le 17), n'y sont pas comprises. Dans les cent vingt mille hommes dont se compose la grande armée, il y a moitié d'anciens soldats ou ayant fait la dernière campagne. Les garnisons de Wesel, Dusseldorf, Mayence, Landau et Strasbourg, entrent aussi dans ce nombre, et doivent venir en déduction des forces agissantes.

En comparant ces deux tableaux, dressés suivant les documens les moins incertains, on est à même de préjuger l'issue de la campagne qui s'ouvre. Les corps français n'ont encore reçu qu'une organisation trèsincomplète; leurs rangs se composent aux deux tiers de conscrits enlevés avant l'âge, et peu faits au maniement des armes la nation reste immobile à la vue des ennemis qui s'avancent de tous les points de l'horizon ! Il n'y a plus de patrie, parce qu'il n'y a plus de liberté ! En vain le despote voudra soulever cette nation, espérera dans sa fierté, dans son enthousiasme; on ne reverra pas cet élan rapide, universel de 1793 il s'attacha trop long-temps à comprimer tous les sentimens généreux qui font le citoyen': la nation sera spectatrice des sanglantes mêlées qui auront lieu sur son territoire inondé les armées européennes! Ce rempart d'airain, dont s'énorgueillissait l'ancienne France, ce double et triple rang de forteresses au nord et à l'est, si ferme autrefois, ne peut plus briser l'impétuosité des envahisseurs (V. 2 novembre, 21 décembre).

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par

Quels rapprochemens présente la conclusion des campagnes de 1812, de 1813! Au mois de novembre 1812, la ligne des Français en retraite commençait à Dantzick et à Modlin, suivait plusieurs places

sur l'Oder, sur l'Elbe, sur le Weser, se prolongeait par Erfurt, Wurtzbourg, et se terminait au Rhin. Une campagne offensive mal conçue, et prolongée en dépit de toutes les saines notions de la politique et de la stratégie, a fait perdre et l'avantage.de ces positions, et les ressources des nombreuses garnisons qui y ont été laissées : cette campagne a sacrifié trois cent mille soldats qui, joints aux nouveaux renforts, eussent offert, sur les limites de l'empire français, une force inexpugnable!

Ce qui, surtout, a perdu Napoléon, c'est la honte de paraître céder, parce qu'il avait manqué son plan : il s'accoutuma, le plus tard qu'il put, à cette idée! Il revient en France, annonçant que les ennemis n'oseront dépasser la frontière; et plus il l'a dit, plus il se complaît à le dire. Dans cette affectation à soutenir une opinion aussi peu vraisemblable, il entre plus de présomption, peut-être, que de crainte d'exposer son pouvoir, en alarmant la nation, quoique cette crainte soit très-visiblement marquée.

C'est à l'invasion, à la désolation de la France, qu'aboutissent les gigantesques desseins de cet homme insatiable de domination. Né dans une condition obscure, il est élevé au rang suprême; ce n'est pas assez : il prétend que l'univers tombe à ses pieds, et que les rois deviennent ses courtisans ; les rois deviennent ses courtisans, ses esclaves, et il n'est pas encore rassasié d'orgueil!..... Il a dit au moment de sa première entrée à Vienne (novembre 1805): « C'est pour la >> dernière fois que les gouvernemens européens appel» leront de si funestes secours.......... D'ici à cent ans, » il ne sera, en Autriche, au pouvoir d'aucun prince » d'introduire des Russes dans ses états. » Et c'est lui-même qui livre la France au Valaque barbare, au

Cosaque farouche, au hideux Kalmouck, à l'automate Prussien, au mercenaire Anglais !

En établissant sa puissance par les armes, il n'a pas habilement usé de la terreur qu'inspiraient ses victoires : il a voulu frapper et frapper sans relâche, au lieu de frapper rarement, avec mesure, en menaçant davantage. L'épée de Damoclès glace la résolution de celui qui la voit suspendue sur sa tête, quoiqu'elle ne se détache jamais. Dans les belles années de son règne, Louis XIV employa ce ressort politique : Frédéric de Prusse lui dut une partie de son ascendant. Aguerrir les petits peuples voisins de la France, et rendre leurs armées nombreuses et savantes, n'était-ce pas exposer sa prépondérance militaire? Napoléon eût agi bien mieux dans ses intérêts, s'il n'eût permis à tous les princes ses vassaux, que d'entretenir les troupes nécessaires à la police de leurs états; s'il en eût exigé des tributs modérés; et si, en leur laissant leurs lois, il eût formé sur leurs frontières des colonies armées, à la manière des Romains. Ces conseils d'une politique éclairée et sûre lui ont été soumis à diverses reprises; il les a dédaignés. Aujourd'hui, ces peuples retombent sur leur oppresseur, avec les moyens que lui-même leur laissa ou leur donna, avec la science militaire dans laquelle il les instruisit: comment les repoussera-t-il ?

Possédé par une seule idée fixe, Napoléon commit des fautes qu'aurait évitées un esprit moins ardent, une âme faiblement sensible aux maux de l'espèce humaine : son but unique, invariable, était l'Angleformidable barrière à sa domination universelle; c'est l'Angleterre qu'il voulait atteindre à Lisbonne, à Madrid; à laquelle il voulait faire perdre sa dernière ancre sur le continent, lorsqu'il portait la guerre en

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TOME VII.

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Russie. Tenant à ses plans avec une inébranlable pertinacité, il lui importait peu que de vastes contrées, que des millions d'habitans en devinssent les victimes; et, dans le cours de ces guerres qui détruisaient le repos et le bonheur des peuples étrangers, l'égoïsme national, desséchant l'âme des Français, faisait voir avec indifférence ce déluge de maux, avant-coureurs de leurs proprés désastres.

Le jour arrive où leur enchantement cessera ; leurs yeux ne sauraient être dessillés que par d'excessives infortunes, d'innombrables revers à la veille d'éprouver les atteintes du sort, ils jugeront enfin les desseins de celui qui, si long-temps, fit leurs destinées, et, se rappelant sa vie entière, ils verront, en dernier résultat, à quel point il fut peu digne de tant de sacrifices!

Ombrageux à l'égal de Tibère et de Louis XI, tantôt faisant parler les lois comme le premier, tantôt les faisant taire comme le second, Napoléon introduit un système d'espionnage universel qui absorbe une partie de l'activité des administrateurs : toute idée libérale est proscrite, toute voix indépendante est étouffée; le silence de la servitude plane sur cette ancieńne France, habitée par une des nations les plus éclairées et les plus spirituelles; la flatterie seule s'y fait entendre, et déguise à force d'imposture l'état de cette belle contrée : quel sera le résultat d'un tel système d'oppression, de violation des libertés nationales? Napoléon et sa race tomberont: Il en sera toujours ainsi un chef de gouvernement, quel qu'il soit, disposât-il d'une force militaire des plus redoutables et de tous les trésors d'un état, sera tôt ou tard renversé du trône, si la nation est opprimée et dépouillée de ses droits constitutionnels, si le despotisme asservit la

liberté de la presse, si le droit qu'ont les citoyens de publier et de faire imprimer leurs opinions est violé sans pudeur et malgré les statuts fondamentaux, si la liberté et la propriété des sujets sont sans cesse menacéés par les actes arbitraires des administrateurs de la puissance publique !

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Quel fut, au dehors, la conduite de cet oppresseur? Un tissu de perfidies. Tous les vétérans de la patrie ont péri dans les guerres que rallume, depuis dix ans, son ambition; la jeunesse est annuellement moissonnée, ainsi que les récoltes des champs. L'éclat des victoires, obtenues par la valeur des Français qu'il a dirigés, produit et soutient un dangereux prestige: Napoléon le dissipe à force d'orgueil, et son bonheur reste son seul mérite dans ses derniers succès. D'alliés fidèles, il n'en a point; il n'a que des courtisans couronnés. Il a trompé, foulé, humilié tous ceux qui se confièrent à sa foi, à sa bénignité, à sa puissance; tous aspirent à secouer cé joug de vasselage qu'il décore du nom d'alliance. L'ancienne France est envahie, et le conquérant vaincu parle encore de conquêtes, de grand empire; il ne cesse de promettre à ses soldats abusés les dépouilles de ces régions lointaines, dont les nombreuses cohortes ont déjà franchi nos frontières laissées sans défenses. Voilà le despote de l'Europe et de la France; il est jugé d'après ses actes.

Comment la nation la plus impatiente, la plus amoureuse de changemens, la plus hasardeuse, qui, au temps de la Jacquerie, des Maillotins, de la Sainte Ligue, dans mille et mille soulèvemens de provinces, comme au début de sa révolution générale, et toujours enfin, s'élança si fougueusement vers la liberté ou ses trompeuses apparences; comment cette nation restet-elle soumise, passivement soumise et sans murmure,

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