Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Le complot avait pour organes indirects de ses actions le journal le Tribun du Peuple et l'Éclaireur (a).

L'arrêté révolutionnaire des conjurés contenait entre autres articles, ceux-ci :

1o Le peuple est en insurrection contre la tyrannie.

2o Le but de l'insurrection est le rétablissement de la constitution de 1793, de la liberté, de l'égalité et du bonheur commun.

3o Aujourd'hui, dès l'heure même, les citoyens et les citoyennes partiront en désordre de tous les points et sans attendre le mouvement des quartiers voisins qu'ils feront marcher avec eux. Ils se rallieront au son du tocsin et des trompettes, sous la conduite des patriotes auxquels le comité insurrecteur aura confié des guidons portant l'inscription suivante : Constitution de 1793; égalité, liberté, bonheur commun. D'autres guidons porteront ces mots : Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs; ceux qui usurpent la liberté, doivent être mis à mort par les hommes libres. Les généraux du peuple seront distingués par des rubans tricolores flottant très-visiblement autour de leurs chapeaux.

.... 6. Les barrières et le cours de la rivière seront soigneusement gardés. Nul ne pourra sortir de Paris sans un ordre formel et spécial du comité insurrecteur. Il n'entrera que les courriers, les porteurs et conducteurs de comestibles, auxquels il sera donné protection et sûreté.

7° Le peuple s'emparera de la trésorerie nationale, de la Monnaie, de la poste aux lettres, des maisons des ministres et de tout magasin public ou privé contenant des vivres ou des munitions de guerre.

8° Le comité insurrecteur de salut public donne aux légions sacrées des camps environnant Paris, qui ont juré de mourir pour l'égalité, l'ordre de soutenir partout les efforts du peuple.

.... 10° La convention se réunira à l'instant et reprendra ses fonctions. 11o Les deux Conseils et le directoire usurpateur seront dissous : tous les membres qui les composent seront immédiatement jugés par le peuple.

.... 14° Il est ordonné à tous envoyés des puissances étrangères de rester dans leur domicile durant Vinsurrection; ils sont mis sous la sauve-garde du peuple.

15 Des vivres de toute espèce seront portés au peuple sur les places publiques.

16' Tous les boulangers sont en réquisition pour faire continuellement du pain qui sera distribué gratis au peuple; ils seront payés sur leur déclaration.

Il fant lire, sur la conspiration de Babœuf, l'ouvrage publie en 1828 a Bruxelles, par Ph. Buonarott!

17o Le peuple ne prendra de repos qu'après l'entière destruction du gouvernement tyrannique.

18° Tous les biens des émigrés, des conspirateurs et de tous les ennemis du peuple, seront distribués sans déiai aux défenseurs de la patrie et aux indigents. Les indigents de toute la république seront immédiatement logés et meublés dans toutes les maisons des conspirateurs. Les effets appartenant au peuple, déposés au Mont-de-Piété, seront sur-le-champ gratuitement rendus. Le peuple français adopte les épouses, les enfants des braves qui auront succombé dans cette sainte entreprise; il les nourrira et entretiendra; il en sera de même à l'égard de leurs pères et mères, frères et sœurs, à l'existence desquels ils étaient nécessaires Les patriotes proscrits et errants dans toute la République recevront tous les secours convenables pour retourner dans le sein de leurs familles. Ils seront indemnisés des pertes qu'ils auront souffertes... etc., etc. (a).

D'autres pièces annonçaient qu'il fallait tuer les cinq; les sept ministres : le général de l'intérieur et son état-major; le commandant temporaire et son état-major.

Gracchus Babeuf voulait rétablir les choses au point où elles en étaient le 8 thermidor an II (b.

:

Il avait écrit au Directoire, en lui demandant de traiter avec lui de puissance à PUISSANCE. Mais le directoire avait passé outre. Le public interpréta la lettre de Babeuf du mauvais côté, comme une sorte de demande en grâce. Il est vrai qu'on y lisait « Les patriotes ne vous haïssent pas, ils n'ont haï que vos actes impopulaires, je vous donnerai aussi alors (si vous gouvernez populairement), pour mon propre compte, une garantie aussi étendue que l'est ma franchise perpétuelle. Vous savez quelle mesure d'influence j'ai sur cette classe d'hommes; je veux dire les patriotes; je l'emploierai à les convaincre que si vous êtes peuple, ils ne doivent faire qu'un avec vous. » Cette lettre, le Directoire, malicieusement, la publia, et la fit imprimer dans tous les journaux de Paris, dès le 23 mai.

Egalité réelle! bonheur commun! fraternité! Ces mots-là pouvaient bien encore surexciter quelques têtes ardentes, mais l'esprit des masses n'était plus là. Les projets de Babeuf en devaient rester à l'état de conspiration. Les armées de la république française occupaient seules l'attention du peuple. Point de famille qui n'eût un parent aux frontières; et nous savons,

en outre, que nos soldats avaient entrepris une guerre offensive sur presque tous les points. La vertu républicaine par excellence, maintenant, n'était ni l'unité, ni l'égalité, ni la fraternité, ni l'indivisibilité, c'était l'Héroisme.

(a) Pièce saisie chez Babeuf.

b) Pièces relatives a la conspiration de Babenf,

[graphic][merged small]

Madame Tallien, Notre-Dame de Thermidor, était éclipsée par la citoyenne Bonaparte, Notre-Dame-des-Victoires.

On ne connaît qu'une seule estampe, abominablement faite, ayant trait à la conjuration de Gracchus Babeuf. Elle constata la victoire du directoire sur les conspirateurs. « La France, sous la forme d'une mère nourrice, jeune et vigoureuse, admire l'harmonie de sa constitution, des autorités établies et des départements. L'anarchie, furieuse et jalouse, conseillée par un serpent astucieux va plonger ses poignards dans le sein de la patrie. Mais le génie défenseur de la république, l'arrête dans ses fureurs (b). »

Les secousses politiques, ainsi qu'on le voit, ont singulièrement dégénéré. D'abord elles ont été des mouvements révolutionnaires, puis des insurrections, enfin, de simples conjurations n'arrivant jamais à terme. Bientôt viendra le temps des coups d'état, encore moins terribles, mais beaucoup plus effectifs que les conjurations.

Le gouvernement fit le procès aux babouvistes arrêtés. La haute-cour de justice, siégeant à Vendôme, instrumenta. Les accusés étaient nombreux : au milieu d'eux figuraient Vadier, Amar, Chaudieu, Ricord. Antonnelle, Drouet, Babeuf, Buonarotti, Laignelot, Rossignol, etc.

Rien n'est plus curieux que de prendre connaissance de ce qu'a dit la presse contemporaine, touchant la conspiration de Babeuf.

Des journalistes assurent que les auteurs du complot sont « des forcenés jacobins, de vrais buveurs de sang, » et que « ce fait expliquera peut-être les

(a) Cabinet de M. Maurin.

(b) Cette estampe est si détestable qu'il nous est impossible de la reproduire.

vols, les assassinats, les brigandages qui se renouvellent chaque jour; l'argent est le nerf des conjurations.... » (a).

D'autres assurent que « ce sont les forcenés royalistes; c'est le prêtre désespéré, furieux, l'œil étincelant de vengeance... C'est le noble ou l'émigré rentré.... C'est le faux patriote, pétri d'orgueil, farouche par ambition, féroce par calcul, destructeur par principes, etc.... qui ont conspiré, et qui conspireront toujours (b). »

Selon quelques-uns, « ce sont des factieux royalistes, qui sous le voile de la démagogie, veulent ramener à la monarchie par l'anarchie (c). »

Selon quelques autres, « l'intrigue et l'or de l'étranger, ont contribué à cet orage (d). »

Selon d'autres, « les conspirateurs sont des brigands rassemblés dans Paris, réunis aux royalistes et aux anarchistes (e). »

Il en est qui font des conjectures plus spéciales; ils disent : « C'est la faction impie et scélérate de d'Orléans qui, de nouveau réunie aux Jacobins pour et par le crime, s'apprêtait à relever le trône sur les ruines sanglantes de la république (f). »

Le Journal des hommes libres s'écrie: « Vous parlez de conspiration!... mais... Paris est très-calme; il ne paraît pas que les alarmes soient proportionnées à la grandeur des dangers qu'a annoncés le directoire dans sa proclamation... >>

Un journal annonce « que Babeuf a avoué, avec audace, les principes consignés dans ses journaux, qu'il a déclaré qu'il voulait extirper toutes les tyrannies qui pesaient sur la France et rétablir la constitution de 93, la seule qui fût démocratique, et convint à un peuple libre (g). :

[ocr errors]

Enfin, on remarque ces paroles d'un journaliste : « On ne m'ôtera pas de la tête que ce Babeuf est un royaliste (h). »

Ainsi, partout l'entreprise était condamnée, comme terroriste par les amis du gouvernement, comme royaliste par les républicains, et, par certaines gens, comme tentée à l'instigation des puissances étrangères.

Partout, d'ailleurs, on s'occupait de fêtes et de guerres. On avait célébré, le 29 avril, la fête des époux; et puis, le Vendéen Charrette, exécuté à Nantes (i), avait, en mourant, laissé l'armée royale dans un état presque désespéré. Une

'a) Le Courrier universel du 23 floréal.

b) Le Bonhomme Richard.

(e) Le Rédacteur.

(d) L'Ami des lois.

e) Journal des défenseurs de la patrie.

f) Le Gardien de la constitution.

y) Nouvelles politiques.

(h) La Sentinelle.

(1) 29 mars.

insurrection, fomentée dans le Berry par les royalistes, avait été pacifiée dans le courant d'avril. Bonaparte, récemment nommé général en chef de l'armée d'Italie, avait remporté de grandes victoires : c'était lui l'homme des admirables proclamations et qui prenait empire sur l'esprit de ses soldats. Il a le langage des conquérants, vif et brillant comme la poudre enflammée. A Montenotte et à Millesimo, à Mondovi et à Lodi, il a été vainqueur, et les colonnes des journaux officiels commencent à tirer leur principal intérêt des rapports qu'il envoie au directoire. Il a forcé le pape à payer vingt-et-un millions à la France, et à envoyer cent tableaux, vases ou statues au choix des vainqueurs, Il ramènera le numéraire. Bientôt les assignats cesseront complétement d'avoir cours. Comment procède le directoire? Après avoir fait rendre un décret portant peine de mort contre les provocateurs à l'anarchie et à la royauté (a), et une loi contre les délits de la presse, défendant d'imprimer aucuns journaux, gazettes, ou autres feuilles périodiques que ce soit, de distribuer aucun avis dans le public, d'imprimer ou de placarder aucune affiche qui ne portent le nom de l'auteur (b); après s'être ainsi mis en garde contre les révolutionnaires, il se préoccupe entièrement de nos succès extérieurs, et célèbre, le 29 mai, 10 prairial, la fête de la reconnaissance et des victoires. Elle eut lieu dans le Champ-de-Mars.

Deux lions, symboles de la force, du courage et de la générosité, étaient à l'entrée de la plate-forme qui avait été disposée pour la cérémonie et qui était entourée de canons. On y voyait quatorze arbres auxquels étaient attachés les trophées et les drapeaux des quatorze armées dont les noms étaient inscrits sur des boucliers. Les distances entre les arbres étaient remplies par des enseignes militaires, liées ensemble par des guirlandes en forme de festons.

Pauvre Liberté! Sur un piedestal était placée la statue de la Liberté. que venait-elle faire là? On l'avait assise sur des trophées d'armes; d'une main elle s'appuyait sur la Charte constitutionnelle (c); de l'autre elle soutenait une baguette surmontée du bonnet de Guillaume Tell. Quatre trépieds antiques étaient autour et servaient à brûler des parfums. Derrière elle s'élevait un arbre immense auquel étaient appendus les drapeaux pris à l'ennemi. Des deux côtés, à trente pieds de distance, étaient des Victoires, sous la figure de Renommées, chacune d'elles tenant à la main une palme ornée de couronnes, chacune d'elles embouchant la trompette guerrière. Au-devant, s'élevait un autel couvert de couronnes de chêne et de lauriers.

Puis des tentes sur les talus du Champ-de-Mars, et une multitude d'arbres décorés de flammes tricolores, et parmi lesquels on en distinguait supportant

[blocks in formation]
« ZurückWeiter »