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trompée cette confiance, si le peuple ne se laisse plus entraîner aux suggestions perfides des royalistes qui renouent leurs trames, des fanatiques qui embrasent sans cesse les imaginations, et des sangsues politiques qui calculent toujours sur nos misères.

« Elle ne sera pas trompée, si le peuple n'attribue pas aux autorités nouvelles des désordres amenés par six ans de révolution, qui ne peuvent se réparer qu'avec le temps; elle ne sera pas trompée, si le peuple se rappelle que, depuis plus de trois ans, chaque fois que les ennemis de la République, profitant du sentiment de nos maux, ont exaspéré les esprits, et occasionné des mouvements, sous prétexte d'en diminuer le poids, ces agitat ons n'ont en d'autre effet que d'augmenter le discrédit, et d'éloigner la reproduction et l'abondance, qui ne peuvent être que le fruit de l'ordre et de la tranquillité publique.

<< Français, vous n'entraverez pas un gouvernement naissant; vous n'exigerez pas de lui, dès son berceau, tout ce qu'il peut faire quand il aura acquis toute la vigueur dont il est susceptible: mais vous seconderez avec sagesse les efforts toujours actifs et la marche imperturbable du directoire exécutif vers le prompt établissement du bonheur public; et bientôt vous assurerez irrévocablement, avec le titre glorieux de républicain, la paix et la prospérité nationale (a). »

Le directoire se posait en redresseur de torts de la révolution.

Les deux conseils commencèrent, à cet effet, les travaux de leur première législature. Au lieu de cartes, on distribua des médailles aux représentants du peuple. Il y aurait à croire, en vérité, que les deux conseils étaient annulés quant à l'influence. Sur les médailles de leurs membres, nous ne voyons plus même la liberté ni la justice.

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Ces médailles changèrent de forme à chaque législature.

Le gouvernement directorial entra en fonctions au moment où le louis d'or valait à la bourse 3,050 francs en assignats. La dépréciation du papier

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monnaie était extrême. Il fut fait un emprunt de six cent millions sur les citoyens aisés (a), avec clause que « les assignats ne seraient reçus que pour un centième de leur valeur nominale. »> On demanda par message au conseil des cinq cents 3,000,000,000 en assignats.

50 millions étaient demandés pour le ministre de la justice.

900 millions pour le ministre de l'intérieur, « y compris ce qui était relatif aux achats de grains, comme suite naturelle de ses attributions. »

100 millious pour les dépenses ordinaires, extraordinaires et secrètes du directoire exécutif.

Un milliard cent millions pour le ministre de la guerre.

600 millions pour le ministre de la marine et des colonies. 50 millions pour le ministre des relations extérieures (b).

C'était par besoin urgent que les directeurs s'y étaient décidés. Une des premières mesures honorables de ce gouvernement fut l'échange de la fille de Louis XVI, contre les conventionnels Lamarque, Camus, Quinette et Bancal, et l'ex-ministre Beurnonville, livrés aux Autrichiens par Dumouriez c). La négociation pour cet objet, avait été longtemps secrètement entretenue avec l'Autriche, et il est présumable qu'il en avait transpiré quelque chose dans le public, car on chantait dans beaucoup de salons cette romance de Lepitre, officier municipal :

Calme-toi, jeune infortunée,
Bientôt ces portes vont s'ouvrir;
Bientôt, de tes fers délivrée,
D'un ciel pur tu pourras jouir;
Mais en quittant ce lieu funeste,
Où régna le deuil et l'effroi,
Souviens-toi du moins qu'il y reste
Des cœurs toujours dignes de toi.

Le 19, le ministre de l'intérieur alla prendre Mademoiselle au Temple, où elle était enfermée depuis trois années, et la conduisit jusqu'aux voitures qui devaient la transporter à Bâle; la princesse portait, pendant le voyage, le nom de Sophie. L'échange s'opéra au bourg de Richen, à une lieue de Bâle.

Ce fut le dernier acte important de l'année 1795, dont le tableau général mérite à tous égards d'être présenté au lecteur.

L'année 1795 avait été tout entière réactionnaire. Les sciences et les arts avaient fait d'immenses progrès. La fameuse Décade philosophique était en cours de publication, ainsi que le Bulletin de littérature, des sciences et des arts. Thomas Payne, Volney, Dumarsais, avaient écrit leurs principaux ou

(a) Loi de finances du 10 décembre.

(b) Moniteur universel.

(e) Voir tome I, au mois d'avril 1793.

vrages. Qu'on juge jusqu'à quel point la révolution paraissait déjà un fait accompli, hors de toutes les atteintes! Les Mémoires sur l'orageuse époque commençaient à paraître. Dumouriez, Garat et madame Roland en avaient appelé à la postérité du jugement de leurs contemporains.

Les voyages et les études historiques occupaient une place importante dans la littérature.

Cambacérès avait déjà rédigé un projet de Code civil.

Au théâtre, Picard, Joseph Chénier, Arnault et Marsollier, tenaient le sceptre de la comédie et de la tragédie. Les musiciens Méhul, Gossec, Berlon, Catel, attiraient la foule aux spectacles lyriques. Au reste, on jouait bien encore des pièces patriotiques, telles que Viala ou le héros de la Durance, Encore une victoire, Quintus Cincinnatus, eto.; mais l'énergie et la fougue révolutionnaires s'étaient amorties.

Aux approches du directoire, il était bien naturel qu'on représentât des pièces joviales, la Perruque blonde, de Picard, qui débutait dans la carrière; la Pauvre femme, de Marsollier, et la Supercherie par amour, de Davrigny. Cela faisait transition des comédies jacobines aux comédies guerrières. Le théâ tre est véritablement le miroir d'une époque; c'est une sellette où chaque génération vient montrer ses défauts, ses qualités ou ses ridicules.

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Somme toute, la littérature, proprement dite, a étendu son cercle. Les chansons ont grandi jusqu'aux romances; les pamphlets ont fait place aux voyages; les Revues, les Magazines l'ont emporté sur les feuilles spécialement politiques. Parmi ces dernières, nous citerons : l'Ami de la convention, contre les jacobins; l'Ami de la constitution; l'Ami des lois, avec cette épigraphe : Nul n'est homme de bien s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois; l'Éclaireur, ou le défenseur de vingt-cinq millions d'opprimés; — le Courrier des deux conseils ; — le Journal de la liberté de la presse; le Journal des droits et des devoirs de l'homme; -le Linx français;- la Trompette du père Bellerose; le Ventriloque, ou le Ventre affamé, journal royaliste (a); -le Journal des Incroyables, ou les hommes à parole d'honneur; - le Journal des Paresseux ; · le Libre penseur ; le Journal des Rieurs, ou le Démocrite français, avec cette épigraphe :

Rire de tout c'est ma folie,

Rira bien qui rira le dernier.

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En brochures il faut remarquer les Sermons républicains du premier apôtre de la Raison, par Pithou; les Voyages du petit furet patriote, et les Crimes de Marat et des égorgeurs, par Maton (b).

Des écoles centrales avaient été créées pour l'enseignement des sciences et

(a) Bibliographie de M. Deschiens.

Bibliothèque de M. Pixérécourt.

des arts dans toute l'étendue de la république (a); l'École polytechnique, avait été instituée sous le nom d'École centrale des travaux publics, et on y avait nommé pour premiers professeurs Monge, Lagrange, Prony, Fourcroy, Ilassenfratz, Chaptal, Guyton-Morveau, Bertholet et Vauquelin,-pléiade de savants, qui devaient former des phalanges de héros (b). Le Conservatoire de musique (c), et l'Institut des sciences et des arts (d), avaient été fondés.

Depuis la journée de Vendémiaire surtout, les esprits étaient pleins de joie. Les hommes paisibles avaient vu avec plaisir établir dans Paris douze municipalités, et la promulgation de la loi de la grande police; les dévots avaient applaudi au décret qui accordait le libre exercice des cultes; les économistes admiraient autant l'adoption de l'uniformité des poids et mesures que la création du grand-livre; les propagandistes proclamaient partout l'alliance de la république française avec la république batave, et songeaient aux beaux résultats qu'elle pouvait amener. Il est vrai qu'au-delà du Rhin, nos nouveaux alliés avaient célébré, à ce propos, une fête de tous points flatteuse pour la France (e); les patriotes modérés, sincères, sinon malins, -- auguraient de douces choses de l'accord qui régnait entre les deux conseils et le directoire; le parti de Babœuf, aussi bien que les amis de Tallien eux-mêmes, les premiers, descendants des maratistes en droite ligne; les seconds, girondins au petit pied, espéraient en l'avenir; les royalistes, enfin, se réjouissaient de voir le gouvernement républicain confié à des mains peu habiles, tandis que Mademoiselle était délivrée de prison, et que sa majesté Louis XVIII se proposait de commander en personne l'armée royale, dite des mécontents.

A coup sûr, l'année 1796 promettait d'être tranquille : toutes les nuances de parti allaient sommeiller au bruit des grelots et des fêtes. Il y avait alors tant de partis ou de factions en France, qu'il était difficile qu'un d'entre eux l'emportât sur les autres. Il y avait :

Les accapareurs ou affameurs, gens qui spéculaient sur la misère publique, et visaient au renchérissement des denrées de première nécessité;

Les alarmistes, qui répandaient avec empressement les mauvaises nouvelles, réelles ou fausses;

Les avilisseurs, qui affectaient du mépris pour les actes et les hommes du gouvernement républicain, et pour les armées françaises;

Les babouristes, partisans des doctrines de Baboeuf, dont nous parlerons: Les chouans, qui attaquaient les passants sur les grandes routes de Bretagne et de Vendée;

(a) Décret du 28 février.

b) Cette fondation date du 21 mars,

c) Décret du 3 août.

(d Décret du 25 octobre.

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En 1795. La gravure est étrangère. La rue de Valois-Saint-Honoré prit le nom de rue Batave

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