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passé sous le niveau de l'égalité, en empruntant aux halles leur style et leurs dictons; ou bien en inscrivant au titre de leurs feuilles des maximes, nous ne dirons pas seulement anti-sociales, mais même pleines d'orgueil, d'ambi tion et de vengeance.

Plus d'un soldat est mort sous la tranchée qu'il avait pratiquée; plus d'un journaliste s'est suicidé avec son journal. Sans parler de Marat, sur qui ses discours à la tribune ont pu attirer le couteau de Charlotte Corday; sans parler d'André Chénier, que certains articles insérés dans le Journal de Paris ont mené à l'échafaud; de Duquesnoy, qui rédigeait l'Ami du Roi, etc., il suffit de nommer Hébert, autrement dit le père Duchesne. Hébert avait adopté le langage des halles dans sa nudité la plus impudique. Sa popularité semblait hors de toute atteinte. 11 allumait ses fourneaux, et toutes les classes infimes, pour parler son langage, venaient se chauffer au feu de sa cuisine. Il était lu avidement, avidement écouté. Ses bougre, bougrement, etc., étaient passés en proverbe, et les rues retentissaient des imprécations de sa colère ou des éclats de sa joie. Les contre-révolutionnaires l'ont tenu pour l'homme le plus dangereux de l'époque, parce qu'il écrivait pour les masses, et parce qu'il avait sur elles une influence dont on se ferait difficilement idée. Ils ont personnifié Hébert et son œuvre, ils lui ont assigné sa part dans les excès commis par la république (a.

Hébert est mort dévoré par l'incendie qu'il avait allumé, et que sa popularité ne suffisait pas pour éteindre. Le père Duchesne restera comme type des journalistes orduriers de la révolution, non pas qu'il ne se trouvât parfois d'excellents raisonnements dans sa feuille, mais surtout à cause de son style. Il a eu beaucoup d'imitateurs, comme on s'y attendait bien, sans qu'aucun n'ait pu le suivre, même à une longue distance.

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Parmi les journaux sérieux, il faut citer les Révolutions de Paris, par Prudhomme, et les Révolutions de France et de Brabant, par Camille Desmoulins. Ce sont deux feuilles révolutionnaires par excellence, écrites avec énergie et enthousiasme. Il faut citer le Défenseur de la Constitution, par Robespierre, qui y expliquait indirectement son système dictatorial; le Journal des Débats du club des Jacobins, devenu depuis, successivement, Journal de l'Empire et Journal des Débuts, faisant l'apologie du parti des hommes d'action, et caressant à plaisir l'œuvre de propagande; les An nales patriotiques de Carra, chronique des faits, avec quelques réflexions inspirées par l'esprit girondin. Le Moniteur et le Journal de Paris continuaient à parcourir leur carrière et s'assuraient une existence bien longue, en se faisant les échos de tous les gouvernements qui se succédaient, Convention, Directoire, Empire. Sous Bonaparte consul, le Moniteur avait reçu sa sanction de journal en partie officiel.

(a) La gravure que nous reproduisons nous a été communiquée par M, Marville. Elle est de M. Nyon, et n'a jamais été livrée à la publicité.

Avant la révolution, le journalisme s'occupait assez peu des affaires politiques: il vivait de disputes littéraires, de chroniques galantes, de bulletins de modes et de faits divers formant une sorte de compendium historique. Après la révolution, le journalisme ne put exister qu'avec la politique; elle fut sa base principale, et la littérature et les sciences ne s'y adjoignirent que comme accessoires. Le journalisme, entendu selon nos idées actuelles est donc enfant de la révolution, des premières années notamment, pendant les débats de l'assemblée nationale et de l'assemblée législative. L'assemblée législative mit les théoriciens aux prises avec la pratique et fut ouverte aux journalistes on sait ce qu'ont fait les légifères.

Des journaux aux sociétés populaires il n'y a qu'un pas. Les clubs politiques ont paru en France avec la révolution. Ils existaient déjà depuis long temps en Angleterre, mais chez nous ils n'avaient été jusqu'alors introduits qu'à l'état de réunions littéraires et scientifiques. A peine les Etats-Généraux eurent tenu leur première séance que les clubs politiques s'ouvrirent. Il s'agissait pour beaucoup de gens de contre-balancer la puissance de la grande assemblée, de discuter plus à l'aise les questions qui avaient été effleurées seulement au milieu des députés, de se procurer des joies d'amourpropre. Les clubs aussitôt devancèrent les assemblées parlementaires, tant par leur nombre considérable, que par les motions énergiques et violentes qui y étaient faites continuellement. Les clubs modérés n'eurent aucun retentissement. Les clubs exaltés se recrutèrent d'une foule d'hommes pour qui la politique était devenue un besoin irrésistible. Le plus fameux de tous, celui des Jacobins, n'atteignit point encore le plus haut degré d'exagération et de frénésie. Il est certain que les plus obscurs, les plus inconnus, les moins considérables de tous, remportaient la palme sous ce rapport. Les - clubs des départements, par exemple, fournissent à l'histoire des renseignements précieux sur les passions politiques du temps. Leurs cartes d'entrée, les discours de leurs orateurs, les fêtes votées par leurs membres, tout montre l'enthousiasme qui s'était emparé des masses. Des correspondances existaient entre les sociétés populaires les plus éloignées; elles se portaient mutuellement à des démonstrations patriotiques. Hommes et fenimes en faisaient partie, conjointement ou séparément. Les hommes entravaient leurs professions pour être assidus aux clubs; les femmes, pour s'y rendre, abandonnaient les soins du ménage. Il n'y a que les clubs pour développer l'action politique; les journaux portent surtout au raisonnement. La lettre surprend les masses; la parole les foudroie, les transforme, leur redonne une vie nouvelle. Les clubs sont les usines où s'élaborent les révolutions. Ils n'ont pas disparu totalement avec l'empire, en ce sens qu'ils ont été continués secrètement, et qu'ils sont restés dans nos mœurs politiques. Entre le club et la société secrète, la distance est grande, disons-le en passant; le premier est préférable à la seconde, moralement parlant. Mais les gouvernements qui défendent les clubs

accusent les sociétés secrètes de conspiration, et en effet, il s'y trame presque toujours quelque complot. L'influence politique s'évanouit aussitôt, et ces sociétés alors sont en dehors de la légalité.

On peut dire aussi qu'en réalité la révolution a établi la puissance politique des classes moyennes. La presse, les clubs, le tiers-état appelé à s'occuper directement des affaires du gouvernement, ont agi d'après les mêmes principes. Ils ont abattu, pour réédifier ensuite selon leurs propres vues. Sans doute le tiers-état avait apparu en France depuis bien longtemps, depuis que les communes avaient montré la tête; mais à dater de 1789 seulement, son rôle prit une importance extraordinaire. Il a lutté d'abord contre le clergé et la noblesse et a successivement enlevé à ces deux ordres leurs plus grands priviléges. Vainqueur, il est devenu intolérant et a quelquefois manqué de clémence et de générosité. Pourquoi le cacher! Les membres du tiers-état de 1793 ne l'ont cédé en rien aux gentilshommes les plus impopulaires du règne de Louis XV. Ils se sont vengés par le talion, sans vouloir comprendre que les fautes du vaincu n'excusaient pas les fautes du triomphateur, et que le crime ne devait pas punir le crime. Le tiers-état s'est beaucoup effacé devant Napoléon pour reparaître tôt ou tard. Il savait sa force, et ne pouvait jamais l'oublier. L'histoire de sa puissance est rapide; elle com mence à l'ordonnance qui lui accorde le doublement, est consacrée par le décret du vote par tête. Depuis, il a pesé lui seul dans la balance plus que le clergé et la noblesse réunis. Inutile de rappeler que la naissance des clubs impliqua celle des cabinets de lecture.

Voilà, en politique, ce que la révolution a créé de durable. Restent les institutions de second ordre.

La révolution, jusqu'en 1804, a fondé :

Le Code civil, réunion en un seul corps de lois digérées des dispositions trouvées les meilleures parmi celles des anciennes coutumes;

La cour de cassation, tribunal suprême, sorte de papauté judiciaire, comme elle réputée hors d'appel et infaillible, et ayant pour but de ramener toutes les juridictions à l'unité;

Les tribunaux de première instance dans chaque arrondissement, les tribunaux criminels et les tribunaux d'appel, devenus les cours d'assises et les ccurs impériales ou royales;

Les tribunaux de commerce dans presque toutes les villes de France, pour que les formes de la justice fussent plus expéditives, ainsi que le demandent les affaires commerciales;

Les justices de paix, ou tribunaux de conciliation destinés à devenir les tombeaux des procès, mais qui par malheur, n'ont pas amené alors et dans la suite tout le bien qu'on aurait pu en espérer.

Pendant la révolution ont été adoptés :

L'égalité des poids et des mesures : le système décimal ne put vaincre

les résistances des masses, et ne fit que paraître et disparaître aussitôt; La division de la France par départements, formés d'après les bassins des principales rivières;

Les préfectures et les sous-préfectures dans chacun de ces départements, système de centralisation à peu près complète;

Les municipalités, d'abord pouvoir unique, sous le nom de Commune, ensuite morcellement de pouvoirs établis dans les divers arrondissements de la France;

Les octrois municipaux, ou nouvelles perceptions aux entrées des villes, établies d'après un mode plus rigoureux que les anciens impôts des barrières perçus autrefois par ceux que le peuple de 1790 appelait rongeurs de citoyens;

L'impôt du timbre, présenté comme moyen de sécurité pour les conventions, impôt indirect fort productif;

Les patentes, exigées pour la plus grande partie des corps d'état, et même pour plusieurs professions libérales;

Le cautionnement pour la plupart des fonctionnaires publics, comme une garantie de leur bonne administration;

Par la révolution on vit s'établir:

Les ministères réunis considérés comme un conseil exécutif, avec ou sans la présidence du chef de l'état : cette dernière sorte de ministère exista aussitôt après la déchéance de Louis XVI;

Le conseil d'état, assemblage de hauts fonctionnaires, amis du chef de l'état, et donnant l'initiative des projets de lois à faire convertir en lois par les assemblées delibérantes;

Une commission de comptabilité nationale, ou cour des comptes organisée sur des bases nouvelles;

Le grand-livre de la dette publique;

Le tiers consolidé, banqueroute déguisée, qui ruina les rentiers et pensionnaires de l'état, sans en avoir l'air;

La banque de France, immense réserve financière, dont le crédit n'a fait que grandir;

La censure, établie sur des bases illégales, et pourtant laissée à l'arbitraire, non d'un ministre, mais du gouvernement lui-même;

L'usage de pétitions, parfois couvertes de milliers de signatures privées, tendant à obtenir du gouvernement l'abolition de tel ou tel abus, ou l'institution de tel ou tel établissement;

Les encouragements accordés aux jeunes volontaires courant aux armées;

L'ordre de la légion d'honneur, les maréchaux, les amiraux, chanceliers, etc., dont les titulaires ne tardèrent pas à former une noblesse improvisée;

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