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CHAPITRE XLV.

L'ordre de choses impérial.

presse.

Commissions sénatoriales de la liberté individuelle et de la liberté de la Maréchaux de la création. - Enterrement, et billet d'enterrement de la république. Protestation de Louis XVIII. — Le roi de Bobdingnac. - Rétablissement du ministère de la police. - Rapprochement fait entre le 14 juillet 1789 et le 14 juillet 1804. — Résultat du scrutin populaire. Cérémonie du sacre. La belle capucinade. Les fêtes du couronnement; la veille, le jour, le lendemain. — Médailles distribuées au peuple. — Illuminations extraordinaires. L'ingénieur Chevalier se distingue. — John Bull coupant les oncles à ses maîtres.

Donc, les choses et les mots de la république avaient disparu. Dix ans de révolution avaient tout simplement changé une monarchie en un empire, avaient substitué à la légitimité des Bourbons la dynastie napoléonnienne.

Il y avait maintenant,

un empereur héréditaire;

un prince impérial, un grand électeur faisant les fonctions de chancelier; un archi-chancelier de l'empire; un archi-chancelier d'état;

fils aîné de l'empereur;

un archi- trésorier;

chaux de l'empire;

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un connétable; un grand - amiral; des marédes grands-officiers civils de la couronne;

Il y avait une commission sénatoriale de la liberté individuelle, chargée

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une commission sénatoriale de la liberté de

la presse, « chargée de veiller à la liberté de la presse »> ;

La promulgation des lois, dorénavant, devait être ainsi conçue :

« NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les Constitutions de la république, empereur des Français, à tous présents et à venir, SALUT :

« Le sénat, après avoir entendu les orateurs du conseil-d'état, a décrété (ou arrêté), et nous ordonnons ce qui suit: (etc.). »

Les expéditions exécutoires du jugement eurent le même intitulé (a). L'empire ne fut pas l'œuvre de la session de l'an XII du corps législatif, dont les membres avaient autant d'indépendance par le fait que leurs prédéces

(a) Voyez le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XH,

seurs. Les choses étaient préparées de loin tant par l'habileté de Bonaparte, que par l'esprit de servilité qui distinguait presque tous les hommes politiques qui l'approchaient. En se faisant nommer empereur, le premier consul montrait beaucoup moins d'audace qu'il n'en avait déployé au 18 brumaire. Dans sa carrière, une fois le premier fossé franchi, le terrain s'aplanissait comme de lui-même. Il était chef suprême de l'armée, et s'était depuis longtemps concilié son amour. Semblables aux soldats romains, nous avons vu que nos troupes « voulurent saluer Bonaparte du titre d'empereur; » voilà pour le militaire.

Pour le civil, le sénat, et surtout le tribunat, élevèrent Bonaparte sur le pavois.

Quoique le nouvel empereur eût déclaré qu'il voulait consulter le peuple touchant l'hérédité, il n'en entra pas moins en possession de son autorité. Longtemps encore, cependant, on lut sur les monnaies, d'un côté, République française, et de l'autre, Napoléon, empereur.

Il se créa une cour, et conféra la dignité de maréchal de l'empire aux généraux Alexandre Berthier, Murat, Moncey, Jourdan, Masséna, Augereau, Bernadotte, Soult, Brune, Lannes, Mortier, Ney, Davoust, Bessières, Kellermann, Lefebvre, Pérignon et Serrurier (a.

Les deux hommes qui avaient partagé avec lui l'autorité consulaire furent créés, l'un, Cambacérès, archi-chancelier; l'autre, Lebrun, archi-trésorier. Il remit en usage les titres de ducs, princes, comtes, altesses, grandeurs, excellences. Il éleva une foule de ses partisans à la dignité de baron, cherchant, a-t-il dit, à opérer « un rapprochement avec les mœurs de la vieille Europe au dehors, » à créer « un hochet innocent pour bien des vanités du dedans (b) ».

Le sénat lui prêta serment de fidélité. Une foule d'adresses lui furent envoyées par les départements, et les chants de Te Deum retentirent dans les églises. Un archevêque, à propos de l'élévation de Bonaparte à l'empire, prononça ces paroles : « Un Dieu et un monarque: comme le Dieu des chrétiens est le seul digne d'être adoré et obéi, vous, Napoléon, êtes le seul homme digne de commander aux Français. Par-là cesseront toutes abstractions philosophiques, tout dépècement de pouvoir.» « Napoléon, dit un autre évêque, Napoléon que Dieu appela des déserts de l'Égypte, comme un autre Moïse. Il fera concorder le sage empire de la France avec le divin empire de JésusChrist. Le doigt de Dieu est ici. Prions le Très-Haut qu'il protége, par sa main puissante, l'homme de sa droite. Qu'il vive! qu'il commande à jamais le nouvel Auguste, cet empereur si grand, qui reçoit des mains de Dieu la couronne. Nouveau Mathatias, Bonaparte apparut dans l'assemblée du peuple envoyé par le Seigneur. L'Écriture nous trace dans le règne

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de Josaphat, ce prince chéri de Dieu et des hommes, l'image du gouvernement accompli de Napoléon La soumission lui est due, comme dominant sur tous; à ses ministres, comme envoyés par lui pour protéger le bien et punir le mal; à tous, à cause de Dieu, parce que tel est l'ordre de la providence. »

Soumission! ce fut là le mot de l'énigme. Le pouvoir est comme la pierre d'aimant plus il est gros, plus il a de force pour attirer les objets vers lui. « Dès que Bonaparte eut le commandement, il ne reconnut plus de maître ni de lois 'a). » Quelques fonctionnaires publics protestèrent et donnèrent leur démission; «< Mais, disait l'empereur, laissons le champ libre à cette minorité parleuse et clabaudière: son caquet se perd dans les acclamations. >>

Des plaisants trouvèrent à rire sur le nom du tribun Curée. « La république est morte, disaient-ils, un curé l'a enterrée. » Et les royalistes envoyèrent par milliers le billet d'enterrement de la république :

Partisans de la république,

Grands raisonneurs en politique
Dont je partage la douleur,
Venez assister en famille

Au grand convoi de votre fille,
Morte en couche d'un empereur ;

L'indivisible citoyenne,

Qui ne devait jamais périr,
N'a pu supporter sans mourir

L'opération césarienne.

Requiescat in pace (b).

Oui, la république était morte, corps et âme! Un héros l'avait écrasée pour monter sur le trône impérial. Qui sait si Napoléon se rappela un jour avoir été spectateur de la journée du 10 août 1792!

La république était morte, mais la monarchie, qui voyait son principe vital revenir, cria à l'usurpation. Louis XVIII protesta formellement contre l'élévation de Bonaparte.

Déjà, refusant toute assimilation avec le parvenu, il avait renvoyé à Charles IV, roi d'Espagne, l'ordre de la Toison-d'Or, que ce monarque avait adressé au premier consul (c). Une fois l'usurpation consommée, il crut devoir lever la voix contre « le meurtrier du duc d'Enghien. »>

<< En prenant le titre d'empereur, en voulant le rendre héréditaire dans sa famille, Bonaparte vient de mettre le sceau à son usurpation. Ce nouvel acte d'une révolution où tout dans l'origine a été nul, ne peut sans doute infirmer

(a) Écrit à Sainte-Hélène.

(b) Ce billet a véritablement été imprimé en forme de circulaire, de lettre de décès. (c) Le 12 avril 1804.

mes droits. Mais, comptable de ma conduite à tous les souverains, dont les droits ne sont pas moins lésés que les miens, et dont les trônes sont tous ébranlés par les principes dangereux que le Sénat de Paris a osé mettre en avant; comptable à la France, à ma famille, à mon propre honneur, je croirais trahir la cause commune en gardant le silence en cette occasion. Je déclare donc (après avoir au besoin renouvelé mes protestations contre tous les actes illégaux qui, depuis l'ouverture des États généraux de France, ont amené la crise effrayante dans laquelle se trouvent la France et l'Europe), je déclare en présence de tous les souverains, que loin de reconnaître le titre impérial que Bonaparte vient de se faire déférer par un corps qui n'a pas même d'existence légale (le Sénat), je proteste contre ce titre et contre tous les actes subséquents auxquels il pourrait donner lieu (a). »

Pour réponse, Napoléon fit publier cet acte dans le Moniteur.

Il triompha de tout, et devint un colosse, celui que les Anglais avaient représenté comme « le roi de Bobdingnac dans la main de Gulliver. »

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Le ministère de la police fut rétabli et confié à Fouché; on inaugura dans l'église des Invalides l'Ordre de la Légion-d'Honneur. C'est dans cette cérémonie que Lacépède osa dire : « Tout ce que le peuple a voulu le 14 juillet 1789, existe par sa volonté. Il a voulu l'égalité, elle est défendue par un gouvernement dont elle la base. Répétez ces mots qui ont déjà été proférés dans cette enceinte, et qu'ils retentissent jusqu'aux extrémités de l'empire: tout ce qu'a établi le 14 juillet est inébranlable, rien de ce qu'il a détruit ne peut reparaître (c). >>

(a) Protestation de Louis XVIII, roi de France, contre l'usurpation de Bonaparte. Varsovie, juin 1804 (b) Collection de M. Laterrade.

(c) Discours de Lacépède, prononcé aux Invalides, le 14 juillet 1804.

Pour consolider, aux yeux de tous, sa puissance impériale, Napoléon voulut deux sanctions, celle du vote populaire, et celle du sacre.

Le premier décembre, le sénat conservateur lui présenta le plébiscite qui approuvait l'hérédité dans sa famille trois millions cinq cent vingt-et-un mille six cent soixante citoyens avaient voté pour; deux mille cinq cent soixante dix-neuf avaient voté contre.

Le président du sénat, François de Neufchâteau, lui adressa en même temps la plus pompeuse et la plus fleurie des harangues, à laquelle Napoléon répondit aussitôt : « Je monte au trône où m'ont appelé les vœux unanimes du sénat, du peuple et de l'armée, le cœur plein du sentiment des grandes destinées de ce peuple que, du milieu des camps, j'ai le premier, salué du nom de grand. Depuis mon adolescence, mes pensées tout entières lui sont dévolues, et je dois le dire ici, mes plaisirs et mes peines ne se composent plus aujourd'hui que du bonheur ou du malheur de mon peuple. Mes descendants conserveront longtemps ce trône. Ils ne perdront jamais de vue que le mépris des lois et l'ébranlement de l'ordre social ne sont que les résultats de la faiblesse et de l'incertitude des princes. » Donc, force et Terme résolution étaient les deux bases sur lesquelles il entendait appuyer son autorité.

Toutes les vieilles coutumes avaient été mises en réquisition; on avait étudié toutes les cérémonies du sacre des rois de France: il s'agissait de sacrer Napoléon empe: eur.

A cet effet, des négociations avaient été ouvertes avec Rome, qui devait bien quelque chose à l'auteur du concordat. Pie VII, parti de Rome le 2 novembre, arriva le 25, à Fontainebleau: l'empereur alla au-devant de lui; et le 2 décembre, par un froid des plus rigoureux, Napoléon et Joséphine furent sacrés dans l'église métropolitaine de Paris, par le pape en personne. Cette cérémonie du sacre compte parmi les plus magnifiques qui aient eu lieu en France.

L'église de Notre-Dame subit de douloureuses modifications, au point de vue de l'archéologie et de l'architecture. On jeta bas la chapelle du chapitre ; on badigeonna, on couvrit les murs de peintures. Par contre, heureusement, plusieurs maisons qui gènaient la façade septentrionale de l'édifice furent abattues. L'église commença à être isolée. Pendant plusieurs mois, des centaines d'ouvriers travaillaient activement pour les apprêts du sacre, soit à la cathédrale, soit à la place de Grève, soit au Champ-de-Mars, ou enfin aux Champs-Élysées.

Et le lendemain de la députation du sénat, pour présenter à l'empereur le plébiciste dont il a été parlé plus haut (a). Napoléon et Joséphine, dans une voiture traînée par huit chevaux blancs, escortés par la garde consulaire, de

(a) C'est-à-dire le 2 décembre 1804.

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