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eipale force des grands conquérants. Bonaparte avait cette double faculté dont il se servit tour à tour.

Une fois consul à vie, il fut plus que jamais entouré de courtisans. Toutes les autorités constituées de France voulurent lui présenter leurs hommages. Le nombre des réceptions sollicitées était inouï. Le premier consul y déféra. Le 15 août, fête de l'Assomption, anniversaire de la ratification du concordat, anniversaire aussi de la naissance de Bonaparte, fut choisi pour la solennité de ces réceptions, pour la publication de l'acte constitutif du consulat à vie.

Comme de raison, il y eut une fête superbe; les illuminations témoignèrent de l'allégresse publique : des feux d'artifice poétisèrent les réjouissances populaires; des danses et des jeux prouvèrent combien les Français, et les Parisiens en particulier, aimaient à se livrer aux douceurs de la paix; des distributions de comestibles donnèrent une idée de la générosité et de la munificence consulaire.(a).

Les adresses des différentes autorités étaient aussi adulatrices qu'on peut se l'imaginer. A peine furent-elles surpassées par les dispositions des ordonnateurs de l'illumination, qui, néanmoins, firent preuve d'une rare imaginative courtisanesque,

A quarante pieds au-dessus de la plate-forme d'une des tours de NotreDame, s'éleva une étoile de trente pieds de diamètre. Au milieu de cette symbolique illumination était figuré le signe du zodiaque sous lequel se trouvait le jour de la naissance de Bonaparte.

Et l'étoile du premier consul, éclatante par-dessus toutes choses, brilla toute la nuit.

Mais, ainsi que nous venons de le dire, le 15 août était une époque remarquable à plus d'un titre. Il comptait comme anniversaire de la ratification du concordat. Il fut choisi pour être témoin d'un nouveau pacte entre Bonaparte et l'Église. On fêta l'Assomption à Notre-Dame en grande pompe, et l'archevêque donna l'ordination à l'abbé Fesch (b), oncle du premier consul. Celui-ci se chargeait sans aucun doute de son avancement dans les ordres.

Le 3 fructidor, Bonaparte alla pour la première fois présider le sénat. Ce fut comme une cérémonie royale: deux haies de troupes, escorte nombreuse, préparatifs inusités. Les sénateurs traitèrent en roi leur patron, qui s'accoutumait aisément à de pareilles démonstrations.

Cependant, quelque brillante que fût l'étoile du premier consul, elle devait s'obscurcir momentanément.

Moreau et Bernadotte, soit par envie, soit par esprit de républicanisme, désapprouvaient hautement les actes de leur ancien collègue. Le premier vi

(a) Moniteur universel.

(b) Le pape et le premier consul étaient en fort bonne intelligence. Un bref du 29 juin avait rendu a la vie séculière et laique le citoyen Charles-Maurice Talleyrand, ministre des relations extérieures.

vait à la campagne, fuyant la société et le luxe; il refusa d'assister au Te Deum chanté lors de la proclamation du Concordat. Le second osa organiser une insurrection militaire qui fut dénoncée. Il fut destitué seulement, mais recommença presque aussitôt et réunit autour de lui un parti de généraux et de sénateurs mécontents des actes de l'usurpateur (a).

Le général Lannes faisait aussi de l'opposition et ne tarda pas à être envoyé comme ambassadeur en Portugal.

Dans le public, heureusement pour Bonaparte, toutes ces petites discussions n'étaient pas connues : c'étaient des intrigues de cour.

Ostensiblement n'apparaissaient que ses actions d'éclat, la réunion effectuée du Piémont à la République française, par exemple. L'expédition de Saint-Domingue, désastreuse entre toutes, passait même pour une brillante affaire. Leclerc, beau-frère du premier consul, s'y consumait en efforts impuissants, empêché dans ses résolutions par les préventions de l'armée noire, par la fièvre jaune qui décimait ses soldats et les généraux qui combattaient sous ses ordres. Toussaint-Louverture, qui d'abord s'était soumis au gouvernement français, profitait de l'occasion pour trahir et recommencer la guerre de couleur. Le 12 septembre, des généraux français passèrent aux rebelles. Nous n'avions plus que huit mille hommes sous les drapeaux ; il était facile de prévoir quelle serait l'issue de cette malheureuse guerre. A Paris, on ne crut pas à la situation déplorable de nos troupes; on ne s'occupa que de l'arrestation de Toussaint-Louverture, et on la regarda comme un succès. Ainsi l'expédition était mise au nombre des prospérités publiques. Enfin l'occupation des États de Parme par les Français, après la mort subite de don Ferdinand de Bourbon (b); l'entrée en Suisse d'une armée de trente mille hommes (c) pour appuyer efficacement l'acte fédératif qui avait réglé la constitution des divers cantons, satisfaisaient les coureurs de nouvelles et les politiques de café.

Des trois actes, le dernier seul avait véritablement réussi. Ney, commandant les trente mille hommes en question, parvint à faire cesser la guerre civile qui, depuis longtemps déjà, désolait le pays; et il le fit sans effusion de sang. L'opération menée à bien aboutit à un résultat favorable tout ensemble à la France et à Bonaparte. Cinquante-six députés notables de Suisse arrivèrent à Paris, y formèrent un congrès et exposèrent leurs raisons devant une commission de sénateurs. De ce congrès sortit la constitution helvétique, que Bonaparte sanctionna par son acte de médiation. En lui-même il se regardait comme médiateur de la confédération suisse (d). Le 12 décembre suivant une députation valaisienne lui présentait le décret qui le proclamait le restaurateur de la république du Valais. Il devenait le roi de toutes les répu

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bliques qui avaient poussé comme des champignons, dit une gravure, autour de la république française (a).

Un arrêté porta << qu'il y aurait auprès de la femme du premier consul quatre dames pour lui faire les honneurs du palais. » La voiture de Bonaparte avait été attelée de huit chevaux à la cérémonie du concordat (b).

Un autre arrêté porta « que les théâtres seraient placés sous la surveillance et la direction des préfets du palais.>>

Un conseil général de commerce près le ministère de l'intérieur fut établi; on créa plusieurs chambres de commerce dans les principaux chefs-lieux de département.

Tout allait bien pour Bonaparte. Malheureusement la paix d'Amiens risquait fort de n'être pas maintenue. A propos du traité, des gravures disaient, non sans quelque apparence de raison, que « c'était le baiser de Judas ou la bonne foi anglaise. >>

On s'attendait à une prochaine rupture.

Aussi, nous allons examiner les prétentions des Anglais, avant, pendant et après le fameux traité. On se convaincra de l'impossibilité de la paix entre la France et l'Angleterre.

Avant, ils voulaient profiter des désordres politiques dans lesquels la France était plongée; à l'aide d'émissaires soudoyés, ils les aggravaient encore, et ne cherchaient peut-être pas moins que la conquête de leur rivale. Pendant,ils obtenaient du temps, au moment où leur position était précaire, après les batailles de Marengo et de Hohenlinden.

Après, ils se repentaient d'avoir restitué Malte à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; ils jalousaient nos positions en Hollande, en Suisse, en Italie. Les prétextes ne devaient pas manquer. Bonaparte, d'ailleurs, augmentant sa puissance, leur faisait ombrage. Déjà commençait à se développer contre lui leur haine instinctive. Après la rupture du traité d'Amiens, l'Angleterre ne fit plus la guerre à la révolution de France, mais au conquérant Bonaparte.

(a) Collection de M. Laterrade.

(b) Almanach historique pour l'an XI.

FIN DU CHAPITRE QUARANTIÈME.

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