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aux articles 102, 103 de l'acte constitutionnel. Il m'a remis le commandement de la ville et de l'armée.

« Je l'ai accepté pour seconder les mesures qu'il va prendre, et qui sont toutes en faveur du peuple.

<< La république est mal gouvernée depuis deux ans. Vous avez espéré que mon retour mettrait un terme à tant de maux; vous l'avez célébré avec une union qui m'impose les obligations que je remplis ; vous remplirez les vôtres, et vous seconderez votre général avec l'énergie, la fermeté et la confiance que j'ai toujours vues en vous.

« La liberté, la victoire et la paix replaceront la république française au rang qu'elle occupait en Europe, et que l'ineptie ou la trahison a pu seule lui faire perdre. >>

Une autre proclamation était faite à la garde nationale parisienne :

<< Citoyens ! le conseil des anciens, dépositaire de la sagesse nationale, vient de rendre le décret ci-joint. Il y est autorisé par les art. 102 et 103 de l'acte constitutionnel.

« Il me charge de prendre des mesures pour la sûreté de la représentation nationale. Sa translation est nécessaire et momentanée. Le corps législatif se trouvera à même de tirer la représentation du danger imminent où la désorganisation de toutes les parties de l'administration nous conduit.

<< Il est besoin, dans cette circonstance essentielle, de l'union et de la confiance des patriotes. Ralliez-vous autour de lui; c'est le seul moyen d'asseoir la république sur les bases de la liberté civile, du bonheur intérieur, de la victoire et de la paix. Vive la république! (a) »

D'après l'ordre du jour, Murat commandait toutes les troupes à cheval, Marmont l'artillerie, Macdonald la division militaire de Versailles; Lannes gardait le palais national des anciens, Moreau celui du Luxembourg, et Serrurier les deux conseils, à Saint-Cloud.

Cependant le 19 brumaire, à deux heures, les représentants (les anciens) entrèrent dans la grande galerie du palais de Saint-Cloud, précédés de la musique du conseil, qui exécuta l'hymne des Marseillais. Le conseil était en majorité. A une heure et demie, celui des cinq-cents se réunit dans le local de l'Orangerie, sous la présidence de Lucien Bonaparte (b).

Les anciens reçurent la démission de Barras, et la transmirent par message aux cinq-cents. A trois heures et demie, ils apprirent que trois autres directeurs avaient aussi donné leur démission, et que le cinquième (Sieyes) avait été mis en surveillance par ordre du général Bonaparte (c). Il fut question de nommer des candidats pour un nouveau directoire; mais c'étaient des actions sans conséquence; on s'attendait à bien d'autres événements.

(a) Ces deux proclamations étaient signées Bonaparte et Alexandre Berthier, sous-chef d'état-major. (b) Moniteur universel.

(e) De cette façon, toute la responsabilité du coup d'état devait peser sur le général.

Entouré de son magnifique état-major, Bonaparte parut. Il fut accueilli assez bien, et prit la parole en ces termes, pour expliquer sa conduite politique:

<<< Représentants du peuple, vous n'êtes point dans des circonstances ordinaires; vous êtes sur un volcan. Permettez-moi de vous parler avec la franchise d'un soldat, avec celle d'un citoyen zélé pour le bien de son pays; et suspendez, je vous en prie, votre jugement, jusqu'à ce que vous m'ayez entendu jusqu'à la fin.

« J'étais tranquille à Paris, lorsque je reçus le décret du conseil des anciens, qui me parla de ses dangers, de ceux de la république. A l'instant j'appelai, je retrouvai mes frères d'armes, et nous vinmes vous donner notre appui; nous vinmes vous offrir les bras de la nation, parce que vous en étiez la tête. Nos intentions furent pures, désintéressées; et, pour prix du dévouement que nous avons montré hier, aujourd'hui déjà, on nous abreuve de calomnies! on parle d'un nouveau César, d'un nouveau Cromwell; on répand que je veux établir un gouvernement militaire.

«< Représentants du peuple, si j'avais voulu opprimer la liberté de mon pays, si j'avais voulu usurper l'autorité suprême, je ne me serais point rendu aux ordres que vous m'avez donnés, je n'aurais pas eu besoin de recevoir cette autorité du sénat. Plus d'une fois, et dans des circonstances extrêmement favorables, j'ai été appelé à la prendre. Après nos triomphes en Italie, j'y ai été appelé par le vœu de la nation; j'y ai été appelé par le vœu de mes camarades, par celui de ces soldats qu'on a tant mal traités depuis qu'ils ne sont plus sous mes ordres, de ces soldats qui sont obligés encore aujourd'hui d'aller faire dans les départements de l'Ouest une guerre horrible, que la sagesse et le retour aux principes, avaient calmée, et que l'ineptie ou la trahison viennent de rallumer.

« Je vous le jure, représentants du peuple, la patrie n'a pas de plus zélé défenseur que moi je me dévoue tout entier pour faire exécuter vos ordres. Mais c'est sur vous seuls que repose son salut, car il n'y a plus de directoire : quatre des membres qui en faisaient partie, ont donné leur démission, et le cinquième a été mis en surveillance pour sa sûreté. Les dangers sont pressants; le mal s'accroît le ministre de la police vient de m'avertir que dans la Vendée plusieurs places étaient tombées entre les mains des chouans. Représentants du peuple, le conseil des anciens est investi d'un grand pouvoir; mais il est encore animé d'une plus grande sagesse: ne consultez qu'elle, et l'imminence des dangers; prévenez les déchirements. Evitons de perdre ces deux choses, pour lesquelles nous avons fait tant de sacrifices, la liberté et l'égalité!...»

Le député Langlet interrompit: Et la constitution?

« La constitution! reprit Bonaparte. Vous sied-il de l'invoquer? et peutelle être encore une garantie pour le peuple français ? Vous l'avez violée au

18 fructidor; vous l'avez violée au 22 floréal; vous l'avez violée au 30 prairial. La constitution! elle est invoquée par toutes les factions, et elle a été violée par toutes; elle ne peut être pour nous un moyen de salut, parce qu'elle n'obtient plus le respect de personne. La constitution! n'est-ce pas en son nom que vous avez exercé toutes les tyrannies? Et aujourd'hui encore c'est en son nom que l'on conspire. Je connais tous les dangers qui

vous menacent.

« Représentants du peuple, ne voyez pas en moi un misérable intrigant qui se couvre d'un masque hypocrite! j'ai fait mes preuves de dévouement à la république, et toute dissimulation m'est inutile. Je ne vous tiens ce langage que parce que je crains que tant de sacrifices ne soient perdus. La constitution, les droits du peuple ont été violés plusieurs fois; et puisqu'il ne nous est plus permis de rendre à cette constitution le respect qu'elle devrait avoir, sauvons au moins les bases sur lesquelles elle repose; sauvons l'égalité, la liberté ! trouvons des moyens d'assurer à chaque homme la liberté qui lui est due, et que la constitution n'a pas su lui garantir. Je vous déclare qu'aussitôt que les dangers qui m'ont fait confier des pouvoirs extraordinaires seront passés, j'abdiquerai ces pouvoirs. Je ne veux être à l'égard de la magistrature que vous aurez nommée, que le bras qui la soutiendra et fera exécuter ses ordres (a). »

Il avait parlé de conspiration, il avait parlé des dangers imminents de la république. Quelques observations répondirent à son discours, mais, néanmoins, sa démarche ne fut point condamnée. Il avait bon espoir.

Au conseil des cinq-cents, il n'en fut pas de même, et nous allons voir ce qui s'y passa.

Dans ce conseil, dès l'ouverture de la séance, un député s'était attaché à rappeler à ses collègues les souvenirs du 20 prairial. Un autre avait soupçonné les gens qui prétendaient vouloir sauver la république, de ne vouloir qu'un changement de gouvernement. Un groupe, formant la minorité, saisait cause commune avec le président; et quand un député mécontent, approuvé par la masse, demanda qu'on renouvelât le serment de fidélité à la nation, Lucien ne consulta que cette minorité. On lui adressa des reproches. Une foule de membres se portèrent au bureau et à la tribune, au milieu des cris: Point de dictature! vive la constitution! le serment! Le président se couvrit, et, une fois le tumulte apaisé, laissa parler les orateurs.

Bientôt il se fait un mouvement,et Bonaparte entre, suivi, à quelque distance, de ses fidèles grenadiers. Il s'avance seul, découvert, avec des gestes indiquant qu'il demande à parler; mais il en est empêché par les clameurs des représentants. L'un d'eux lui dit : « Que faites-vous, téméraire, vous violez

(a) Le discours de Bonaparte aux anciens a deux versions. Nous avons suivi les notes prises pendant qu'il parlait.

le sanctuaire des lois ! » D'autres lui crient : « Quoi! des baïonnettes, des sabres, des hommes armés ici! dans le sanctuaire de la réprésentation nationale! Hors la loi le dictateur! A bas, à bas le dictateur ! mourons à notre poste! Vivent la république et la constitution de l'an III! Hors la loi le dictateur! à bas! à bas! général, est-ce donc pour cela que tu as vaincu ? Aujourd'hui, Bonaparte a terni sa gloire! fi!

Bonaparte s'est conduit en roi.

- Bonaparte a perdu sa gloire ! je le voue à l'opprobre, à l'exécration des républicains et de tous les Français.

Je demande, au reste, qu'on prenne tous les éclaircissements nécessaires pour rassurer le conseil !

Je demande que le général Bonaparte soit traduit à la barre pour y rendre compte de sa conduite.

Telles furent les motions que sa présence souleva. Hors la loi, le tyran! c'est ce cri qui l'emporta sur les autres; et Lucien, après avoir essayé de lutter contre, déposa les insignes de président. L'agitation monta à son comble, et les membres du conseil crièrent de nouveau : Vive la république! mourons pour la liberté! hors la loi le dictateur! vive la constitution de l'an III! Presqu'aussitôt des grenadiers, l'arme au bras, et au pas de charge, pénétrèrent dans la représentation nationale, et sommèrent les députés de se retirer parce qu'ils n'étaient plus en sûreté. La plupart de ces derniers s'y refusèrent, mais le général Leclerc, qui commandait, s'écria : « Au nom du général Bonaparte, le corps législatif est dissous. Que les bons citoyens se retirent. >> Les grenadiers se répandirent dans la salle, en présentant la baïonnettes, et poussèrent devant eux les représentants dont les cris de vive la république! couvraient le roulement des tambours. A cinq heures et demie, la salle fut totalement évacuée et fermée.

Avant cette affaire, Bonaparte était découragé; mais Lucien, arrivé près de lui, lui redonna de l'énergie. Les conjurés résolurent enfin d'emporter la journée par tous les moyens possibles. Les deux frères montèrent à cheval et s'élancèrent au milieu des troupes auxquelles ils adressèrent chacun une harangue.

"Citoyens, soldats, s'écria Lucien, le président du conseil des cinq-cents vous déclare que l'immense majorité de ce conseil est dans ce moment sous la terreur de quelques représentants à stylets, qui assiégent la tribune, présentent la mort à leurs collègues, et enlèvent les délibérations les plus affreuses!

« Je vous déclare que ces audacieux brigands, sans doute, soldés par l'Angleterre, se sont mis en rébellion contre le conseil des anciens, et ont osé parler de mettre hors la loi le général chargé de l'exécution de son décret, comme si nous étions encore à ce temps affreux de leur règne, où ce mot, hors la loi! suffisait pour faire tomber les têtes les plus chères à la patrie!

« Je vous déclare que ce petit nombre de furieux se sont mis eux-mêmes hors la loi par leurs attentats contre la liberté de ce conseil. Au nom de ce peuple, qui, depuis tant d'années est le jouet de ces misérables enfants de la terreur, je confie aux guerriers le soin de délivrer la majorité de leurs représentants, afin que, délivrée des stylets par les baïonnettes, elle puisse délibérer sur le sort de la république !

« Général, et vous, soldats, et vous tous, citoyens, vous ne reconnaîtrez pour législateurs de la France que ceux qui vont se rendre auprès de moi ! Quant à ceux qui resteraient dans l'Orangerie, que la force les expulse... Ces brigands ne sont plus représentants du peuple, mais les représentants du poignard! que ce titre leur reste! qu'il les suive partout! et lorsqu'ils oseront se montrer au peuple, que tous les doigts les désignent sous ce nom mérité de représentants du poignard!

<< Vive la république (a)! »

Voici maintenant la harangue du général Bonaparte:

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« Soldats, je vous ai menés à la victoire; puis-je compter sur vous? (Oui! oui!... vive le général!... qu'ordonnez-vous?) soldats, on avait lieu de croire que le conseil des cinq-cents sauverait la patrie; au contraire, il se livre à des déchirements! des agitateurs cherchent à le soulever contre moi! Soldats, puis-je compter sur vous? (Oui! oui!... Vive Bonaparte) - Eh bien je vais les mettre à la raison. (Vive Bonaparte)! (Ici il donne des ordres à ses lieutenants, puis il reprend). Depuis assez longtemps la patrie est tourmentée, pillée, saccagée! depuis assez longtemps ses défenseurs sont avilis, immolés...(Vive Bonaparte!) Ces braves, que j'ai habillés, payés, entretenus au prix de nos victoires, dans quel état je les retrouve?... -(Vive Bonaparte ! ) On dévore leur subsistance! on les livre sans défense au fer de l'ennemi! Mais ce n'est pas assez de leur sang; on veut encore celui de leurs familles! Des factieux parlent de rétablir leur domination sanguinaire! j'ai voulu leur parler; ils m'ont répondu par des poignards (b)! Il y a trois ans que les rois coalisés m'avaient mis hors la loi pour avoir vaincu leurs armées ; et j'y serais mis aujourd'hui par quelqnes brouillons qui se prétendent plus amis de la liberté que ceux qui ont mille fois bravé la mort pour elle ! Ma fortune n'aurait-elle triomphé des plus redoutables armées que pour venir échouer contre une poignée de factieux? Trois fois, vous le savez, j'ai sacrifié mes jours pour ma patrie; mais le fer ennemi les a respectés : je viens de franchir les mers sans craindre de les exposer une quatrième fois à de nouveaux dangers; et ces dangers, je les trouve au sein d'un sénat d'assassins! trois fois j'ai ouvert les portes à la République, et trois trois on les a refermées! >>

(a) Cette harangue fut imprimée sur-le-champ et répandue partout.

(b) Le bruit courait qu'un poignard s'était levé sur Bonaparte, au moment de son entrée dans le conseil. La-dessus, mille conjectures se sont combattues.

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