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mot de ce qui concerne les États-Unis d'Amérique. Les Américains du Nord faisaient un trop grand commerce avec l'Europe, et étaient des auxiliaires trop importants pour que l'Angleterre et la France ne cherchassent pas à les décider à prendre parti dans la lutte. Mais évitant de se prononcer, ils s'efforcèrent, en se compromettant le moins possible, de tourner à leur avantage l'exclusion qui rejetait du continent européen les navires de la GrandeBretagne. Il est vrai que leur marine de guerre, alors peu développée, ne leur aurait permis que difficilement de prendre l'offensive contre la dictature maritime de cette puissance. Le décret de Milan, en grande partie dirigé contre eux, les avait mis dans une position vraiment critique. D'un côté, l'Angleterre, dénationalisant leurs navires, leur avait fait une loi de subir la visite, et de venir acquitter une taxe honteuse dans ses ports avant d'aborder sur le continent européen; de l'autre côté, Napoléon leur signifiait que, s'ils se soumettaient aux intimations du cabinet de Londres, ils seraient considérés par lui non plus comme des Américains, mais comme des Anglais, et, par conséquent, traités en ennemis. Le gouvernement américain sortit de ce dilemme en interdisant toute communication soit avec la France, soit avec l'Angleterre; et, à ce sujet, le 22 décembre 1807, il mit l'embargo sur ses propres navires dans tous les ports de la république. Cette défense n'arrêta pas les négociants américains; ils la violèrent pour continuer d'exercer le métier plus lucratif qu'honorable de facteurs des Anglais. Le 1er mars 1809, le gouvernement de la république remplaça l'embargo par une mesure plus sévère, le non-intercourse act, qui interdisait aux Américains toutes relations commerciales avec l'Angleterre et la France, déclarait les ports de l'Union fermés aux navires de ces deux puissances, prononçait la confiscation contre tous ceux qui y pénétreraient. Répression inutile! l'acte de non-intercourse ne fut pas plus respecté que l'embargo; et les compa

triotes de Washington, oubliant les services que la France avait rendus à leur patrie naissante, ne rougirent pas de se mettre au service de la contrebande anglaise, et de faire le trafic de leur pavillon.

Le 23 mars 1810, Napoléon ordonna, par son décret de Rambouillet, la saisie et la vente de tous les bâtiments américains qui, à partir du 20 mai 1809, seraient entrés ou entreraient dans les ports de l'empire, de ses colonies, ou des pays occupés par ses troupes. C'était une représaille contre l'embargo et l'acte de non-intercourse. Cette disposition, en rendant la situation des Américains moins avanta geuse, força leur gouvernement à s'en prendre à l'Angleterre; la guerre devint inévitable entre les deux pays, et éclata effectivement en 1812. Napoléon, dans l'intention d'en avancer le moment, avait eu l'adresse de rappor ter, le 28 avril 1811, une partie de ses décrets contre les États-Unis. Malheu reusement l'issue de la campagne de Russie ne lui permit pas de profiter de cette guerre qu'il avait tant désirée.

Examinons maintenant le système continental sous les trois points de vue que nous avons indiqués.

Comme moyen d'attaque, il avait certainement de grands mérites, puisqu'il porta le trouble dans les finances de l'Angleterre, et faillit, en 1810, la ruiner complétement; mais il avait aussi de graves inconvénients; entre autres, celui de la confirmer dans le sentiment de sa supériorité maritime, et de la forcer à donner toujours plus d'étendue à ses relations avec les autres peuples de l'univers. L'accroissement de son empire indien et l'augmentation de son commerce dans la Chine étaient, à ses yeux, avec la conquête (pour ne pas nous servir d'un autre mot) de toutes les plus belles colonies de la France, de l'Espagne et de la Hollande, un dédommagement naturel de sa mise en interdit sur notre continent; plus les prohibitions devenaient sévères, mieux elle apprenait à se passer de l'ancien monde. Ensuite, pour réussir, il fallait que la France associât

à ses vues non-seulement toutes les nations de l'Europe, mais encore les Américains, qui occupaient la première place parmi les neutres. Or, il y eut toujours en Europe quelques nations qui ouvrirent leurs ports à l'Angleterre; la Turquie resta le plus souvent en dehors de notre sphère d'action; au moment où Napoléon contraignit le Portugal à se soumettre à son système, l'Espagne s'en détacha; de même, lorsque la Suède se vit réduite à abandonner sa neutralité, la Russie se mit à revendiquer la sienne; quant aux Américains, on a vu comment ils se renfermèrent dans un égoïsme étroit. En admettant même que l'empereur fût venu à bout des Russes aussi facilement que des Prussiens et des Autrichiens, il restait encore l'Espagne, la Suède, la Turquie; et il est pro bable que les agrandissements de l'Angleterre dans la mer du Sud lui auraient procuré de nouvelles ressources en même temps que de nouveaux débouchés. L'orgueilleuse reine des flots ne pouvait succomber que devant une attaque maritime. Tel était le sentiment de Napoléon lui-même, puisqu'il parla souvent de lancer contre elle cent vaisseaux de haut bord, et plus, s'il le fallait.

Il y avait surtout une arme rouvelle qui, frappant l'Angleterre au défaut de la cuirasse, l'aurait immanquablement terrassée; cette arme, c'était la vapeur appliquée à la marine. Par une de ces bonnes fortunes qui paraissent avoir quelque chose de providentiel, un Américain offrit à Napoléon les moyens de se servir le premier d'une découverte du génie français, découverte qui allait changer le monde. C'en était fait de l'Angleterre, si l'empereur avait écouté Fulton; deux cent mille hommes, transportés sur une flotte de petits pyroscaphes, pouvaient, par un vent contraire qui aurait retenu enchaînés les vaisseaux anglais, opérer une descente à Londres, et mettre fin, en quelques jours, à un siècle de dictature, à six siècles d'outrages. Napoléon n'accepta pas le moyen que Fulton mettait à sa disposition. Mé

connut-il l'importance de ce moyen, ou bien dominé par d'autres plans, crut-il devoir en renvoyer l'application à des temps plus favorables? cette dernière opinion est celle qui offre le plus de vraisemblance, car il répugne de croire que sans quelque grave motif une pareille intelligente n'ait pas voulu voir ce que d'autres avaient déjà deviné, et s'efforçaient de lui faire reconnaître.

Le blocus continental fut donc une machine de guerre incomplète, ou plutôt il ne fut que la première partie d'un plan d'attaque plus parfait. Si Napoléon n'avait pas eu des motifs pour différer l'exécution de sa vengeance, il aurait évidemment préféré une agression directe à une agression terrible dans ses conséquences, il est vrai, mais toujours indirecte, et, pour ainsi dire, boiteuse. Ce n'est pas sans cause que l'homme pour qui le mot impossible n'était pas français, recula lui-même devant la réalisation de ses projets du camp de Boulogne. Avant de saisir corps à corps sa rivale, il croyait avoir autre chose à faire; et, comme, pour le moment, c'était, à son avis, assez de l'affaiblir, le blocus continental lui paraissait suffisant.

Cet autre projet qu'il espérait accomplir avant d'atteindre l'Angleterre, c'était la conquête de l'Europe, c'était la reconstruction de l'ancien empire romain. Dans les combinaisons auxquelles il eut recours pour réaliser la chimère de la monarchie universelle, le système continental joua un grand ́ rôle; aussi faut-il y voir un moyen d'attaque contre l'Europe au moins autant qu'un moyen d'attaque contre l'Angleterre. C'était une arme à deux tranchants que l'empereur tenait sans cesse levée et suspendue comme l'épée de Damoclès sur la tête des Anglais, mais avec laquelle il frappait surtout ses ennemis du continent; trop heureux ses amis, quand il ne la tournait pas contre eux-mêmes.

Comment en douter, lorsqu'on se rappelle que c'est à l'occasion du blocus continental que les villes anséatiques, les États du pape, la Hollande,

le Portugal, le duché d'Oldenbourg, et d'autres pays, ont été incorporés par Napoléon à son empire? La violation des décrets de Berlin et de Milan fut également la cause de la guerre avec l'Espagne, avec Naples, avec la Suisse, avec la Suède et avec la Russie. Mais, disent quelques publicistes en s'appuyant des déclarations officielles de l'empereur, c'était une des nécessités de la situation, il fallait à tout prix empêcher les marchandises anglaises de pénétrer sur le continent. Admirable nécessité pour un conquérant, que celle qui lui fournit un prétexte pour intervenir dans les affaires de toutes les nations, et pour les punir d'une infraction à ses ordres en les asservissant! Certes, si cette nécessité n'avait pas existé, Napoléon se serait appliqué à la faire naître, comme il a toujours eu soin d'en prolonger la durée. Dans une pareille circonstance, que prouvent ses déclarations officielles ? Fallait-il qu'il révélât lui-même le secret de sa pensée aux peuples non encore soumis? Personne assurément ne devait exiger de lui autant de franchise: quand il a pu parler sans imprudence, il l'a fait; à Sainte-Hélène, il ne s'est pas défendu d'avoir entrepris le rétablissement de la monarchie universelle; il s'est borné, pour toute excuse, à dire que c'étaient ses ennemis eux-mêmes qui l'y avaient conduit pas à pas et que d'ailleurs il en aurait fait un noble usage. (Voyez AGGLOMÉRATION.)

Pour se former une conviction sur les sentiments qui animaient Napoléon à l'époque où il fit du système continental le pivot de sa politique, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur les différentes phases qu'a parcourues sa pensée; phases progressives, si l'on ne voit que la puissance matérielle, mais rétrogrades, si l'on tient compte de la grandeur morale. Qui n'est frappé de ce fait, en comparant le général d'Italie à l'empereur en

1812?

D'abord, plein d'une poésie révolutionnaire, Napoléon s'annonce comme le sauveur de la république française

et le libérateur de l'Europe. Dans cette première période, ses triomphes sont innombrables, et leur rapidité tient du prodige. Sa cause est sainte, il combat pour le progrès.

Bientôt l'ambitieux prend le dessus sur l'homme politique; la dictature ne suffit plus au vainqueur de Marengo: il aspire à descendre, il lui faut une couronne et l'hérédité. Le triomphe de la révolution a cessé d'être son but, c'est déjà un instrument dont il se sert pour son intérêt personnel. Alors s'ouvre une seconde période, pendant laquelle il accomplit encore de grandes choses, mais qui est un mélange de bien et de mal. C'est l'époque où, une seconde fois victorieux de l'Autriche à Wagram, il renverse l'empire germanique, vieil édifice de mille ans, élève sur ses ruines la confédération du Rhin. Jusque-là, bien qu'il soit inférieur à lui-même, et qu'une arrière-pensée le travaille, il est encore aimé en Europe, parce que, en créant les royaumes de Bavière et de Wurtemberg, et en protégeant les petits princes d'Allemagne, il sert encore la cause de la liberté et de l'avenir contre celle du despotisme et du passé.

Mais après Iéna, après le démembrement de la Prusse, il a beau former les royaumes de Saxe et de Westphalie, sa popularité est sur son déclin. Cette nouvelle Allemagne, qu'il a arrachée au joug de l'Autriche et de la Prusse, commence à comprendre qu'à son tour il lui prépare des fers, et que l'ancien libérateur cache un nouveau maître. Il en est de même pour l'Italie, qu'il a successivement convertie en république, en royaume et en fief; il en est de même pour l'Espagne, le Portugal, et toute l'Europe, dont il veut être plus que le protecteur, plus que l'arbitre. La troisième période de sa vie a commencé. Devenu autocrate en France, préoccupé du soin d'affermir sa dynastie, jaloux d'éclipser Charles - Quint et Louis XIV, en réalisant la monar chie universelle, qui pour eux ne fut qu'un rêve n'ayant plus qu'un pas à faire pour reproduire Charlemagne et

César, mais perdu, s'il est deviné par les peuples, comme il est déjà compris par les rois, il doit chercher de nouveaux expédients pour endormir ses voisins, de nouveaux déguisements pour cacher ce qui fermente dans son coeur. Les principes révolutionnaires, il n'a plus rien à en attendre, lui qui a tué la liberté, et porté de si rudes atteintes à l'égalité, par l'institution d'une autre noblesse héréditaire. Son ambition dévorante a tout matérialisé autour de lui; à défaut d'un levier moral, il est condamné à ne plus trouver que des ressources matérielles. Dans cette voie, l'Angleterre lui of frait un précédent dangereux ; il la suit avec passion sur le terrain des intérêts. Maintenant que la foudre révolutionnaire s'est éteinte dans sa main, à la place de la liberté et de l'égalité, il prendra pour arme le commerce le blocus continental sera désormais son système.

C'était là un mauvais calcul, dont il fut cruellement puni. L'assentiment général qui l'avait porté au pouvoir, fit place en peu de temps à la désaffection. Violemment comprimé chez tous les peuples civilisés de l'Europe, l'élément libéral, que Napoléon avait un instant si bien dirigé, et avec lequel il avait accompli de si grandes choses, se tourna contre lui, et il disparut dans l'orage qu'il avait amoncelé lui-même. C'est en vain que son génie militaire, développé par une longue expérience, et paraissant dépasser les limites du possible, enfanta merveilles sur merveilles, il vint un moment où, pour lui, la victoire eut les mêmes suites que la défaite. Rien ne lui avait résisté, tant qu'il avait eu les peuples pour auxiliaires, tout lui fit obstacle, lorsqu'il eut séparé sa cause de la leur. N'ayant plus autour de lui que les restes décimés d'une armée innombrable, il dut rendre son épée, et, victime de sa confiance dans la foi britannique, aller mourir dans l'isolement, après avoir été élevé sur pavois populaire. Leçon terrible, et bien faite pour servir d'exemple!

Toutefois, si c'est un devoir de

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blâmer Napoléon d'avoir matérialisé la révolution française, au point de lui donner pour conclusion un problème commercial, il y aurait de l'in justice à ne pas reconnaître ce qu'il déploya de génie jusque dans cette dernière combinaison. Réduit au rôle de conquérant, Napoléon est un des plus grands hommes qui aient existé, et il n'a peut-être pas d'égal dans l'histoire. Quoique le blocus continental ait été la conséquence de la destruction de la marine française, et, de la sorte, l'œuvre des circonstances plutôt qu'une conception originale la manière dont Napoléon sut en tirer parti et en déduire un système, l'esprit d'à-propos et la profondeur avec lesquels il en fit le principal ressort de son plan d'attaque, lui assurent un rang exceptionnel parmi les plus grands politiques. La violence à l'aide de laquelle la Grande Bretagne avait anéanti la liberté maritime et usurpé l'empire des mers; la supériorité de ses manufactures, qui lui valait des bénéfices immodérés, et l'investissait du monopole du commerce; le machiavélisme avec lequel le cabinet de Saint-James avait entretenu et exploité les divisions de l'Europ ope, étaient autant de griefs qui créaient un intérêt commun pour tous les peuples, et les avaient indisposés contre la nation anglaise. Napoléon entrevit la possibilité de leur faire comprendre qu'ayant un même intérêt, ils devaient aussi n'avoir qu'un seul but, celui de se coaliser contre les envahissements de l'Angleterre. Pour lui, c'était se créer. le droit d'intervenir dans le gouver nement de chaque peuple, parce que les hostilités permanentes de l'Angleterre contre la France le désignaient naturellement pour chef de la coalition. Ainsi, au nom de la liberté maritime, et en affranchissant l'industrie européenne des entraves qui menaçaient de la replonger dans l'enfance, il jetait un voile sur sa propre ambition, et se ménageait les moyens de conduire par degrés, de transitions en transitions, tous les peuples du continent à une obéissance définitive.

Ainsi, en ayant l'air de combattre pour l'équilibre, il ne marchait que plus sûrement à la dictature, et mettait, pour ainsi dire, la conquête en permanence; toujours prêt, suivant T'opportunité des circonstances, à abaisser la main sur telle ou telle pièce de l'échiquier européen.

Ce plan lui réussit dans le principe; comme nous l'avons déjà dit, il lui fournit une occasion d'envahir la Hollande, les villes anséatiques, la Poméranie suédoise, le duché d'Oldenbourg, les États pontificaux, la Toscane, le Portugal, et de placer des membres de sa famille sur les trônes de Naples et d'Espagne, avec l'intention de leur faire subir plus tard le même sort qu'au roi de Hollande. Les exigences du blocus continental lui donnèrent la haute main dans les affaires de la Prusse, de l'Autriche, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie, et enchaînèrent la Russie à son alliance. La Turquie elle-même reçut le mot d'ordre, et s'y conforma un moment. Pendant près de six années, de 1806 à 1812, c'est-à-dire du décret de Berlin à la campagne de Russie, le blocus continental servit de base à toutes les négociations, de prétexte à toutes les guerres. En 1810, lorsque la Suède, entraînée la dernière, déclara enfin la guerre aux Anglais, Napoléon, toujours en vertu de son système continental, régnait déjà réellement sur la plus grande partie de l'Europe. Vainement l'Espagne protestait encore à main armée contre son omnipotence, dès 1811 l'heure de la monarchie universelle semblait arrivée. Pour arracher le continent aux serres de l'aigle impériale, il fallut quelque chose

de plus fort que les hommes: l'intempérie des éléments. Il fallut surtout que l'Angleterre, la Russie, la Prusse et l'Autriche, bien qu'à regret et avec des intentions pertides, déplaçant la question politique, et la ramenant du terrain matériel dans le domaine moral, fissent un appel à tous les peuples, au nom de la liberté, partout -expirante. Mais cela même ne démontre-t-il pas combien était savamment

ordonné le réseau que, sous le nom de blocus continental, Napoléon avait étendu sur l'Europe?

En faisant la part de ce qu'a eu d'imprévu et comme de surhumain l'issue de la guerre de Russie, et en supposant que les cabinets de SaintPétersbourg et de Saint-James n'eussent pas brusquement transformé les termes du problème, il y a des raisons de croire que l'empereur aurait pu arriver à ses fins. La Russie, tenue en respect du côté de l'occident par le duché de Varsovie et l'Allemagne, se serait sans doute enfin décidée à diriger son énergie militaire vers les contrées orientales, où Napoléon aurait consenti sans peine au partage de la Turquie et des Indes. Quant à l'Angleterre, elle aurait vu s'élever tout à coup et comme par enchantement, sur les côtes de l'Europe française, de nouvelles flottes auxquelles n'auraient certes pas manqué de bons marins. Au besoin, l'empereur se serait souvenu de Fulton et de ses expériences, confirmées par de nouveaux progrès; n'étant plus absorbée comme auparavant par des préoccupations d'une autre nature, cette fois sa pensée n'aurait pu se refuser à l'évidence. Attaquée de toutes parts, ayant à se défendre contre des descentes multipliées en Irlande et à Londres, la Grande-Bretagne aurait succombé en peu de temps. Sa dictature maritime, le fruit d'un siècle d'efforts et de rapines, Napoléon en aurait hérité en quelques jours, et l'aurait ajoutée à sa dictature continentale. Telles étaient sans doute les illusions du grand homme, qui n'avait dû abandonner, sans plus de résistance, le champ de la mer à sa rivale que dans l'espoir qu'elle travaillait pour lui sur les flots, tandis qu'il habituait le continent à son joug. Mais, dans son mépris pour les idées philosophiques, Napoléon oubliait que si vastes, si séduisants qu'ils fussent, tous ces projets n'étaient que des rêves. Façonné sur le moule des héros de Plutarque, comme disait Paoli, Napoléon, à la fin de sa carrière, n'était plus, pour ainsi dire, de son

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