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aux lettres cette liberté et cette hardresse qui valent mieux que l'art, et se concilient avec les règles. Comme averti par un goût supérieur de ce que l'amour de l'ordre et l'élégance pouvaient ôter à la littérature contemporaine de vivacité et d'inspiration, il dit à l'assemblée, avec un ton d'autorité qui lui était bien permis: « Vous prendrez garde qu'une trop « scrupuleuse régularité, qu'une délica tesse trop molle n'éteignent le feu des esprits et n'affaiblissent la vigueur du style. » Il se prononce plus loin contre cette critique qui fait la docte et la curieuse par de bizarres raffine ments. « Faites paraître, dit-il, une critique sévère, mais raisonnable. » Ces principes, que quelques hommes avec lui ont seuls compris au dix-septième siècle, font de ce discours de réception un ouvrage remarquable qui n'est pas assez connu. Bossuet le têrmine par un éloge de Louis XIV, où respire le plus sincère enthousiasme, et par la vive expression des espérances qu'il conçoit de son royal élève. L'éducation du dauphin allait être, pendant près de dix années, l'objet presque unique des travaux de Bossuet. La postérité n'y a rien perdu : elle a trouvé autant de chefs-d'œuvre dans les écrits que le maître composait pour l'élève. Le premier de ces écrits fut le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même. Là, Bossuet étudie la nature morale et physique de l'homme; et, par tout ce qu'il y découvre de facultés, de besoins et de rapports, il s'élève peu à peu jusqu'à la connaissance de Dieu. Dans ce plan, qu'il développe avec son éloquence ordinaire, il ne se sert que de sa raison : il n'emprunte aucune preuve à la révélation et à la théologie: il est philosophe, mais sa philosophie n'admet rien qui ne puisse s'accorder avec le dogme religieux. Dans la partie où il examine les facultés intellectuelles et les passions de l'homme, on reconnaît en lui un disciple de Descartes et un observateur attentif et profond. Dans celle où il considère le corps humain, il entre dans les détails plus qu'on n'au

rait pu s'y attendre, et il étonne par ses connaissances en anatomie et en physiologie. Il avait consulté des naturalistes et des médecins illustres, et avait recueilli auprès d'eux tous les renseignements nécessaires; mais, par la manière dont il expose ce qu'on lui a communiqué, il se l'approprie et semble l'avoir découvert. C'est quelque chose de merveilleux chez lui, que la facilité et la souplesse avec laquelle son génie se prête à tous les sujets qu'il aborde; il a, dans tous, la même aisance et la même force, quelque éloignés qu'ils soient du cercle ordinaire de ses occupations et de ses idées. Ici, on croirait qu'il n'a fait toute sa vie autre chose qu'étudier la structure du corps humain, et les secrets rapports des organes avec l'intelligence. En célébrant les exploits de Condé, il parlera de campements et de combats avec l'exactitude et l'enthousiasme d'un homme de guerre; et son récit de la bataille de Rocroy sera plus vrai que l'histoire. En racontant la vie d'un homme d'État célèbre, de ce Michel le Tellier qui fut le confident de Mazarin et le père de Louvois, il semble un politique nourri dans les conseils et les cabinets, tant le coup d'oeil qu'il jette sur les affaires est pénétrant, tant ses jugements ont de gravité et de finesse. Rien ne lui est étranger, tous les sujets lui appartiennent, parce qu'il concoit tout pleinement et fortement, et que toutes ses impressions sont vives.

Après le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Bossuet entreprit de rassembler sous les yeux du dauphin tous les devoirs attachés à l'exercice de la royauté. Tel est le but de la Politique sacrée. Pour déterminer les attributions de la royauté, son origine, ses droits, Bossuet ne consulte ni la raison humaine, ni l'histoire des différents peuples; il n'entre dans aucune discussion, ne trace point de théorie; il cite tous les passages de l'Écriture, où la puissance royale est définie, où les devoirs du prince sont exposés; et faisant suivre chacun de ces fragments bibliques d'une courte réflexion qui les fait ressortir, il tran

che avec une simplicité hautaine les questions les plus épineuses de la politique. Il y a peu d'invention, mais il y a beaucoup de majesté dans un tel ouvrage; les livres saints, sans cesse invoqués et traduits par Bossuet, communiquent à ses propres pensées leur sublimité naïve, et souvent on ne distingue plus les citations d'avec le texte. Au commencement, Bossuet proclame la puissance absolue et illimitée du souverain; à ses yeux, et d'après l'Écriture qu'il atteste, les sujets ne sont dans aucun cas dispensés de l'obéissance car, ou, comme il arrive souvent, le souverain n'est que l'instrument de la volonté divine, ou il agit par lui-même dans le premier cas, l'obéissance est aussi nécessaire que la soumission Dieu; dans le second, elle ne peut jamais être éludée ni refusée, même lorsque le souverain, infidèle aux devoirs que Dieu lui trace, se livre à ses passions et ne règne que pour les satisfaire; car alors ce n'est pas aux hommes qu'il appartient de le juger, mais à Dieu seul dont il dépend. Donc, selon la parole de l'Ecclésiaste, personne n'a le droit de lui dire: Pourquoi faites-vous ainsi? » Voilà le résumé de ce passage important de la Politique sacrée, et il n'est pas étonnant que la pensée qu'il contient ait soulevé bien des réclamations et attiré bien des reproches au grand homme. En effet, le sentiment du devoir et la crainte de Dieu sont-ils un contre-poids suffisant à ce pouvoir immense, effrayant, dont la royauté est investie? Mais on doit avouer qu'en soutenant cette doctrine, Bossuet était conséquent à ses principes, et que, parti de la foi à la Providence, il devait arriver à cette conclusion. Croyant à l'intervention continuelle d'une Providence dans les événements de la terre, il fallait bien qu'il vît dans les puissants de la terre les ministres particuliers de cette Providence; dès lors il devait faire participer les ministres à la majesté sacrée et à l'inviolabilité du maître: il devait récuser pour les rois tout tribunal humain, et ne leur imposer qu'une juridiction di

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vine. La foi politique de Bossuet est respectable, parce qu'elle tient étroitement à sa foi religieuse.

Pour achever de donner à son élève les connaissances qu'il croyait nécessaires pour former un roi, Bossuet éleva ce monument immortel, qui, par sa hauteur, sa hardiesse, sa régularité, son harmonie, peut être compté parmi les prodiges de l'esprit humain. On a tant de fois parlé de l'Histoire universelle, tant de voix éloquentes en ont célébré les beautés incomparables, qu'il serait su perflu d'exprimer à notre tour notre admiration. Mais ce qu'on n'a pas assez remarqué peut-être, c'est la diffé rence des caractères que Bossuet présente dans les différentes parties de son ouvrage, dont chacune atteint à la perfection. Le préambule annonce trois parties, dont la première doit être une revue rapide des principaux événements, depuis les premiers temps jusqu'au siècle de Charlemagne; la se conde, une étude de la religion dans son origine, son développement et sa suite; la troisième, une histoire rai sonnée de la puissance et du déclin des grands empires. En se conformant à ce plan, Bossuet est tour à tour abré viateur sublime, théologien inspiré, historien profond; partout grand écrivain, sans chercher à l'être. Dans la première partie, il fait une chose qui paraissait impossible, et que personne n'a su faire après lui: il joint, dans un résumé, à la brièveté la plus sévère, le mouvement, l'éclat et la chaleur de la plus haute éloquence. Dans la se conde, développant, par l'interpréta tion savante et majestueuse des livres saints, les conseils de Dieu sur son Église, marquant d'une main infati gable et sûre les rapports des événements avec les prophéties, rattachant avec une absolue rigueur l'ancienne loi à la nouvelle, il présente la religion, depuis les premiers jours jusqu'au siè cle présent, comme un vaste édifice dont toutes les parties se tiennent et se répondent avec une unité et une beauté parfaite; et ravi lui-même à ce spectacle, souvent il ne peut contenir

ses transports, et sa joie et son orgueil lui échappent par des mouvements semblables aux divins élans des prophètes. Dans la troisième partie, toujours fidèle à son système providentiel, mais attentif en même temps à l'action des causes secondes, il surprend par la sagacité et la vérité avec laquelle il saisit, dans le caractère des nations et la nature des circonstances, le secret de la prospérité et de la décadence des empires. Les peuples et les grands hommes sont appréciés avec un jugement souverain, et peints des couleurs les plus fidèles et les plus fortes. Montesquieu a emprunté beaucoup de ses plus belles considérations sur le génie de Rome à cette dernière partie de l'Histoire universelle. Chaque fois qu'on relit un tel ouvrage, on n'a qu'une chose à regretter, c'est que Bossuet ne l'ait pas continué jusqu'au terme où il voulait le conduire. L'Histoire universelle, qui, dans la pensée de Bossuet, devait s'étendre jusqu'au règne de Louis XIV, s'arrête à celui de Charlemagne; et la continuation que l'on a imprimée en 1806, n'est que le recueil des notes que Bossuet avait prises pour ébaucher son travail.

La tâche de présenter, dans un tableau général, les siècles du moyen âge et l'époque moderne, était laissée à un génie qui devait s'en acquitter d'une manière si opposée aux idées de Bossuet, qu'on a peine à concevoir que deux ouvrages si différents, et dont le dernier suppose un tel changement dans les opinions et dans les mœurs, ne soient séparés que par un demi-siècle. Rien n'est plus propre à faire voir la rapidité avec laquelle s'accomplissent les révolutions de l'esprit humain, que la comparaison des dates de l'Histoire universelle et de l'Essai sur les mœurs.

Nous ne parlerons pas d'un ouvrage intitulé Histoire de France, ordinaire ment compris parmi ceux que Bossuet écrivit pour le jeune prince. Ce n'est que le recueil des rédactions que composait le dauphin lui-même, après la leçon de Bossuet, et qu'il s'exerçait

ensuite à mettre en latin : la rédaction et le thème étaient revus chaque fois par Bossuet. Ce n'est pas un ouvrage de lui, mais c'est un monument précieux de la prévoyance ingénieuse et du zèle qu'il apportait dans cette éducation. Quel autre prince eut jamais un précepteur tel que Bossuet? Quel bonheur fut celui de Louis XIV, qui trouvait un Condé pour commander ses armées, et un Bossuet pour élever son fils! Cependant une direction si éclairée et si attentive, un plan si bien conçu et si bien suivi, tant de soins que Bossuet lui-même nous retrace dans cette éloquente lettre adressée en latin à Innocent XI, ne produisirent qu'un résultat médiocre, bien éloigné de ce qu'avaient attendu la cour et le public. Mais que peuvent l'habileté et la sollicitude du génie sur une nature molle, indifférente, distraite, incapable d'activité et d'attention? Le fils de Louis XIV offrait, par son apathie et sa nullité, une résistance bien difficile à vaincre. Peut-être aussi, malgré son dévouement, Bossuet ne s'abaissait-il pas toujours assez pour se mettre à la portée de cette intelligence étroite et lente. Toujours élevé dans ses idées, toujours sévère dans son langage, il n'avait pas cette familiarité douce et insinuante, cette condescendance enfantine qué Fénelon, moins sublime et plus tendre, emplova si heureusement auprès du duc de Bourgogne. Aujourd'hui le Télémaque et les Fables de l'archevêque de Cambrai sont, pour le premier âge, une lecture aussi attachante que salutaire; mais une raison développée peut seule sentir le prix de la Politique sacrée et de l'Histoire universelle. Bossuet est la nourriture solide des esprits déjà forts. Peut-être qu'une des conditions pour

être l'instituteur de l'enfance c'est de n'avoir pas un trop grand génie.

Quoi qu'il en soit, Bossuet avait mérité, par la manière dont il avait rempli sa tâche, la reconnaissance de Louis XIV. L'éducation du dauphin étant terminée en 1680, il fut nommé premier aumônier de la dauphine, et un an après évêque de Meaux.

C'est alors qu'il quitta la cour où il était resté onze années. La conduite qu'il y tint pendant tout ce temps fut telle, qu'elle n'a pu être attaquée que par une malveillance évidente, ou par. cette sévérité aveugle et absurde, qui ne tient aucun compte de l'empire exercé par les convenances et les usages sur la vertu même. A ceux qui s'écrient que Bossuet à la cour fut le flatteur des grands et le témoin complaisant des amours scandaleux et des prodigalités insensées du prince, peu de mots serviront de réponse. Si Bossuet a rendu aux principaux personnages de cette cour brillante des hommages qu'exigeait leur rang, et que justifiait souvent leur mérite, il l'a toujours fait de manière à conserver la dignité qui convenait à son ministère, et la louange ne lui ôte jamais son indépendance, parce qu'il la décerne avec délicatesse, et s'empresse aussitôt de la retirer au nom de la foi, et de l'anéantir devant Dieu. S'il ne s'éleva pas contre les faiblesses de Louis XIV avec cette liberté et cette chaleur qu'on admire dans les premiers temps de l'Église, mais qui eussent paru étranges au dix-septième siècle, il saisit toutes les occasions qui s'offraient d'avertir le prince sans éclat et de le ramener sans scandale. Il seconda les mouvements religieux du cœur de Lavallière; il acheva l'oeuvre de sa conversion. Il travailla avec toute la hardiesse que comportait sa position à soustraire le monarque au joug de madame de Montespan (*); ses discrets

(*) Peu de temps avant son départ pour la campagne de 1675, le roi cédant aux représentations du curé de Versailles, de Bossuet et de M. de Montausier, avait rélégué madame de Montespan à Clagny. Pendant la campagne, Bossuet lui écrivit pour l'affermir dans une résolution qu'il n'avait prise qu'avec beaucoup de peine. Cette lettre respectueuse et sévère à la fois fait le plus grand honneur au caractère de Bossuet. Il est vrai que Louis XIV était alors dans un de ses bons moments: docile aux conseils religieux du saint évêque, il lui demanda en outre des avis sur ses devoirs de prince. Une seconde lettre de Bossuet, écrite dans

mais constants efforts amenèrent enfin l'éloignement de la puissante favorite. Il n'eut point de complaiзance pour un autre attachement: il respecta un commerce légitime et secret, et où le roi puisait de graves conseils et de pieuses leçons. Madame de Maintenon ne fut pas maîtresse, mais l'épouse sévère et dévote de Louis XIV.

Si Bossuet était forcé, par la place qu'il occupait, de se montrer dans les pompes et les fêtes de la cour, au milieu d'une foule brillante et frivole, avide de tous les plaisirs qu'il proscrivait, il se dérobait, toutes les fois qu'il le pouvait, à cet éclat et à ce bruit. Il se renfermait dans sa bibliothèque, pour continuer les travaux destinés à son élève, ou bien, suivi d'une petite troupe d'ecclésiastiques, dont il appréciait les connaissances et la piété, et parmi lesquels se distinguaient Fénelon et l'abbé de Fleury, il se retirait sous les ombrages du petit parc de Versailles, surtout dans cet endroit qui conserva le nom d'allée des philosophes, pour y discourir sur les affaires et les intérêts de l'Église, ou travailler en

commun à des commentaires sur les livres saints. Il s'éloignait, quand la cour ne lui offrait que le spectacle mondain de son luxe et de ses fêtes; mais il s'empressait d'accourir, aussitôt esprits, qui mêlaient le goût de la redes que ligion à celui des plaisirs, invoquaient le secours de ses lumières et l'autorité persuasive de sa foi. Sur la prière de mademoiselle de Duras, il engageait une discussion avec le ministre Claude

le même temps, renferme des représentations très-franches sur les misères du peuple et finit par un éloge des vertus bienfaisantes et populaires de Henri IV. Louis XIV reçut bien cette lettre ; il paraissait changé; mais à son retour il rappela madame de Montespan dont il n'avait pu chasser le souvenir; et quant à la misère du peuple il ne parut pas s'en inquiéter beaucoup. Toutefois Bossuet ne cessa pas de combattre autant qu'il le pouvait l'empire de la favorite, et l'inconstance de Louis XIV y aidant, madame de Montespan quitta enfin la cour.

en sa présence, et la ramenait au catholicisme, par l'éclatant triomphe qu'il obtenait sur un des plus habiles orateurs de la réforme. Et quel zèle il déployait, quelle ardeur l'animait, lorsqu'on réclamait, au lit de mort, ses exhortations et ses prières comme un infaillible appui ! Bossuet prend un caractère auguste, lorsqu'il se présente à nous, portant les secours de l'Église et les consolations de sa parole à ces princes illustres, à ces grands personnages, qui tenaient à répandre dans le sein d'un si pieux ministre leurs derniers sentiments, et à mourir entre ses bras.

Mais qu'est-il besoin de, justifier plus longtemps la conduite qu'il tint à la cour? Ajoutons seulement les paroles que consacre à la louange de Bossuet un contemporain d'autant plus digne de foi, qu'il montre ordinairement peu d'indulgence, et que son humeur maligne le portait à saisir toutes les occasions de satire ou de blâme. « C'était, dit Saint-Simon en parlant de Bossuet, un homme dont les vertus, la droiture et l'honneur étaient aussi inséparables que la science et la vaste érudition. »>

C'est le témoignage que lui rendit toute l'Église de France, lorsqu'elle le choisit, en 1681, pour prononcer le discours d'ouverture au milieu de cette imposante assemblée d'évêques réunis par Louis XIV, au sujet des contestations de la couronne avec le saint-siége. Le droit de régale, qui autorisait les princes à jouir des revenus ecclésiastiques, et à conférer les bénéfices dans les évêchés vacants, avait mis aux prises les deux puissances; et le débat s'agrandissant, les questions de la distinction du spirituel et du temporel, et de l'infaillibilité du pape, avaient été de nouveau soulevées. Dans cette affaire importante, personne n'était plus capable que Bossuet d'éclairer l'Église, et de la préserver des maux qu'enfante la division. Nommé membre de la commission qui devait préparer les résolutions de l'assemblée, il prit sur elle un ascendant qu'on ne pouvait contester à une science si

vaste, à une prudence si consommée. En réalité, il fut l'âme et le chef de ce célèbre concile. Ce fut lui qui rédigea cette lettre adressée au pontife, où, sous les formes du respect, les évêques réclamaient une concession autorisée par les canons mêmes. Ce fut lui qui, après la réponse menacante d'Innocent XI, écrivit cette circulaire destinée à justifier, devant toutes les églises de France, les démarches de l'assemblée, et à motiver la désobéissance que lui imposait son devoir. Ce fut lui enfin qui, en grande partie, arrêta la forme des quatre propositions de 1682. Ainsi l'Église gallicane lui dut la fondation ou du moins le renouvellement de ses libertés. C'est l'époque la plus glorieuse de sa vie. La France entière remercia d'une seule voix l'homme qui la défendait dans la nationalité de son Église avec tant de modération, de noblesse, d'habileté et d'éloquence.

Disons tout cependant au fond, ce moment triomphant de la vie de Bossuet en est l'endroit faible: son triomphe cachait une défaite. Par quoi s'élevait-il à ce degré de popularité et de gloire? Par une doctrine qui, non-seulement aux yeux d'un ultramontain, mais pour tout esprit impartial, pour tout juge désintéressé, n'offre pas cette vigueur de logique et ce puissant esprit de conséquence que nous avons jusqu'ici admiré en Bossuet. Pour la première fois, il se trouvait engagé dans une discussion sur l'infaillibilité pontificale et la distinction du spirituel et du temporel. Comment est-il sorti de ces difficiles questions? Par un moyen terme, par un de ces compromis qui, sans doute, sont ce qu'il y a de plus sage dans les cas embarrassants, mais qui toujours mécontentent la raison, malgré l'excuse des circonstances, éveillent le doute, prêtent à la critique, et n'ont pas assurément cet air de force et de grandeur que donnent au génie la constance dans la même voie et la rigueur d'une marche inflexible. Qu'est-ce que cette indéfectibilité, substituée par Bossuet à l'infaillibilité

T. III. 10° Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.

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