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nèbre de Madame: «Notre chair change bientôt de nature; notre corps prend un autre nom; même celui de cadavre, dit Tertullien, ne lui reste pas longtemps, etc. » Ce qui ne frappe pas moins dans ces sermons que la fréquente sublimité du langage, c'est la connaissance du cœur humain que Bossuet y déploie, c'est la profondeur et la délícatesse avec laquelle il analyse et peint les passions qu'il voudrait anéantir. On ne s'explique pas comment la Harpe a pu dire que Bossuet était médiocre dans la prédication. Il fallait qu'il eût bien peu lu ce qu'il osait juger. Il est inutile de réfuter cette étrange opinion, dont on a fait justice. Du reste, il est vrai que, comme tous les ouvrages improvisés, ces sermons ont des parties où la simplicité et la facilité sont portées au point d'affaiblir l'intérêt. Il faut avouer aussi que parfois la vivacité des mouvements y est trop heurtée. Ce sont des ébauches d'un génie puissant, qui tantôt se borne au langage familier d'une conversation édifiante, et tantôt, s'élançant avec une fougue et un désordre sublimes, prodigue les grandes pensées et les images saisissantes. C'est sans doute à cause de ces inégalités que Voltaire a mis Bossuet au-dessous de Bourdaloue dans l'éloquence du sermon. Mais si dans ses discours qu'il méditait à loisir, Bourdaloue est plus achevé, plus serré, plus soutenu, a-t-il jamais cette action, cette variété, et ce don si rare de créer sans effort des expressions marquées au coin du sublime? Au surplus, peu nous importe ici la question de la prééminence, tout ce que nous voulons, c'est qu'on s'accorde à reconnaître dans les sermons de Bossuet, malgré leur irrégularité, les parties les plus essentielles de l'éloquence. Nous ne croyons pas aller trop loin en ajoutant que la manière même dont ils ont été composés, leur donne un feu et une liberté qui peut-être révèlent mieux l'originalité de Bossuet que la grandeur plus régulière des oraisons funèbres.

Dans cette carrière de prédicateur, si glorieusement remplie, un des

moments les plus brillants fut l'Avent de 1661, pendant lequel Louis XIV vint pour la première fois entendre Bossuet. Il fut si vivement frappé, qu'il voulut lui donner une marque particulière d'admiration et d'intérêt : il fit écrire à son père pour le félici ter d'avoir un tel fils.

Dans les intervalles de ses prédications, Bossuet revenait à la composi tion d'un ouvrage qu'il avait entrepris pour éclaircir la controverse avec les protestants, et, préparer une fusion entre les deux Églises. A cette fin, il exposait dans toute leur simplicité les principes fondamentaux du catholicis me, compris dans les canons du concile de Trente. L'Exposition de la doctrine catholique parut un chefd'œuvre de clarté, de précision et de logique. Ce fut un véritable coup porté à la réforme. Les ministres protestants, embarrassés pour répondre, prétendirent que Bossuet, dans le désir de ménager une conciliation, s'était écarté de la tradition véritable. Bossuet n'avait accordé que ce que l'Église sacrifiait sans peine, et ne regardait comme indifférentes que les questions étrangères au dogme luimême, comme celle de la communion sous les deux espèces. Mais comme son livre resta longtemps manuscrit, le mensonge des protestants s'accrédita auprès des gens du monde ; et madame de Sévigné parle de l'Exposition à sa fille, qui avait des prétentions à être cartésienne et esprit fort, comme d'un ouvrage qui lui convient, par sa sin plicité et ses accommodements. L'Ex position n'avait d'abord été destinée qu'à l'instruction d'une seule personne. Bossuet avait pris la plume pour achever de dissiper les doutes d'un homme illustre qui se sentait attiré vers le catholicisme, moins par ambition, comme on l'a dit, que par un de ces mouvements religieux qui agitaient si souvent les âmes au dix-septième siècle. Turenne était venu trouver Bossuet, et se remettre entre ses mains. Les plus grands personnages se faisaient les disciples respectueux et dociles d'un simple prêtre : on s'inclinait devant la

puissance du raisonnement, de l'éloquence et de l'enthousiasme. Turenne y céda, et son abjuration, qui fit tant de bruit, couvrit Bossuet de gloire aux yeux de l'Église et du monde. Vers le même temps, les membres les plus élevés du clergé de Paris lui rendirent un éclatant hommage en l'invoquant comme conciliateur dans une querelle qui agitait tous les esprits, et où l'autorité des évêques et du pape même venait échouer contre la résistance opiniâtre de quelques religieuses. On refusait à Port-Royal de signer le formulaire qui condamnait les fameuses propositions. Bossuet écrivit aux religieuses pour les inviter à l'obéissance; et sa lettre, admirablement propre à persuader, porte l'empreinte d'une modération qu'il eut rarement dans ses combats avec les sectes infidèles ou ennemies. Le jansénisme trouva toujours dans Bossuet un adversaire, mais jamais un persécuteur; sans doute, ce qui adoucissait sa tigueur, c'était le respect et l'estime qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir pour les vertus et les talents des principaux personnages de Port-Royal. Malgré la réunion si puissante de la douceur et de la raison, la lettre de Bossuet ne produisit point l'effet qu'on en avait attendu l'esprit de secte s'était emparé des religieuses, et elles ne signèrent que lorsqu'un nouveau pape eut introduit, dans le formulaire, un mot nouveau dont le sens équivoque favorisait la restriction mentale.

La querelle du jansénisme ayant paru apaisée, l'Église n'eut plus à lutter qu'avec les protestants: Arnauld et ses disciples portèrent de ce côté toute leur ardeur. C'est alors qu'on vit cette même société de Port-Royal prier le roi de lui donner Bossuet pour censeur des Ouvrages qu'elle se proposait de publier contre la réforme. Bossuet n'était pas évêque, et quand le premier volume de la Perpétuité de la foi eut été achevé par les solitaires, ce fut son approbation qui en autorisa la lecture. Il était à quarante-deux ans, sans dignité et sans titres, le véritable chef de l'église française. Il ne devait pas

seulement son autorité à l'éclat du génie, mais au respect qu'inspiraient la pureté de ses moeurs et sa profonde piété.

En parlant ici de la vertu et de la conviction de Bossuet, nous ne craignons pas d'être dupe d'une de ces erreurs que la séduction exercée par le génie, ou l'art complaisant des biographes, impose trop souvent à la postérité. Tel Bossuet se montre à nous dans ses écrits, tel il fut dans toute sa vie et dans toutes ses actions privées ou publiques. Ceux qui répètent qu'il vécut marié ne savent pas que ce bruit n'a d'autre fondement qu'une calomnie insérée dans un libelle par un moine défroqué, huit ans après la mort de Bossuet. Voltaire même est obligé de reconnaître l'imposture dans la notice qu'il consacre à Bossuet à la fin du Siècle de Louis XIV. Du reste, cette notice est loin d'être en tout digne de confiance; si Voltaire se refuse à croire que Bossuet vécut marié, il raconte qu'un contrat de mariage secret fut signé entre Bossuet, encore très-jeune, et mademoiselle Desvieux de Mauléon, que cet acte ne fut pas suivi de la célébration, à cause de l'entrée de Bossuet dans les ordres, et que des reprises matrimoniales furent faites à la mort de Bossuet. Rien de tout cela ne peut passer pour vrai, comme le démontre de la manière la plus satisfaisante M. de Bausset, dans une de ses pièces justificatives. Cette notice de Voltaire a été faite avec une grande légèreté. Pourquoi après avoir dit que la célébration du mariage n'eut pas lieu, ajoute-t-il que mademoiselle de Mauléon n'abusa jamais du dangereux secret qu'elle avait entre les mains. Ce secret n'avait rien de dangereux, si le contrat n'avait pas eu de suite. Après avoir rendu justice à la pureté des liaisons qui subsistèrent entre Bossuet et celle qu'il prétend avoir été sa fiancée, pourquoi rapporte-t-il, sans le réfuter, un mot scandaleux où l'on ne peut voir autre chose que la satire d'un commerce illégitime et secret avec mademoiselle de Mauléon ? Peut-être y a-t-il au fond beaucoup de perfidie dans cette légè

reté. Une ruse souvent employée par Voltaire consiste à éveiller des soupçons chez le lecteur sans en exprimer aucun lui-même. Cette notice équivoque se termine par une de ces suppositions qu'il est trop facile de faire, et que Voltaire se permettait trop souvent. « On a prétendu, dit-il, que ce grand homme avait des sentiments philosophiques différents de sa théologie, à peu près comme un savant magistrat qui, jugeant selon la lettre de la loi, s'élèverait quelquefois en secret au-dessus par la force de son génie.» Mais Voltaire cite-t-il un seul fait, une seule parole qui puisse autoriser ce sentiment? La seule preuve qu'il apporte à l'appui de sa supposition, c'est cette comparaison par laquelle il l'achève. Les esprits indépendants qui rejettent les dogmes du catholicisme comme une erreur insupportable à la raison, développent la pensée de Voltaire, en disant que la foi religieuse était une chose impossible à Bossuet, par là nature même de son génie trop ferme et trop pénétrant pour se soumettre à un tel joug. L'arrêt porté contre la religion par l'interédulité serait légitime, qu'on n'en pourrait rien conclure contre la foi de Bossuet: car jamais l'homme n'est à l'abri de l'erreur; et combien on a vu d'esprits élevés, de profonds génies mettre leur force au service d'une illusion! Que d'exemples on en pourrait citer! Pour ce qui regarde Bossuet, on peut dire que la nature de son génie, loin de le détourner de la foi religieuse, devait l'y conduire au contraire, et l'y porter irrésistiblement. Il fut un de ces hommes qui naissent avec un esprit clairvoyant et vigoureux, mais aussi avec un violent besoin de régularité, d'ordre et d'unité. L'ordre intérieur, l'ordre extérieur, la régula rité dans sa conscience et dans sa vie, et la même régularité dans les autres qu'en lui-même, voilà ce que voulait impérieusement une nature telle que la sienne; c'était là son penchant souverain et son vou absolu. Pour le satisfaire, il ne pouvait s'adresser à la philosophie. avec un tel besoin, il faut

abdiquer l'indépendance de sa raison, principe éternel d'anarchie; il faul s'attacher au dogme religieux, seul élément d'unité parfaite dans le monde moral, comme les libres penseurs l'a vouent sans peine. La religion, le ca tholicisme, voilà ce qui seul pouvai fournir à Bossuet une base et un ni veau pour lui-même et pour les autres Sa foi fut sincère, sa conviction pro fonde, parce qu'il y avait en lui ur amour pour la stabilité que rien n'éga lait, si ce n'est son horreur pour la li berté inquiète et agitée. Qu'on soi donc sans soupçon et sans curiosit défiante en lisant ces ouvrages, où i épanche sa foi et dirige et anime cell des autres. Ne craignons pas d'êtr dupes, comme il arrive souvent, d'u feu d'imagination, d'un prestige d'élo quence, d'une hypocrisie de style. Re connaissons, respectons la piété d Bossuet, dont personne n'a douté dan son siècle.

Frappés d'une réunion si impo sante de vertus et de talents, ses ami et le public s'étonnaient qu'il n'e pas encore monté dans l'Eglise à u rang plus haut. Pour lui, il avait asse de la puissance morale qu'il s'était ac quise, de cette domination qu'il exe çait sur les âmes au nom et pour bien de la religion. Ces dignités, qu recherchaient tant d'ambitions, ne tentaient pas il attendait que les ho neurs vinssent à lui. En 1669, le r le nomma à l'évêché de Condom. I commence dans sa vie une nouvel époque illustrée par ses premières ora sons funèbres et par ses travaux pou l'éducation du dauphin. Il venait d'êt appelé à l'épiscopat, lorsque la rein d'Angleterre mourut. Depuis long temps la voix des ministres de l'Égli s'élevait sur la tombe des grands po célébrer leur vie et tirer une leçon ( leur mort; mais tous les vices de l'ér dition et du faux goût avaient régi dans ce genre, comme dans le reste et la flatterie l'avait trop souvent d tourné de son but le plus digne. Aus quel ne fut pas l'étonnement et l'adm ration des contemporains de Bossu à l'apparition de ce discours qui re

fermait le plus magnifique éloge et les plus fortes leçons; qui mêlait à la politesse du siècle et à toutes les convenances du tact et du goût, la gravité de l'histoire, la profondeur de la théologie, l'inspiration et la poésie des livres saints; qui était réglé et hardi, sublime et naturel; qui révélait enfin une éloquence inconnue et inimitable! La vie d'une princesse qui avait partagé la puissance et les malheurs de Charles I, et dont l'histoire offrait toutes les extrémités des choses humaines, était un des plus beaux sujets qui pût être fourni à l'éloquence; mais quelque grand que soit son sujet, Bossuet se place bientôt au-dessus par la force de sa piété et de son génie. Après avoir contemplé le spectacle que présentent de si graves événements et des infortunes si touchantes, il porte plus avant ses regards, et découvre l'action de cette main toute-puissante qui élève les trones et qui les abaisse, et donne, quand il le faut, aux princes et aux peuples de terribles leçons. « J'entrerai, dit-il, avec David dans les puissances du Seigneur, et je vous ferai voir les merveilles de sa main et de ses conseils.» Alors tout s'agrandit, tout s'élève. L'orateur devient un autre homme il est l'interprète enthousiaste, l'historien inspiré des volontés et de la politique de Dieu. C'est Dieu qui remplit sa pensée, c'est Dieu que présente son discours. C'est ce grand Dieu, comme il dit, qui donne la reine à l'Angleterre pour la consolation des catholiques affligés; c'est lui qui précipite l'Angleterre dans les malheurs des guerres civiles, et l'asservit à un usurpateur pour la punir de sa révolte contre l'autorité de l'Église et l'unité de la foi; c'est lui qui frappe la reine pour l'éclairer, et la fait malheureuse pour la faire chrétienne. Voilà la source de sublime que la croyance de Bossuet ouvre à son génie. Il est certain que, dans cette oraison funèbre et dans celles qui suivirent, son éloquence doit ses plus hautes inspirations à cette foi passionnée et hardie dans la Providence.

Un autre avantage de ce religieux

penchant à voir partout l'action de Dieu, c'est de trancher pour l'orateur beaucoup de ces questions délicates qui sont ordinairement un sujet de scrupule ou d'embarras dans la chaire chrétienne. Ainsi Bossuet peut honorer franchement dans ceux qu'il loue la noblesse du sang, l'éclat de la naissance; car, comme il le dit dans l'oraison funèbre de Marie-Thérèse, c'est Dieu qui prépare dans son conseil éternel les familles qui doivent gouverner les nations. Rien ne le gênera dans l'éloge des qualités militaires et des victoires d'un grand capitaine : car « c'est Dieu seul qui fait les guerriers et les conquérants, et qui seul les fait servir à ses desseins. » Un orateur dont la foi semble plus timide ou plus vulgaire, Fléchier, célébrant la gloire militaire de Turenne, s'interroge avec embarras sur la légitimité de la guerre : il raisonne, moralise, et n'autorise l'emploi de la force que pour la conservation de l'État: mais cela met - il à couvert son héros, et Fléchier peut-il croire que l'invasion de la Hollande et l'incendie du Palatinat étaient commandés par le salut de la France? Que Bossuet est au-dessus de ces distinctions et de ces douteuses apologies! Que ces difficultés sont loin de sa pensée, quand il parle de Condé ! C'est qu'à ses yeux Condé est le héros choisi du ciel pour protéger le berceau et pour illustrer le règne de Louis le Grand. Condé a reçu du ciel cette indomptable valeur, et Dieu a marché devant lui comme devant Cyrus. C'est Dieu qui a fait dans les grands hommes ces rares qualités, comme il a fait le soleil. Le plus beau présent qu'il puisse faire, c'est la piété; mais la fortune, le génie, la gloire, sont aussi son ouvrage, et tout part de sa puissante main. Sans cesse, dans les oraisons funèbres, Bossuet présente les grands génies qui jetaient tant d'éclat sur la France du dix-septième siècle, et le prince qui les réunissait autour de son trône, comme les ouvrages de prédilection et les agents de la Providence. Par là, il les avertit de ne pas s'attribuer leur gloire, et leur donne

une salutaire leçon par là aussi, par ce rapport contínuel qu'il établit entre eux et la suprême puissance, il les rehausse et les consacre, en quelque sorte, à leurs propres yeux et aux yeux de la foule. Il fait de cette monarchie, dont la grandeur était la force de la France, un pouvoir intermédiaire entre le ciel et la terre, un instrument divin et absolu des décrets éternels. Il fait de la nation à la tête de laquelle Dieu place un tel roi et de si rares génies, un peuple choisi et protégé comme Israël. Il flatte le souverain au nom de la religion même : il anime la nation du sentiment de son importance; et lui révélant les conseils de Dieu sur elle avec l'accent du prophète qui montre aux Hébreux la colonne lumineuse, il la remplit de confiance en ses destinées. C'est ainsi que cette foi sans bornes dans la Providence, qui fait de Bossuet l'homme le plus religieux et le plus éloquent de son siècle, donne à son génie un caractère éminemment national. Que les philosophes réclament, qu'ils trouvent Bossuet bien téméraire de mettre sans cesse en action la Divinité, et de se croire initié à tous ses secrets; que même, parmi les catholiques, des esprits mesurés lui reprochent d'aller trop loin dans l'interprétation d'une Providence qu'il faut croire, mais que l'homme ne peut expliquer toujours, ces réflexions ne se présentent pas quand on lit Bossuet, mais après qu'on l'a lu, et la chaleur de sa conviction et l'impétuosité de sa parole subjuguant la raison, nous entraînent comme elles entraînaient son siècle.

Après l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, et celle de la princesse Henriette, qu'il prononça bientôt après, et qui fit verser tant de larmes, Louis XIV,qui cherchait un précepteur pour le dauphin, s'empressa d'appeler Bossuet comme le seul digne de remplir cette tâche si grande de l'éducation d'un roi. Un scrupule qui fait honneur à Bossuet l'arrêta quelque temps: il ne voyait pas de moyen de concilier ses devoirs d'évêque avec ceux du poste où le roi l'élevait. Les instances de Louis XIV

ne lui permirent pas de refuser; mais un an après (1671), n'écoutant que sa conscience et indifférent aux intérêts de sa fortune, il se démit de son évêché. Ce qui ne fait pas moins d'honneur à Bossuet que ce sacrifice, c'est le soin et le zèle scrupuleux avec lequel il se prépara à ses fonctions de précepteur, se remettant à étudier tous les objets d'enseignement sur lesquels il ne se croyait pas parfaitement instruit. Malgré le penchant qui, de bonne heure, lui avait fait préférer l'étude des livres saints, il possédait des connaissances solides et variées dans les lettres profanes; il écrivait en latin comme un homme nourri de la lecture de Cicéron; il savait le grec aussi bien que les érudits de son temps. Cependant il lui sembla qu'il n'avait point encore toutes les ressources nécessaires: il relut un grand nombre d'auteurs anciens, faisant choix d'avance des parties dont l'étude conviendrait à son élève; il repassa l'histoire an cienne et la moderne; il entreprit des travaux sur la grammaire; et l'abbé Ledieu rapporte qu'il composa une grammaire latine pour faciliter les progrès du dauphin.

Au milieu de ces importantes occupations, Bossuet vit se tourner sur lui les regards de l'Académie fran çaise, où la mort de l'abbé Duchâtelet venait de laisser une place vacante. Il y fut appelé par les suffrages de toute la compagnie, et prononça son discours de réception le 8 juin 1671. Dans cette cérémonie, où triomphait dès cette époque l'éloquence d'apparat, son langage conserva cette mâle simplicité d'un grand esprit pour lequel l'expres sion n'est que le vêtement et non la pa rure de la pensée. Sans tomber dans ces compliments consacrés par l'usage et d'ordinaire si vides, il honore les tra vaux de l'Académie, et la remercie de son attention à veiller sur la langue dont la pureté et la beauté intéressent la gloire de la France. Mais à ces éloges il mêle un conseil; et, avec cette grandeur et cette sûreté de vues que le ge nie porte toujours dans la critique, demande qu'on laisse à la langue et

il

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