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Aucune force, en effet, ne leur disputa le passage; mais pourtant il fallut percer à travers une ceinture de forteresses et braver une population belliqueuse, qui pouvoit s'armer et faire tourner cette entreprise à la confusion des alliés.

Le plan de cette subite invasion consistoit, pour le corps d'armée de Bulow, à négliger toutes les places de la Flandre, à n'observer Berg-op-Zoom et Anversqu'avec des forces inférieures en nombre aux garnisons de ces villes, et à franchir ainsi les anciennes frontières de France, par Avesne et Vervins. Quant au général russe Wintzingerode, après avoir dépassé Juliers, Vanloo et Mastricht, il devoit négliger aussi les places des Ardennes, telles que Montmédi, Charlemont, Givet, Philippeville, Rocroy et Mézières, pour arriver également, par sa droite, sur Avesne, et, par sa gauche, sur Rethel. Mais cette marche audacieuse, il falloit l'effectuer au cœur de l'hiver, par des chemins jugés impraticables; il falloit tourner des forteresses qui, n'étant pas observées, pouvoient communiquer entr'elles; il falloit éviter les garnisons françaises, qui se mettoient en mouvement pour inquiéter les colonnes d'invasion.

Rien cependant ne put retarder la marche. des deux généraux confédérés.

Arrivé à Namur le 24 janvier, le lieutenantgénéral baron de Wintzingerode séjourne dans cette ville, pour réunir et diriger ses colonnes; le 5 février, il publie, une proclamation, promettant respect aux personnes et aux propriétés (1); il se met ensuite en route de Namur sur Avesne. Bientôt le général Czernicheff, qui commande son avant-garde, s'empare de Dinant et de Philippeville.

En même temps le général comte Woronsow, après avoir passé le Rhin à Cologne, prend aussi la direction de Namur, et de là marche sur Rethel, et se trouve bientôt en contact avec le général Strogonoff qui le suit. Presque toute cette frontière étoit disposée en faveur des alliés : déjà un partisan prussien, le baron de Falkenhausen, colonel de cavalerie, s'étoit porté sur Arlon, avoit poussé jusqu'à Namur et Liége, pour enlever à Napoléon toutes les ressources qu'il tiroit du pays de Sambre et Meuse; il avoit délivré les conscrits, poussant jusqu'aux limites du Luxembourg et des Ardennes. A son approche les Luxembourgeois s'étoient soulevés, aux acclamations

(1) Voyez Pièces justificatives, No. XLI.

de vivent les alliés ! mort aux Français ! Ils avoient marché au-devant des Prussiens et des Russes avec des bannières et des vivres : plus de soixante villages venoient de prendre part à ce soulèvement.

Arrivé à Avesnés, le lieutenant - général Wintzingerode y trouvé plusieurs pièces de canon de bronze, des armes et des munitions; il y établit son quartier-général, au commencement de février, et annonce hautement qu'il se rend à Laon, pour, de là, marcher sur Paris. En même temps ses colonnes de gauche s'emparent des routes de Vervins et de Mézières; elles pénètrent jusqu'à Rethel, et se dirigent sur Reims. Cette ville ouvre ses portes à cent cinquante cosaques. Toute l'avant-garde russe y arrive. Maître de Reims, le général Czernicheff se dirige, avec quatre à cinq mille hommes de troupes légères, sur Soissons, et somme cette ville de se rendre.

Situé dans un vallon riant et fertile sur la rivière d'Aisne, à huit lieues de Laon et à treize lieues de Reims, Soissons, l'une des plus anciennes villes de France, mais déchue aujourd'hui, contient à peine huit mille âmes. Elle est dépourvue de fortifications, et aucun ouvrage n'en défendoit même les approches; à peine pouvoit-elle résister à un

coup de main. Cependant Napoleon avoit jugé sa position importante à cause de son pont sur l'Aisne, qui forme comme le débouché de presque toutes les grandes routes du Nord sur Paris; ce boulevard forcé, rien ne pouvoit plus s'opposer à la jonction des forces venant du Nord avec l'armée de Silésie manœuvrant sur la Marne. On avoit réuni à Soissons mille hommes de garde nationale, et deux ou trois cents soldats de troupes de ligné. Napoléon venoit de confier ces troupes et la défense de la ville au général Rusca, Piémontais d'origine, officier intrépide et ardent, voué à ses intérêts depuis ses premières campagnes d'Italie. Echauffé par son zèle et par ses instructions, Rusca rejette toutes les sommations, et jure de se défendre jusqu'à la mort. Il fait créneler les maisons; il met seize pièces de canon en batterie; il range ses gardes nationaux en bataille. Ainsi, Soissons étoit destiné à éprouver le même sort que Sens et Nogent-sur-Seine, précisément à la même époque de la défense désastreuse de ces deux villes.

Après un combat assez vif, le 13 février, sur la route de Laon à Soissons, Czernicheff force la garnison de rentrer dans la place. Le lendemain, le général Wintzingerode attaque

lui-même Soissons des deux côtés de l'Aisne ; il :; met d'abord douze pièces de canon en batterie, et l'un des premiers coups renverse le général Rusca, qui ne survit qu'une heure à sa blessure. Sa mort abat le courage des Soissonnais, et décide du sort de leur ville. Les troupes, accablées par des forces supérieures, lâchent pied et se réfugient dans les maisons, poursuivies, pressées par les Russes qui y pénètrent en même temps. On se bat dans les rues; plusieurs des habitans sont tués dans la mêlée. Soissons, pris d'assaut et rempli d'épouvante, est livré pendant six heures au pillage et à la fureur brutale du soldat. Le général Lonchamp, trois colonels, douze à quinze cents hommes mettent bas les armes, et toute l'artillerie tombe au pouvoir des vainqueurs. Mais les Russes, qui déja se dirigeoient sur Epernay, ne restent que trente heures à Soissons. Les victoires de Buonaparte, à Montmirail et à Château-Thierry, décident Wintzingerode, dans la journée du 15 février, à une retraite précipitée sur la route de Reims. Le maréchal duc de Trévise réoccupe Soissons le 19, et en réorganise la défense; mais cet échec obscurcit les succès de Napoléon sur la Marne, et, dans sa colère, il fait traduire les généraux qui devoient rem

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