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dépouilles des riches églises de Toulouse ou de Bordeaux? Et, pour passer à un autre siècle et à un autre personnage, le midi de la France peut-il, en bonne foi, répondre aux louanges dont nous honorons ce Karl, surnommé Marteau, qui fut le fléau du midi; qui, chaque printemps, renouvelait ses incursions depuis Tours jusqu'à la Garonne, arrachant les vignes, enlevant les troupeaux, incendiant les villes, et traînant derrière ses bagages les hommes accouplés deux à deux comme des chiens?

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La nation à laquelle il convient réellement de fonder son histoire sur l'histoire des tribus frankes de la Gaule, c'est plutôt celle qui habite la Belgique et la Hollande, que les habitans

1 Les Franks écrivaient quelquefois Karel au lieu de Karl, mais ce mot étant accentué sur la première syllabe, l'e se prononçait très-faiblement. Voilà pourquoi en latin on orthographie Carolus plus souvent que Carlus. L'ancien nom germanique signifiait homme robuste. Quant au surnom de Martel, emprunté à une langue qui n'est plus la nôtre et que les Franks n'ont point parlée, il serait raisonnable de le remplacer par le mot de la langue actuelle qui repond également aux mots Martellus, Tudites, Malleus, Malleus fabri, donnés par les chroniques latines.

2 Binis ligatos more canum. Fredeg. Chron. Continuat.,) pars 1.

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de la France proprement dite. Cette nation vit tout entière sur le territoire que se partagèrent les Franks, sur le principal théâtre de leurs révolutions politiques; car la ville de Paris n'était pas au centre, mais à la frontière de leurs colonies. C'était le point d'où ils surveillaient la population romaine et barbare de la Gaule méridionale, population qu'ils tourmentaient de leurs expéditions vagabondes, et dont ils exigeaient une sorte de rançon annuelle au même titre que les pirates du Nord vinrent plus tard l'exiger d'eux-mêmes.

Le grand précepte qu'il faut donner aux historiens, c'est de distinguer au lieu de confondre; car, à moins d'être varié, l'on n'est point vrai. Mais malheureusement les esprits médiocres ont le goût de l'uniformité; l'uniformité est si commode! Si elle fausse tout, du moins elle tranche tout, et avec elle aucun chemin n'est rude. De là vient que nos annalistes français visent à l'unité historique; il leur en faut une à tout prix; ils s'attachent à un seul nom de peuple, ils le suivent à travers les temps, et voilà pour eux le fil d'Ariane. Francia, ce

mot, dans les cartes géographiques de l'Europe au quatrième siècle, est inserit au nord des embouchures du Rhin, et l'on s'autorise de cela pour placer en premier lieu tous les Français au-delà du Rhin. Cette France d'outre-Rhin se remue; elle avance; on marche avec elle. En 438, ellé parvient aux bords de la Somme; en 493, elle touche à la Seine; en 507, le chef de cette France germanique pénètre dans le sud de la Gaule jusqu'aux pieds des Pyrénées, non pour y fixer sa nation, mais pour enlever beaucoup de butin et installer quelques êvêques. Après cette expédition, l'on a soin d'appliquer le nom de France à toute l'étendue de la Gaule, et ainsi se trouvent construites d'un seul coup la France actuelle et la monarchie française. Établie sur cette base, notre histoire se continue avec une simplicité imperturbable, par une liste biographique de rois ingénieusement numérotés, lorsqu'ils portent des noms semblables.

Croiriez-vous qu'une si belle unité n'ait point paru assez complète? Les Franks étaient un peuple mixte; c'était une confédération d'hom

mes parlant tous à peu près la même langue, mais ayant des mœurs, des lois, des chefs à part. Nos historiens s'épouvantent à la vue de cette faible variété; ils la nomment barbare et indéchiffrable. Tant qu'elle est devant eux, ils n'osent entrer en matière, ils tournent autour des faits et ne se hasardent à les aborder franchement qu'à l'instant où un seul roi parvient à réunir sous une oppression commune ceux que leur liberté divisait. Mais ce n'est pas tout; l'unité produite par un seul empire est encore vague et douteuse, il faut l'unité absolue, l'unité d'un seul homme, et quand on ne la rencontre pas (ce qui est fort commun), on la suppose; car en elle se trouve le dernier degré de la commodité historique. La tribu Franke dont le chef a subjugué les autres, ne l'a point été elle-même; elle a aidé son chef dans ses entreprises; il est averti de la respecter par le sentiment même de la force qu'elle a déployée à son service. Il n'agit point sans elle, et c'est d'un commun accord que le bien et le mal se décident. Il y a des assemblées, des conseils, des votes publics; le roi reconnaît la puissance

nationale sur laquelle est fondée la sienne, et s'il l'oublie quelquefois, on la lui fait durement sentir. Sur tous ces faits, ennemis de l'unité, nos historiens procèdent par omission. Quand la volonté publique concourt librement avec celle du roi, ils attribuent tout à cette dernière; quand elle s'exerce à part, ils la nient ou la nomment illégale. Ils aiment que les choses aient l'air de marcher par l'impulsion d'une seule main ou sans qu'aucune main s'y applique. Dans les transmissions de pouvoir, ils s'arrangent pour que les successions se fassent mécaniquement, en quelque sorte; en un mot, ils vont constamment au rebours de la vérité et des témoignages contemporains, car les historiens originaux, à côté des faits de l'hérédité, ont toujours soin de présenter la sanction de l'hérédité même. « Thiode-rik étant mort, dit le >> continuateur de Frédégaire, les Franks choi» sirent pour roi Hlode-wig, son fils, encore >> enfant '.-Les Franks, dit encore le même écri

I Franci filium Theodorici parvulum regem elegerunt. (Chroni Fredeg. Continuat. pars I, sub anno 656.

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