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Dans l'intérieur de Malte, l'absence prolongée du consul Carnuson avait assez fait prévoir le résultat de sa mission. Aussi la nuit du 21 fut-elle employée en préparatifs de défense. Le grandmaître fit armer les milices, établir des palissades aux ouvrages avancés, transporter dans les murs de la ville les poudres qui se trouvaient dans les magasins extérieurs, operations qui, dans des temps calmes, auraient exigé plusieurs jours. 7,000 hommes furent rassemblés, mais ces troupes n'étaient ni disciplinées, ni aguerries; les canons étaient mal servis, leurs affûts pourris, les munitions mal réparties. Le grand-maître, enfermé dans son palais, ne paraissait pas ; les commandemens étaient distribués au hasard à ceux qui se présentaient pour les remplir. On voyait des enfans de 16 ans occuper des postes importans qui réclamaient des officiers consommés; et à la tête des milices, un bailli qui n'avait servi que sur mer, et un vieillard plus que septuagénaire. Tels étaient les chefs que l'ordre de Malte opposait à des généraux jeunes, audacieux, accoutumés à la victoire.

Le désordre régnait dans les murs de La Valette et s'accroissait d'heure en heure. Les habitans de la campagne, accourus en foule, hommes, femmes, enfans, se répandaient tumultueusement dans les rues, sur les places publiques, dans l'intérieur des maisons; le siége n'était pas commencé, les magasins regorgeaient de vivres et déjà la disette se faisait sentir. Les bruits de trahison, habilement propagés par les partisans de

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la France, circulaient au sein de cette multitude inquiète. On disait que les chevaliers des langues de France (ils formaient environ les deux tiers de l'ordre ), vendus de longue main au Directoire, avaient comploté de livrer Malte; on donnait pour chefs à cette conspiration trois commandeurs dont un avait la direction de l'artillerie, un autre celle du génie ce dernier, assurait-on, devait, en cas de résistance prolongée, intercepter l'eau de l'acquéduc qui alimentait la ville. De tels bruits, répandus dans les casernes et dans les postes militaires, servaient aux milices de motif pour se révolter, ou de prétexte pour fuir. Les chevaliers français voyaient presque partout leur autorité méconnue : au cri de trahison, ils étaient abandonnés, poursuivis, massacrés trois d'entre eux périrent sous la baïonnette de leurs soldats '; un quatrième, soupçonné d'intelligence avec les assiégeans, fut percé d'une balle au milieu du poste qu'il commandait; un autre fut précipité du haut des remparts par les hommes de son poste; cinquante environ furent blessés. La même confusion régnait dans les délibérations du conseil. La langue espagnole refusait de s'armer, prétextant l'alliance de sa nation avec la République Française. Plusieurs chevaliers des langues de France, et à leur tête le commandeur Bosredon de Ransijat, avaient exprimé un semblable refus. <«<< Nous avons prêté serment de combattre les

1 Ce furent MM. Montazet, Dormy et Vallin. 'M. d'Andelard.

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Turcs, avaient-ils écrit au grand-maître, mais non point de porter les armes contre nos frères. » Saisis par ordre du grand-maître, ils avaient été jetés dans les cachots.

Tandis que ces choses se passaient dans l'intérieur de Malte, le débarquement s'effectuait, et les troupes françaises faisaient des progrès rapides.

Desaix, ayant sous ses ordres legénéral Belliard et les troupes du convoi de Civita-Vecchia, s'emparait des batteries et des forts du côté de MarsaSiroco; les généraux Vaubois, Lannes et le chef de brigade Marmont, descendus près de la ville de Malte, s'avançaient sous le canon de la place. Ces diverses opérations eurent lieu sans aucune difficulté. Comme les forts n'étaient point approvisionnés, les Maltais ne voulurent pas s'y renfermer pour se défendre. Les soldats avaient à peine des cartouches, et les affûts des pièces étaient en si mauvais état, que, quand on voulut les tirer, la plupart se brisèrent.

Une compagnie, débarquée dans l'anse de SaintJulien, dispersa, sans tirer un coup de fusil, un hommes. 1,200 régiment entier de milice, fort de Le bailli Tomasi voulut défendre le retranchement dit du Naiciar, contre un bataillon qui avait débarqué à la Mellecha et à Saint-Paul; mais tourné par quelques compagnies qui venaient de prendre terre à Saint-Georges et à Saint-Julien, le bailli fut abandonné par les milices qu'il avait sous ses ordres, et eut beaucoup de peine à se retirer jusqu'à la ville. Le général Vaubois avait

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marché sur la Cité-Vieille, qui n'ayant ni troupes, ni canons, ni vivres, ni commandant, lui ouvrit ses portes à neuf heures du matin. A dix heures toute la campagne, les petits forts de la côte, à l'exception de celui de Marsa-Siroco étaient au pouvoir des Français. La plupart des chevaliers qui étaient dans ces différens postes furent faits prisonniers et conduits à Bonaparte, qui leur dit : « Comment pouviez-vous croire qu'il fût possible de vous défendre avec de misérables paysans, contre les troupes qui ont vaincu et soumis l'Europe! » Il se trouvait quelques Français parmi les chevaliers prisonniers; Bonaparte les fit relâcher. << Puisque vous avez pu prendre les armes contre votre patrie, leur dit-il, vous auriez dû savoir mourir. Retournez à Malte tandis qu'elle ne m'appartient pas encore. »

A onze heures, on fit sortir du port une galère, une chaloupe canonnière et deux galiottes, pour tâcher d'inquiéter le débarquement des troupes, qui s'effectuait toujours à Saint-Julien. Quand ces bâtimens eurent épuisé le peu de munitions qu'ils avaient, ils rentrèrent dans le port. Une sortie fut tentée du côté de la Pieta, mais les troupes, composées du régiment de Malte et du bataillon des vaisseaux, ne purent tenir contre le détachement français que commandait le chef de brigade Marmont, qui s'empara, en cette occasion, du drapeau du régiment de Malte. Elles se sauvèrent dans les fortifications de la Floriane ; mais, comme ces dernières étaient sans artillerie, les soldats maltais furent obligés de se rendre.

A midi, il ne restait au service de l'ordre que 4,000 hommes, la plupart de mauvaise volonté. Avec ce petit nombre, il fallait défendre la ville, les forts Manoel, Tignié, Ricazzoli, Saint-Ange, la Cotionère, le bourg et l'île de la Sangle.

La ville continuait à se remplir de fuyards, de femmes et d'enfans des habitans de la campagne. Pendant le reste de la journée les forts tirèrent sur les troupes françaises, mais sans leur faire éprouver de perte sensible.

Vers neuf heures du soir, une terreur panique s'empara du commandant et des soldats qui gardaient le poste de la Sangie; ce détachement vint se réfugier dans la ville, et fut obligé de rester long-temps à la porte vers laquelle il s'était dirigé, jusqu'à ce que le grand-maître eût ordonné qu'elle lui fût ouverte. Il régnait une telle confusion dans Malte, que les patrouilles se fusillaient entre elles, et que les alertes étaient continuelles. A minuit, le tribunal de la Rote, les barons et les principaux habitans de la ville, craignant qu'une résistance, désormais inutile, n'amenât le bombardement de la place, et voyant tous les moyens de défense paralisés, par l'incapacité du grandmaître, dont l'indécision avait laissé de tous côtés gagner le désordre, se rendirent à son palais pour l'inviter à capituler. Sur leur demande, il fit assembler le conseil ; il y fut décidé qu'on enverrait au général Bonaparte le bailli de Souza et le consul de Hollande Fermosa, pour traiter de la capitulation. Le 23, à cinq heures du matin les forts reçurent l'ordre de ne plus tirer sur les

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