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je croirai pouvoir contribuer à la réussite d'une expédition, qui, en assurant à la République une paix durable, mettra le comble à votre gloire particulière. »

D'après les journaux, la levée des marins dans la Méditerranée était en grande activité. Six vaisseaux de ligne étaient déjà armés à Toulon, et plusieurs autres en armement.

Berthier était arrivé à Gênes, avait demandé au gouvernement de mettre à sa disposition tous les bâtimens en état de service pour une expédition importante et secrète. Soixante-dix vaisseaux lui avaient été aussitôt fournis et on travaillait à leur équipement.

Il se préparait une expédition à la fois savante et militaire, dont la destination était pour une autre partie du monde. Des hommes très-distingués dans toutes les sciences et dans tous les arts, en faisaient partie; les combattans étaient au nombre de 20,000. On parlait de l'Égypte où les Français 'iraient descendre, disait-on, du consentement du grand seigneur. Peut-être était-on destiné à voir renouveler une expédition plus brillante que ne l'avait été celle d'Alexandre. Le fait était que l'on se perdait en conjectures et qu'on ne pouvait faire mieux, tant le gouvernement gardait bien son secret.

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En même temps les armemens se pressaient dans les ports de l'Océan. Il y avait déjà huit vaisseaux en rade à Brest. Le contre-amíral Nielly avait le commandement des forces navales..!

D'après les rapports qui lui avaient été adressés

par le ministre de la marine pendant son voyage à Brest, et considérant que le défaut de concert entre les opérations de l'armée de terre et celles de l'armée navale, destinées à l'expédition contre l'Angleterre, apportait des obstacles à leur célérité, et pouvait en entraver les succès, le Directoire avait arrêté, 13 germinal (2 avril ), que le général Bonaparte se rendrait à Brest dans le courant de la décade pour y prendre le commandement de l'armée d'Angleterre; qu'il était chargé de la direction de toutes les forces de terre et de mer, destinées à l'expédition contre l'Angleterre.

On publiait la liste des savans qui feraient partie de la grande expédition que l'on préparait. Les instrumens qui devaient leur servir étaient partis la veille de Paris. Ces savans allaient en Égypte, disait celui-ci ; ils allaient aux Indes, disait celuilà; un troisième ajoutait : ils vont percer l'isthme de Suez.

Le général Bonaparte devait partir sous peu pour Toulon, et son épouse devait l'y suivre.

On répandit à Milan que Bonaparte se rendait à Toulon et de là à Gênes, pour y faire exécuter sous ses yeux l'embarquement qui s'y préparait. Les uns disaient que cette division de l'armée navale devait agir contre le Portugal, les autres qu'elle devait se réunir à la grande armée de Brest.

Des esprits, ou plus pénétrans ou plus romanesques, pensaient qu'elle devait porter jusqu'à l'isthme de Suez 20 ou 30,000 hommes d'élite qui passeraient de là dans l'Inde pour en chasser les Anglais.

A tous ces bruits quelques feuilles publiques ajoutèrent même que le général avait quitté Paris, mais cette nouvelle fut bientôt démentie et l'on apprit qu'au moment où il achevait ses préparatifs, des circonstances graves et imprévues étaient venues jeter de l'hésitation dans son esprit et inquiéter les directeurs ; c'étaient les révolutions de Suisse et de Rome, et l'insulte faite à Vienne à l'ambassadeur français, Bernadotte.

Le Directoire, dit-on, manda Bonaparte pour s'appuyer de son influence sur l'opinion, lui donna connaissance d'un message aux conseils pour déclarer la guerre à l'Autriche, et d'un décret qui lui conférait le commandement de l'armée d'Alle magne. Mais l'opinion du Directoire ne fut point partagée par Bonaparte. Suivant lui, le choix de Bernadotte était mauvais, son caractère était trop exalté pour un ambassadeur, sa tête n'était pas assez calme, il avait eu matériellement tort. Déclarer la guerre à l'Autriche c'était jouer le jeu de l'Angleterre. Croire que, si le cabinet de Vienne eût voulu la guerre, il eût insulté l'ambassadeur, c'était peu connaître sa politique. Il aurait au contraire caressé, endormi, tout en faisant marcher ses troupes. On pouvait être certain qu'il donnerait satisfaction. Se laisser entraîner ainsi par tous les événemens, c'était ne point avoir de systême politique '. L'avis de Bonaparte prévalut; le Directoire attendit.

'Montholon, tome IV, page 295.

En arborant le drapeau tricolor à son hôtel, Bernadotte fut entraîné sans doute par un sentiment exalté de la dignité de la République. Mais le moment était mal choisi, et ce fut une faute.

On n'aurait pas trouvé bon, à Paris, lorsqu'on y fêtait les victoires de la République, qu'un ambassadeur d'Autriche y eût fêté celles de son pays, s'il en avait eu à célébrer; mais la faute de Bernadotte, et le choix de sa personne, bon ou mauvais ou désagréable à l'Autriche, ne légitimaient point la violation de son caractère, suscitée ou au moins tolérée par un gouvernement dont la police est toujours prête à empêcher le rassemblement de quatre individus, dans une rue de la capitale. Le Directoire se serait dégradé en donnant tort à son ambassadeur et en supportant cette injure. Malgré cette affaire et la répugnance de Bernadotte pour les ambassades, le Directoire le nomma peu de temps après ministre plénipotentiaire près la République Batave. Il refusa, et dans sa fierté républicaine, répondit au Directoire qui avait approuvé sa conduite: «. Vous avez justement senti que la réputation d'un homme qui avait contribué à placer sur son piédestal la statue de la liberté, était une propriété nationale. »

Au premier bruit de l'événement de Vienne, Bonaparte expédia, le 4 floréal (23 avril), des contre-ordres dans la Méditerranée. Il ordonna aux généraux Barraguay-d'Hilliers, à Gênes, et Desaix, à Civita -Vecchia, de débarquer leurs troupes, si elles étaient embarquées ; de rentrer

dans le port, si elles avaient mis à la voile; et de les cantonner de manière à pouvoir les embarquer en 48 heures.

Il prévint le général Brune que ces troupes étaient mises à sa disposition, si des indices lui faisaient penser qu'il penser qu'il en avait besoin. « Dans ces nouvelles mesures, lui mandait-il, vous voyez l'effet des événemens qui viennent d'arriver à Vienne, sur lesquels cependant le gouvernement n'a encore rien de positif. Si jamais les affaires se brouillent, je crois que les principaux efforts des Autrichiens seraient tournés de votre côté, et dans ce cas, je sens bien que vous auriez besoin de beaucoup de moyens, et surtout de beaucoup d'argent ».

I

Si l'on en croit Napoléon, il commença alors à craindre, qu'au milieu des orages qu'accumulaient chaque jour la marche incertaine du gouvernement et la nature des choses, une entreprise en Orient ne fût devenue contraire aux vrais intérêts de la patrie. « L'Europe, dit-il au Directoire, n'est rien moins que tranquille; le congrès de Rastadt ne se termine pas; vous êtes obligés de garder vos troupes dans l'intérieur, pour assurer les élections; il vous en faut pour comprimer les départemens de l'Ouest. Ne convient-il pas de contremander l'expédition, et d'attendre des circonstances plus favorables? » Le Directoire alarmé, craignant qu'il ne voulût se mettre à la tête

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