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paient à l'allégresse commune en voguant, séparées des hommes, dans des nacelles où se faisaient entendre des chants et de la musique.

Le 1er. fructidor (18 août), à 6 heures du matin, accompagné des généraux, de l'état-major, du kiaya, du divan, du mollah, de l'aga, du qady et de plusieurs autres fonctionnaires ou personnages distingués, Bonaparte se rendit à l'entrée du khalig. Un peuple immense couronnait tous les monticules qui bordent le Nil et le canal. La flottille était pavoisée; une partie de la garnison sous les armes ; le coup-d'oeil imposant. L'arrivée du cortége fut annoncée par des salves d'artillerie. Les musiques française et arabe exécutaient différens airs. Le cheyk du meqyas annonça que le Nil s'était élevé à la 15°. coudée ( 25 pieds ). Le procès-verbal en fut dressé et signé. On travailla à couper la digue; l'effort du fleuve seconda les ouvriers, elle disparut, et la barque de l'oualy du Vieux-Kaire vogua la première sur les eaux qui roulèrent en torrent dans le canal. Hommes, femines et enfans tous s'y précipitèrent, attribuant des vertus à ce bain tumultueux. Les femmes y jetaient des mèches de cheveux, des morceaux d'étoffe, attendant de ces offrandes la fécondité ou d'autres biens. Bonaparte jeta au peuple plusieurs milliers de médins et des pièces d'or au bateau qui le premier entra dans le canal. Il revêtit de la pelisse noire le mollah, de la pelisse blanche le nakib-redjah, et fit distribuer 38 caftans aux principaux officiers civils et militaires du pays. Le cortége retourna sur la place

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d'Esbekyeh, suivi par le peuple qui chantait les louanges du prophète et de l'armée française, et maudissait les beys et leur tyrannie « Oui, disait-il, vous êtes venus nous délivrer par l'ordre de Dieu miséricordieux; car vous avez pour vous la victoire et le plus beau Nil qu'il y ait eu depuis un siècle. Ce sont deux bienfaits que Dieu seul peut accorder. »

« La fête qu'on a célébrée ici pour l'ouverture du canal du Nil, écrivit Bonaparte aux généraux Vial et Menou, a été très-belle, et a paru faire plaisir aux habitans. Celle du prophète le sera encore davantage. »

Elle fut en effet célébrée au Kaire avec une grande pompe et par les commandans dans plusieurs provinces. Elle commença le 2 fructidor et dura quatre jours. Il y eut grande parade des troupes de la garnison. Tous les officiers généraux et supérieurs allèrent faire visite et présenter leurs félicitations au cheik El-Bekry, reconnu pour le premier descendant de Mahomet, nommé le matin le Nakik-el-Ascheraf ou chef des cheyks, en remplacement d'Osman-Effendi qui avait pris

* C'était une flatterie de la part du vaincu envers le vainqueur; car telles furent, pendant le séjour des Français, les crues du Nil à partir des plus basses eaux qui ne sont presque jamais au dessous de 5 pieds:

An 6, 22 pieds 6 pouces. Bonne.

7, 21
8, 24

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A 20 pieds, la crue ne suffirait pas pour arroser la très-grande majorité des terres.

Lettres des 1er. et 3 fructidor.

Il

la fuite. Bonaparte s'y rendit aussi. On commença par réciter une espèce de litanie comprenant la vie de Mahomet depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Une centaine de cheyks, assis en cercle sur des tapis et les jambes croisées, récitaient les versets en balançant fortement le corps en avant et en arrière et tous ensemble. Ensuite on servit un grand dîné où l'on fut assis sur des coussins. y avait de 100 à 120 convives répartis en 20 tables. Celle du général en chef et du cheyk ElBekry était au milieu; c'était un petit plateau de bois précieux et de marqueterie élevé à 18 pouces de terre. On servit successivement un grand nombre de plats; c'étaient des pilaux de riz, des rôtis, des entrées, des pâtisseries, le tout fort épicé. Les cheyks dépeçaient tout avec leurs doigts; aussi pendant le repas offrit-on trois fois à laver. On eut pour boisson de l'eau de groseille, de la limonade, plusieurs espèces de sorbets, et pour dessert beaucoup de compotes et de confitures. Le soir, toute la ville fut illuminée. On alla sur la place d'Esbekyeh, dont l'illumination en verres de couleur était fort belle. Il s'y trouva un peuple immense. On était placé en ordre par rangs de 20 à 100 personnes, qui récitaient debout des prières et des litanies avec des mouvemens qui finissaient par devenir convulsifs.

« Nous avons, écrivit Bonaparte à Menou, célébré ici la fête du prophète avec une pompe et une ferveur qui m'ont presque mérité le titre de saint'.»

'Lettre du 11 fructidor.

le

Quoique les agens de la Porte en Égypte n'eussent pas répondu aux démarches pacifiques que Bonaparte n'avait cessé de faire auprès d'eux, depuis son arrivée devant Alexandrie, il n'en continua pas moins de manifester dans tout le Levant des sentimens de paix envers le grand-seigneur. Il fit tous ses efforts pour ouvrir des communications directes avec le cabinet ottoman, afin de prévenir une rupture. Il chargea le consul français à Tripoli de Barbarie de faire connaître au bey de cette régence que la République Française continuerait à vivre en bonne intelligence avec lui comme par passé; que tous les sujets du bey seraient également protégés en Égypte, espérant de son côté qu'il se comporterait envers la République avec tous les égards qui lui étaient dus ; qu'il célébrait la fête du prophète avec la plus grande pompe; que la caravane de Tripoli allait partir; qu'il l'avait protégée, et qu'elle n'avait eu qu'à se louer des Français; d'engager le bey à envoyer beaucoup de vivres à Malte, des moutons à Alexandrie, et à faire savoir aux fidèles que les caravanes seraient protégées et que l'émir-haggi était nommé 1.

L'émir-haggi expédia un exprès à Constantinople. Bonaparte chargea Kléber de lui donner toutes les facilités nécessaires pour son passage. Le général en chef s'adressa au grand-visir par la lettre suivante :

<«< L'armée française que j'ai l'honneur de commander est entrée en Égypte, pour punir les

*Lettres des 17 thermidor et 1er. fructidor.

beys mamlouks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français. Le citoyen TalleyrandPérigord, ministre des relations extérieures à Paris, a été nommé, de la part de la France, ambassadeur à Constantinople, pour remplacer le citoyen Aubert Dubayet, et il est muni des pouvoirs et instructions nécessaires de la part du Directoire exécutif, pour négocier, conclure et signer tout ce qui est nécessaire, afin de lever les difficultés provenant de l'occupation de l'Égypte par l'armée française, et de consolider l'ancienne et nécessaire amitié, qui doit exister entre les deux puissances. Cependant, comme il pourrait se faire qu'il ne fût pas encore arrivé à Constantinople, je m'empresse de faire connaître à votre excellence l'intention où est la République Française, non- seulement de continuer l'ancienne bonne intelligence, mais encore de procurer à la Porte l'appui dont elle pourrait avoir besoin contre ses ennemis naturels, qui, dans ce moment, viennent de se liguer contre elle.

L'ambassadeur Talleyrand-Périgord doit être arrivé. Si, par quelque accident, il ne l'était pas, je prie votre excellence d'envoyer ici, au Kaire. quelqu'un qui ait votre confiance, et qui soit muni de vos instructions et pleins pouvoirs, ou de m'envoyer un firman, afin que je puisse envoyer moi-même un agent, pour fixer invariablement le sort de ce pays, et arranger le tout à la plus grande gloire du sultan, et de la République Française, son alliée la plus fidèle, et à l'é

TOME I.

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Guerre d'Égypte.

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