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Après avoir rattaché votre âme au monde par T'amour filial et l'amour maternel, appréciez pour quelque chose l'amitié et le vif intérêt que je prendrai toujours à la femme de mon ami: persuadezvous qu'il est des hommes, en petit nombre, qui méritent d'être l'espoir de la douleur, parce qu'ils sentent avec chaleur les peines de l'âme 1».

En envoyant cette lettre à l'ordonnateur de la marine à Toulon, pour la remettre à la veuve Brueys avec tous les ménagemens possibles, il lui écrivait «< Soyez assez aimable, je vous prie, pour faire connaître à ma femme, dans quelque lieu qu'elle se trouve, et à ma mère, en Corse, que je me porte bien. J'imagine que l'on m'aura dit, en Europe, tué une douzaine de fois "».

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Le brick la Salamine, qui avait appareillé de dessous le fort d'Abouqyr, le 15 thermidor, rallia, à dix lieues S. du cap Célidonia, le contre-amiral Villeneuve, qui l'expédia, le 20, à Alexandrie pour informer de sa situation le général en chef et lui faire le rapport de sa conduite. Le 15 messidor, à deux heures du matin, se voyant seul avec le Généreux, les frégates la Diane et la Justice, en état de combattre et de faire voile, étant canonné par les vaisseaux auxquels il ne pouvait riposter et qui auraient fini par le réduire à la nécessité de faire côte, il avait préféré appareiller et essayer de sauver les débris de l'escadre en combattant sous voiles. Les ennemis avaient dé

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taché trois vaisseaux pour le poursuivre; mais ils avaient bientôt reviré dans leur escadre; un seul avait donné et reçu une bordée, et il était sorti de la baie avec le Guillaume-Tell, suivi du Généreux, de la Diane et de la Justice. Il allait tâcher de gagner le port de Malte où il désirait recevoir des ordres. Il se proposait d'envoyer de cette île un extrait de son journal pour faire apprécier la nécessité absolue du parti qu'il avait pris. Néanmoins son coeur était navré de chagrin et de tris

tesse.

Cependant, tandis que l'amiral Brueys était aux prises avec les vaisseaux anglais, Villeneuve qui commandait l'aile droite, pouvait couper ses câbles et tomber sur la ligne anglaise avec les cinq vaisseaux qui étaient sous ses ordres. Au dire de Nelson et des Anglais, même après l'explosion de l'Orient, Villeneuve aurait pu décider la victoire. Il le pouvait encore à minuit, s'il eut appareillé et pris part au combat. Ce contre-amiral étant brave et bon marin, on se demande la raison de cette singulière inaction. Il attendait, dit-on, des ordres. On assure que l'amiral lui avait fait signal d'appareiller, mais que la fumée l'empêcha de l'appercevoir. Fallait-il un ordre pour prendre part au combat? L'Orient sauta vers onze heures. On se battit ensuite pendant treize heures. Le commandement appartenait à Villeneuve. Pourquoi donc ne fit-il rien? Il était d'un caractère irrésolu et sans vigueur '.

Gourgaud, tome II, page 183.

Il paraît que Bonaparte jugea inutile de blâmer sa conduite; il répondit au contraire à son rapport: « Si l'on pouvait vous faire un reproche, ce serait de n'avoir pas mis à la voile immédiatement après que l'Orient a sauté, puisque depuis trois heures, la position que l'amiral avait prise, avait été forcée et entourée de tous côtés par l'ennemi. Vous avez rendu dans cette circonstance, comme dans tant d'autres, un service essentiel à la République en sauvant une partie de l'escadre1».

Le général en chef s'occupait sérieusement d'en réorganiser une autre. En réunissant pendant tout Phiver ce qu'il y avait dans les différens ports de la Méditerranée à Corfou, Malte, Ancône et Alexandrie, elle se serait composée de dix vaisseaux, y compris deux vénitiens attendus de Toulon, avec un convoi, et de huit ou dix frégates. Son but était, avec cette escadre, de contenir les forces maritimes de la Porte, de favoriser le passage des convois qu'il espérait recevoir de la France et de seconder les opérations ultérieures de l'armée. Il écrivit donc à Villeneuve de travailler à cette réunion, et aux généraux Vaubois et Chabot, suivant que ce contre-amiral irait à Malte ou à Corfou, de le seconder et de lui fournir tout ce qui lui serait nécessaire, en matelots, en garnisons et en approvisionnemens 2. Il se proposait, lorsque les Anglais auraient quitté les parages de l'Égypte, d'envoyer des matelots à Ancône et à

'Lettre du 4 fructidor (21 août).

*Lettres du 30 thermidor et 4 fructidor ( 17 et 21 août).

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Corfou, pour renforcer les équipages. Et revenant sur la question dont l'indécision avait causé la perte de la flotte, il fit au capitaine Barré cette demande laconique : « Si un bâtiment de 74 se présente devant le port d'Alexandrie, vous chargerez-vous de le faire entrer ?» La réponse de Barré ne pouvait pas être douteuse; mais l'occasion ne se présenta plus pour la marine française d'en faire l'expérience. Ce fût Sidney Smith qui résolut la question en faisant entrer plus tard dans le port d'Alexandrie, deux vaisseaux anglais de 80, le Tigre et le Canopus.

Le contre-amiral Blanquet Duchayla avait aussi fait, à Bonaparte, un rapport sur la bataille navale jusqu'au moment où le Franklin, qu'il montait, s'était rendu, de dix à onze heures du soir; mais principalement jusqu'à la blessure qui lui avait fait laisser le commandement à huit heures. Suivant lui, ce vaisseau était démâté de son grand mât et du mât d'artimon, l'équipage était anéanti, et il était entouré de six vaisseaux ennemis. Il prévenait le général en chef qu'il avait obtenu, de l'amiral anglais, d'être transporté sur les côtes de l'Italie, à bord de l'Alexander, avec son capitaine de раvillon, son chirurgien-major et son secrétaire'.

Kléber mandait de son côté au général en chef: <«< Le contre-amiral Blanquet, qui a le nez totalement emporté, est parti hier matin pour atteindre

1 Lettre du 26 vendémiaire an VII (17 octobre). Lettre du 25 thermidor (12 août).

au large le bâtiment anglais qui doit le prendre à son bord et le conduire en Italie'.

Cependant Bonaparte demandait à Gautheaume: « Pourquoi le Franklin s'est-il rendu presque sans se battre?» Et à Kléber: « Faites-moi connaître ce que l'opinion dit sur la conduïte du Franklin ; il paraît qu'il ne s'est pas battu 2».

Par un ordre du jour du 7, il décerna de justes éloges aux marins qui, dans la fatale journée du 14 thermidor, avaient glorieusement soutenu l'honneur du pavillon français, et notamment à la mémoire du capitaine Du Petit-Thouars. Le Franklin y était maltraité. Kléber lui écrivit qu'il l'avait vu avec peine, ajoutant: « Les justes éloges que vous donnez à la conduite du capitaine Du Petit-Thouars du Tonnant, devaient être partagés avec le capi taine Thévenard de l'Aquilon, qui a combattu avec le même dévouement et le même héroïsme. Ces deux hommes méritent un monument; il me serait doux de l'ériger 3 ».

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Tandis que Kléber formait ce vou, Bonaparte le prévenait en partie; il arrêtait que le nom de Du Petit-Thouars serait donné à une des principales rues du Kaire, et que le brick, appartenant aux Mamtouks, qu'on y avait trouvé, s'appellerait le

Tonnant.

Gantheaume répondit que le lendemain du combat, il avait envoyé son aide-de-camp Daurac

'Lettre du 29 thermidor ( 16 août ).

2 Lettres du 4 fructidor ( 21 août). 3 Lettre du 13 (30)..

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