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dant que le mouillage d'Abouqyr lui permettait de prendre une position militaire qui le mît en état de résister à l'attaque de l'ennemi.

Tel était l'état des choses, le 19 messidor, lorsque Bonaparte partit d'Alexandrie avec l'armée. Le même jour, après midi, Brueys arriva dans la rade d'Abouqyr, forma une ligne de bataille à deux tiers d'encablure de distance; le vaisseau de tête le plus près possible de l'écueil qui lui restait dans le nord-ouest, et le reste de la ligne formant une ligne courbe le long des hauts-fonds, de manière à ne pas être doublé dans le sudouest. Cette position lui parut la plus forte que l'on pût prendre dans une rade ouverte, où il n'était pas possible de s'approcher assez de terre pour y établir des batteries, et où deux escadres ennemies pouvaient rester à la distance qui leur convenait. Il écrivait au ministre de la marine en l'instruisant de cette manoeuvre qu'il espérait cependant qu'on parviendrait à trouver un passage par lequel les vaisseaux de 74 pourraient entrer dans le Port-Vieux, mais que la sortie serait toujours très-difficile et très-longue, et que dès lors une escadre y serait mal placée '.

Brueys eut connaissance par un bâtiment maltais qu'une escadre anglaise de 14 vaisseaux et un cutter avaient été vus dans les parages de la Sicile. Il ne douta pas que ce ne fût la même qui avait paru le II devant Alexandrie ; « il était, écrivait-il à Bonaparte, en état de la recevoir. Il s'occupait

'Lettre du 20 messidor (8 juillet ).

à faire prendre à l'escadre une position formidable, dans le cas où il serait forcé de combattre à l'ancre; ce travail se faisait lentement, à cause des vents du nord qui soufflaient avec force. Il avait demandé deux mortiers à Alexandrie pour les placer sur l'écueil ou îlot sur lequel il avait appuyé la tête de la ligne; mais il craignait bien moins pour cette partie que pour la queue, sur laquelle les ennemis porteraient vraisemblablement tous leurs efforts. Cette rade était trop ouverte pour qu'une escadre pût y prendre une position militaire contre l'attaque d'un ennemi supérieur 1.

Quant aux sondes, Kléber écrivit au général en chef: D'après le résultat de celles faites par le capitaine Barré, il il paraît que l'escadre pourra entrer dans le port. C'est une des meilleures nouvelles, je pense, que je puisse vous annoncer. On va s'occuper du balisage et de l'établissement des signaux

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».

Moins affirmatif, l'amiral mandait de son côté : << Nos sondeurs espèrent avoir trouvé une passe dans laquelle il n'y aura pas moins de cinq brasses et demie, ce qui fait 27 pieds 6 pouces. Si cela est, nos vaisseaux pourraient entrer avec un vent favorable et une belle mer; mais il y aura toujours la sortie qui sera pénible et dangereuse 3 », Du reste, il se plaignait de ce que les garnisons

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de ses vaisseaux étaient très-faibles et composées de soldats valétudinaires, jeunes et insubordonnés; il lui semblait qu'on n'avait fait un choix dans l'armée que pour donner ce qu'il y avait de plus mauvais; il attendait des vivres de Rosette, sans quoi il se verrait bientôt forcé de réduire la ration; il avait de la peine à se procurer de l'eau, et il manquait de bois.

Il annonçait l'arrivée à Alexandrie d'un convoi escorté par 3 avisos et une demi-galère, en tout 17 bâtimens restés en arrière. Il terminait ainsi sa dépêche : « J'attends de vos nouvelles avec bien de l'impatience, mes voeux vous accompagnent partout, et, s'ils sont exaucés, tous vos pas seront marqués par des succès 1». Par cette lettre, on voit déjà que, dans l'opinion de l'amiral, sa position au mouillage d'Abouqyr ne répondait pas aux espérances qu'il avait d'abord manifestées dans ses lettres à Bonaparte, des 14 et 19 messidor; et qu'en tout il montrait moins de confiance et plus d'incertitude.

Dans ce moment même, le capitaine Barré fit à l'amiral le rapport de ses sondes; il se terminait ainsi : « Je désire, général, avoir rempli vos intentions, ainsi que celles du général en chef, et mon avis, en dernière analyse, est que les vaisseaux peuvent passer avec les précautions d'usage que vous connaissez mieux que moi».

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Barré remit copie de ce rapport au chef de di

Lettre du 25 messidor (13 juillet).

Rapport du 25 messidor. Voyez Pièces Justificatives, no. VII.

vision Dumanoir, qui en approuva les conclusions et transmit son avis à l'amiral.

Brueys ne trouva point le rapport assez satîsfaisant; il en résultait qu'on était obligé de passer sur un fond de 25 pieds; et les vaisseaux de 74 en tiraient au moins 22; il fallait par conséquent un vent fait exprès et une mer calme pour hasarder d'y passer sans courir le plus grand risque d'y perdre un vaisseau, d'autant que le passage était étroit et que l'effet du gouvernail était moins prompt, lorsqu'il y avait peu d'eau sous la quille. Il chargea donc le capitaine Barré de continuer ses recherches pour savoir s'il ne trouverait pas mieux dans l'espace compris entre la tour du Marabou et la côte de l'est, et d'envoyer son travail quand il serait fini au général en chef, ainsi que sa façon de penser sur la qualité des vaisseaux qu'on pouvait se permettre de faire entrer dans le Port-Vieux, avec certitude de ne pas les risquer 1. Cette dernière phrase est remarquable de la part de l'amiral qui était sur les lieux et dont c'était le métier.

Barré envoya au général en chef son rapport et copie de la lettre de l'amiral sans aucune réflexion. La sécheresse de sa dépêche semblerait annoncer que l'extrême circonspection de Brueys lui donnait de l'humeur, et qu'il répugnait à faire le nouveau travail qui lui était prescrit.

La frégate l'Arthémise, qui avait porté Lavalette de Malte à Corfou pour remplir une mission

'Lettre du 2 thermidor (20 juillet ).

de Bonaparte auprès d'Ali-Pacha, et escorté le grand-maître Hompesch jusque sur l'île Melada, rejoignit la flotte à Abouqyr le 1er. thermidor. Elle confirma, d'après la déposition d'un bâtiment impérial, que l'escadre anglaise avait été vue à l'est du phare de Messine. Le lendemain un bâtiment turc déclara l'avoir rencontrée le 28 messidor à 30 lieues dans l'ouest de l'île de Candie. L'amiral ne pouvait s'expliquer la manoeuvre des Anglais, et l'attribuait au défaut de vivres qui les avait forcés de retourner, sans combattre une escadre sans doute ils avaient ordre de chercher.

que

La frégate la Junon s'échoua en entrant dans la baie d'Abouqyr, et faillit périr. Il fallut la mettre en état d'être envoyée à Alexandrie pour être virée en quille.

L'amiral ne reçut que le 2 thermidor deux mortiers qu'il avait demandés pour placer sur l'écueil où la tête de sa ligne était appuyée; et comptait les faire placer le lendemain '.

Le même jour, 3, on eut une alerte sur la flotte. A l'entrée de la nuit, on découvrit deux voiles anglaises, un vaisseau et une frégate; ils se tinrent à trois lieues au vent. L'amiral les prit pour l'avant-garde de l'escadre ennemie; il fit signal de se préparer à mettre sous voile; mais ils virèrent de bord.

Brueys avait envoyé l'aviso le Chien-de-Chasse sur la côte de la Caramanie, auprès des îles de Chypre ct de Rhodes pour s'informer près des

'Lettre de Brueys à Bonaparte, du 2 thermidor (20 juillet).

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