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entrée au Kaire, Bonaparte écrivit à son frère Joseph, député au conseil des Cinq-cents :

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« Tu verras, dans les papiers publies, la rela+ tion des batailles et de la conquête de l'Égypte qui a été disputée assez pour ajouter une feuille à la gloire militaire de cette armée. L'Égypte est le pays le plus riche en blé, riz, légumes, viande, qui existe sur la terre; la barbarie est à son comble, il n'y a point d'argent, pas même pour solder la troupe. Je pense être en France dans deux mois. Fais en sorte que j'aie une campagne à mon arrivée, soit près de Paris, soit en Bourgogne; je compte y passer l'hiver 1. »

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Que penser de cette lettre? A-t-elle été écrite par celui auquel on l'attribue ou fabriquée ? Comment Bonaparte pouvait-il songer à retourner en France, trois mois après son débarquement en Égypte?« C'est tout simple, répondent les auteurs de l'introduction à la correspondance; de concert avec Bonaparte, le Directoire avait résolu de se débarrasser de l'armée; c'est pour cela qu'il l'avait envoyée en Égypte. Le but était rempli. Bonaparte se proposait donc d'abandonner l'armée à son mauvais sort, et de revenir en France avec quelques-uns de ses compagnons privilégiés. Lorsque, en Italie, les armes de la France furent malheureuses, et que, sans nouvelles de l'Égypte, on croyait l'armée et son général perdus sans ressource, dans les conseils

Cette lettre se trouve imprimée dans la Correspondanceinterceptée de l'armée d'Orient, publiée à Londres.

législatifs on accusa aussi le Directoire de les avoir déportés en Égypte pour les vouer à une ruine certaine. On l'accusa d'avoir fait ce sacrifice impie aux suggestions de l'Angleterre. On ne réfatera pas sérieusement des suppositions aussi contradictoires qu'absurdes, dont le temps et la raison ont fait justice. Il serait donc naturel d'en conclure que la lettre de Bonaparte avait été fabriquée pour accréditer indirectement la première de ces suppositions. li je na

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D'un autre côté, on a vu qu'avant de déciller définitivement l'expédition d'Égypte, le Directoire et Bonaparte s'étaient occupés sérieusement d'une descente en Angleterre. On a vu que quelques jours avant de partir de Paris pour Toulon, le 24 germinal, Bonaparte avait remis au Directoire le plan de cette descente pour être exécutée l'hiver suivant. On assure qu'alors il fut convenu qu'il la commanderait et qu'il reviendrait en France après avoir établi son armée en Égypte, où il la laisserait sous le commandement de Kléber 3. Si sa lettre du 7 thermidor est vraie, il est donc probable qu'elle se rapportait à ce projet, et que celui d'aller passer l'hiver à la campagne avait pour objet de le dissimuler à l'ennemi, si la lettre tombait entre ses mains. La perte de la flotte à Abouqyr, la déclaration de guerre de la Porte, et la nécessité

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'Ce fait nous a été confirmé par un membre du Directoire, Merlin de Douai, en fonction à cette époque.

où Bonaparte fut de rester en Égypte, pour combattre les armées qui venaient l'y attaquer, durent nécessairement le faire changer de résolution.

D'ailleurs la haute ambition dont Bonaparte eut les premières idées après la bataille de Lodi, se déclara tout-à-fait sur le sol de l'Égypte, après la victoire des Pyramides et la possession du Kaire. Alors il crut pouvoir s'abandonner aux rêves les plus brillans....

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Fondateur d'États libres en Italie, Bonapartę ne vint pas, comme ses détracteurs l'ont prétendu, établir en Égypte la liberté telle que l'entendaient alors les peuples les plus éclairés de l'Europe. Pour la comprendre, la nation égyptienne était trop ignorante, trop abrutie par le despotisme. Cependant par le tableau que nous avons fait de ses institutions, on a pu voir qu'elles étaient loin d'être barbares, qu'elles consacraient les droits des gouvernés, qu'elles imposaient des devoirs aux gouvernans ; il ne leur manquait donc pour la prospérité du pays, que d'être respectées. Fondateur d'une colonie française, Bonaparte sentait qu'il devait d'abord s'appuyer sur les lois du peuple conquis, sur ses moeurs et ses usages. Cependant conquérant d'un pays, berceau des lumières, il eut la noble pensée d'y ramener les bienfaits de la civilisation. Par une heureuse innovation, il résolut donc de faire concourir au gouvernement et à l'administration, les habitans

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les plus distingués par leurs lumières, leurs talens et leur influence sur le peuple. C'était aussi, par une sage politique, tempérer la rigueur du commandement, et rendre l'obéissance plus facile. On aurait pu, avec le temps, faire comprendre aux Égyptiens, par leur propre expérience, l'avantage des formes administratives de l'Occident, sur celles du despotisme oriental. Cette espérance n'a été qu'un rêve; mais ce fut alors celui d'un homme de génie, qui, dans ses hardies conceptions, envisageait le bien de l'humanité, et qui, portant sa pensée au-delà du présent, bâtissait pour l'avenir.

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Avant d'entrer au Kaire, mais après la soumission de cette ville, Bonaparte avait déjà, dans sa proclamation du 4 thermidor, invité les notables habitans à établir pour la police un divan provisoire. A peine fut-il entré dans cette ville, qu'il y constitua définitivement le divan, et qu'il organisa l'administration des provinces. Le divan du Kaire fut composé de neuf personnes, savoir le cheyk ElSadat, le cheyk El-Cherkaouï, le cheyk El-Sahouï, le cheyk El-Bekri, le cheyk El-Fayoumy, le cheyk Chiarichi, le cheyk Mussa-Lirssi, le cheyk Nakibel-Ascheraf Seid-Omar, le cheyk Mohamed-elÉmir. Le divan nommait dans son sein son président et choisissait un interprète pris hors de son sein, deux secrétaires interprètes sachant le français et l'arabe, deux agas pour la police, deux commissions de trois, l'une pour surveiller les marchés et la propreté de la ville, et l'autre

chargée de faire enterrer les morts qui se trouveraient au Kaire, ou à deux lieues aux environs.

Le divan s'assemblait tous les jours à midi, et il y avait constamment trois membres en perma

nence.

Il avait à sa porte une garde française et une garde turque.

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Le général Berthier et le commandant de la place furent chargés d'installer le divan et de lui faire prêter le serment de ne rien faire contre les intérêts de l'armée '.

Le général en chef lui adressa plusieurs questions sur la formation, la composition et les appointemens des divans provinciaux, sur les successions, sur la manière de rendre la justice, sur les propriétés et les impositions. Les réponses du divan furent pleines de sagacité, rappelèrent les lois et usages qui régissaient l'Égypte, et servirent en grande partie de base au système de gouvernement et d'administration adopté par Bonaparte.

Le divan fut d'avis que les villes d'Alexandrie, Rosette et Damiette fussent représentées dans le divan du Kaire; qu'il fût convoqué dans ces trois villes une assemblée des gens de loi, des schérifs, des négocians et des notables, pour faire le choix de trois membres; que la même assemblée nommât douze ou quinze membres pour composer son divan particulier, ayant soin de faire des choix

Arrêté du 7 thermidor (25 juillet ).

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