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L'armée française ne s'était point encore mesurée contre les janissaires et spahis; mais elle avait éprouvé l'impétueuse bravoure des Mamluks. Le général en chef forma son ordre de bataille comme à Chébreis, mais de manière à présenter plus de feu à l'ennemi, Desaix commandait là droite, formée de sa division et de celle du général Reynier. La division Kléber, aux ordres du général Dugua, tenait le centre. La division Bon, et celle de Mecommandée par le général Vial, occupaient la gauche appuyée au Nil.

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Bonaparte, instruit que l'artillerie du camp retranché n'était pas sur affûts de campagne, et par conséquent ne pouvait sortir de l'enceinte, résolut de prolonger sa droite et de faire suivre le mouvement de cette aile à toute l'armée, en passant hors de la portée du camp retranché. Par-là l'armée française n'avait affaire qu'aux Mamlouks; l'infanterie et l'artillerie de janissaires ne pouvaient être d'aucun secours à l'ennemi.

Mourad-Bey vit les colonnes de Desaix s'ébranler et ne tarda pas à deviner le but de Bonaparte. Quoique ce chef ne connût point la tactique, la nature l'avait doué d'un grand caractère, d'un courage à toute épreuve, et d'un coup-d'oeil pénétrant. La bataille de Chébreis lui avait servi d'expérience. Il sentit avec une habileté qu'on pourrait à peine attendre du général européen le plus consommé, que le destin de la journée consistait à empêcher les Français d'exécuter ce mou

vement, et à profiter de l'avantage de sa nombreuse cavalerie pour les attaquer en marche'.

Il détacha un de ses bey les plus braves avec un corps d'élite de 6 à 7,000 Mamlouks qui, avec la rapidité de l'éclair, chargea les divisions Desaix et Reynier. Elles n'eurent pas le temps de se former et furent un instant compromises; mais la tête des Mamlouks qui avait commencé le choc était peu nombreuse; leur masse n'arriva que quelques minutes après; ce retard suffit pour former les carrés. Lorsque les Mamlouks furent à cinquante pas du front, on les accueillit par une mitraille et une grêle de balles qui en fit tomber un grand nombre. En vain ces braves s'élancèrent à plusieurs reprises sur les carrés français. Les grenadiers immobiles firent pleuvoir sur eux un feu meurtrier, et leur opposèrent un rempart impénétrable. C'est alors qu'un bey audacieux, voyant tous ses efforts échouer contre le front des Français, se dévoua, avec 40 de ses Mamlouks, de la manière la plus héroïque pour ouvrir un passage à Mourad. Ils acculèrent leurs chevaux contre les baïonnettes des grenadiers et les renversèrent sur eux. Par-là, ils parvinrent à faire une brèche dans le carré; mais elle se referma aussitôt; ils périrent tous; il en vint mourir une trentaine aux pieds de Desaix. Bonaparte, qui était dans le carré du général Dugua, saisit ce moment décisif, fit partir les généraux Bon et

'Gourgaud, tome 11, page 236.

Vial

pour attaquer le camp retranché d'Embabeh, et se porta en personne, entre le Nil et Reynier, sur le gros des Mamlouks. Ceux-ci ne pouvant rompre la ligne, tournèrent autour des carrés, se jetèrent dans l'intervalle formé par les deux divisions, et dès lors leur charge fut manquée. Un double feu acheva leur défaite. Les Arabes qui formaient la gauche de Mourad-Bey, voyant pencher la victoire du côté des Français, abandonnèrent le champ de bataille et s'enfoncèrent dans le désert.

Cependant la division Menou, commandée par Vial, s'avançait entre les Mamlouks et les retranchemens d'Embabeh, tandis que la colonne d'attaque du général Bon, conduite par Rampon, marchait pour occuper une espèce de défilé entre le camp et Gizeh. A la vue de ces dispositions formidables, une partie des Mamluks qui étaient dans les retranchemens en sortirent, cherchant à se faire jour; les janissaires, les spahis et les fellâh s'enfuirent vers la gauche d'Embabeh; mais la division Vial qui, dans ce moment même, terminait son mouvement, les reçut à bout portant, les chargea à la baïonnette et les jeta dans le Nil. Pendant ce temps, les autres divisions gagnaient toujours du terrain. Les Mamlouks qui étaient hors des retranchemens, se trouvant pris entre le feu des carrés et celui des colonnes d'attaque, essayèrent de regagner leur camp, et tombèrent en désespérés sur la petite colonne de Rampon, entre le fleuve et le village. Tous leurs efforts furent vains; un bataillon de

i.

carabiniers, sous le feu duquel ils furent obligés de passer à cinq pas, en fit une boucherie effroyable; le champ de bataille en fut jonché. Ne voulant pas tomber entre les mains des Français, un très-grand nombre se jeta dans le Nil et s'y

noya.

Mourad-Bey qui avait, depuis le commencement de la bataille, constamment combattu les divisions Desaix, Reynier et Dugua, voyant son camp retranché au pouvoir des Français, séparé lui-même de sa droite, qui était cernée de toutes parts et en partie détruite, accablé de fatigue, blessé à la joue et couvert de sang, fit sa retraite sur les Pyramidės, suivi de 3,000 cavaliers. Il fut poursuivi par Desaix et Reynier; mais bientôt il s'aperçut de la fausse direction qu'il avait donnée à sa retraite, et voulut reprendre la route de Gizeh. Il reconnut en même temps la faute qu'avait faite un corps de sa cavalerie en restant dans les retranchemens. Quelques-uns de ces braves cernés de toutes parts, s'y défendaient encore vaillamment et vendaient chèrement leur vie. En vain Mourad essaya plusieurs charges pour leur rouvrir un passage. Ses Mamlouks eux-mêmes avaient l'âme frappée de terreur et agirent mollement. Les divisions Desaix, Reynier et Dugua leur coupèrent le chemin de Gizeh et les poursuivirent jusqu'à la lisière du désert.

Alors la confusion et le carnage furent horribles à Embabeh. De cette nombreuse milice, tout ce qui put échapper aux baïonnettes des Français, se précipita sur des djermes, kaïkes et autres ba

teaux pour passer le Nil qui les engloutit. Un petit nombre seulement parvint à s'échapper; les fellâh, légèrement vêtus et excellens nageurs, se sauvèrent presque tous. On dit que près de 5,000 Mamlouks furent tués ou noyés dans cette bataille. Leurs nombreux cadavres répandirent en peu de jours jusqu'à Damiette et Rosette, et le long du rivage, la nouvelle de la victoire des Français. On porte à 10,000 hommes la perte de l'ennemi tant Mamlouks que janissaires et felláh. Plus de 400 chameaux chargés de bagages un pareil nombre de chevaux, 50 pièces d'artillerie et le camp des Mamlouks tombèrent au pouvoir des Français. Ils n'eurent que 260 blessés, et ne perdirent qu'une trentaine d'hommes.

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Les Mamlouks avaient sur le Nil une soixantaine de bâtimens chargés de toutes leurs richesses. En voyant l'issue du combat et désespérant de les sauver, il y mirent le feu. La flottille française n'avait pu suivre la marche de l'armée; le vent lui avait manqué. Si on l'avait eue, on aurait pu faire un grand nombre de prisonniers, et s'emparer de toutes les richesses qui furent la proie des flammes.

Le contre-amiral Perrée avait entendu le canon des Français, malgré le vent du nord qui soufflait avec violence. A mesure qu'il s'était calmé, le bruit du canon lui avait paru augmenter, de sorte qu'à la fin, il paraissait s'être rapproché de la flottille. Il crut donc que les Français faisaient leur

'. Larrey. Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 13.

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