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cas d'événement. L'armée n'était qu'à une demilieu des Mamlouks. Tout-à-coup ils s'ébranlèrent par masses, sans aucun ordre de formation, et inondèrent la plaine. Ils débordèrent les ailes des Français, et caracolèrent sur les flancs et les derrières, cherchant le point le plus faible pour pénétrer; mais partout la ligne était également formidable et leur opposait un double feu de flanc et de front, D'autres masses chargèrent avec impétuosité la droite et le front de l'armée. On les laissa approcher jusqu'à portée de la mitraille. Aussitôt l'artillerie se démasqua et les mit en fuite. Quelques-uns de ces braves fondirent, le sabre à la main, sur les pelotons de flanqueurs. Attendus de pied ferme, presque tous furent tués par le feu de la mousqueterie ou par la baïonnette.

Animée par ce premier succès, l'armée s'ébranla et marcha au pas de charge sur Chebreis que l'aile droite avait ordre de déborder. Ce village fut emporté après une faible résistance. Les Mamlouks opérèrent leur retraite en désordre vers le Kaire. Leur flottille prit également la fuite en remontant le Nil, et termina ainsi un combat acharné qui durait depuis deux heures. Les cavaliers démontés embarqués sur cette flottille, et commandés par le général Zayonschek, sous les ordres d'Andréossy, contribuèrent beaucoup à la gloire de cette journée. La perte de l'ennemi fut de plus de 600 hommes tués ou blessés ; celle des Français d'environ 70.

Après le combat, le général Zayonschek eut ordre de suivre la rive droite du Nil, avec 1,500

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hommes, à la hauteur de la marche de l'armée qui s'avançait sur la rive gauche.

Le chef de division Perrée fut nommé contreamiral; le général de brigade d'artillerie Dommartin fut promu au grade de général de division.

L'armée coucha le 25 à Chébreis. Le lendemain, elle se mit en marche pour aller coucher à Chabour. Cette journée était forte; on marchait en ordre de bataille et au pas accéléré dans l'espérance d'atteindre la flottille ennemie; mais les Mamlouks brûlèrent les bâtimens qu'on était sur le point d'atteindre. Le 26 au soir, l'armée bivouaqua à Chabour, sous de beaux sycomores et trouva des champs pleins de pastèques, espèce de melons d'eau formant une nourriture saine et rafraîchissante. Le 27, l'armée coucha à Koûm-Chérik. Elle était sans cesse harcelée par les Arabes. On ne pouvait s'éloigner à une portée de canon sans tomber dans quelque embuscade. S'ils étaient les plus nombreux, ils assassinaient et pillaient; ils prenaient la fuite à nombre égal et lorsqu'il fallait combattre. L'adjoint aux adjudans-généraux, Gallois, officier distingué, fut tué en portant un ordre du général en chef. L'adjudant Desnanots, neveu du savant Lacépède, tomba entre leurs mains et fut emmené à leur camp. Bonaparte envoya au chef de la tribu un messager porteur d'une lettre et de 100 piastres pour le rachat de ce jeune homme, Il s'éleva une vive querelle sur le partage de la somme entre ceux qui l'avaient fait prisonnier. Ils étaient prêts à en venir aux mains, lorsque le chef, pour terminer la

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contestation, tira un pistolet de sa ceinture, fit sauter le crâne au malheureux Desnanots, et rendit de sang-froid les cent piastres au messager, pour qu'il les rapportât au général en chef.

La division Desaix reprit l'avant-garde. Le 28, l'armée coucha à Algam; le 29, à Abounochabeh, et le 30, au gros village de Ouardam; là elle bivouaqua dans une grande forêt de palmiers. Le soldat commençait à connaître les usages du pays et à déterrer les lentilles et autres légumes que les felláh avaient coutume de cacher sous la terre. Mais le pain et le vin manquaient; le biscuit apporté d'Alexandrie était consommé depuis longtemps. On trouvait d'immenses tas de blé; on n'avait ni fours ni moulin. Pour tirer parti du grain, on était réduit à le piler entre deux pierres, où à le faire griller et à le manger en galettes ou en bouillie. Le général en chef, pour donner l'exemple, bivouaquait au milieu de l'armée, dans les endroits les moins commodes. Le dîner de l'étatmajor consistait dans un plat de lentilles. La soirée du soldat se passait en conversations politiques sur les résultats de la campagne qui venait de s'ouvrir. Quelques-uns allaient jusqu'à dire le Directoire les avait déportés en Égypte, et que qu'il n'existait pas de ville du Kaire. Leur imagination était tellement tourmentée que deux dragons se jettèrent tout habillés dans le Nil et s'y noyèrent. Mais dans ce malaise extrême, au milieu même des murmures et des clameurs des soldats, on retrouvait toujours la gaîté française. Ils accusaient Caffarelly d'être l'agent dont s'était

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servi le Directoire pour tromper Bonaparte et, l'armée, et ils disaient, en faisant allusion à sa jambe de bois: Il se moque bien de cela, lui, il a un pied en France.

L'armée passa toute la journée du 1. thermidor à Ouardam, pour se délasser des fatigues de la route, réparer l'artillerie, nétoyer les armes et se préparer au combat. Le 2 thermidor, elle se mit en marche et alla coucher au village d'Om-Dinar, à six lieues du Kaire, presque à la hauteur de la pointe du Delta, dite en arabe Badel-Baqarah (ventre de la vache), où le général Zayonscheck prit position avec sa troupe. Là, Bonaparte fut instruit que Mourad-Bey avait réuni dans la plaine d'Embabeh tous ses Mamlouks, la milice du Kaire et un grand nombre d'Arabes, résolu de livrer une bataille décisive.

Le 3 thermidor, à deux heures du matin, l'armée partit d'Om-Dinar. Pour la première fois, depuis Chébreis, elle rencontra un corps de Mamlouks; c'était l'avant-garde de Mourad-Bey. Elle se replia avec ordre et sans rien tenter. Tout annonçait que cette journée déciderait du sort de l'Égypte. Les soldats reprirent courage, instruits qu'ils approchaient du terme de leurs souffrances; une ardeur martiale régnait dans tous les rangs. Lorsque le soleil parut à l'horizon. l'armée aperçut les Pyramides. Aussitôt elle posa ses armes, et fit une halte spontanée pour les contempler. «Soldats! s'écria Bonaparte, dont la figure s'anima tout-à-coup d'un noble enthousiasme, soldats, vous allez combattre aujourd'hui

les dominateurs de l'Égypte; songez que du haut de ces monumens quarante siècles vous contemplent!»

A dix heures, l'armée aperçut Embabeh et les ennemis en bataille; à deux heures après midi, les deux armées se trouvèrent en présence, séparées par une plaine d'une demi-lieue. L'armée ennemie s'étendait depuis le Nil jusqu'aux Pyramides. Elle était forte d'environ 60,000 hommes. Les janissaires et les spahis, au nombre de 20,000, gardaient un grand camp retranché pratiqué près du village d'Embabeh, et garni d'une quarantaine de canons que l'on avait tirés de la flottille.

Les Mamluks occupaient le centre; ce corps s'élevait à 9 ou 10,000 cavaliers, servis chacun par trois fellâh à pied. Un corps de 3,000 cavaliers arabes tenaient l'extrême gauche jusqu'aux Pyramides. Ces dispositions étaient formidables.

'Cette évaluation est extraite des Mémoires de Napoléon. Gourgaud, tome II, page 234.

Miot, témoin occulaire, rapporte que l'armée ennemie était forte de 6,000 Mamlouks environ, et d'une foule d'Arabes et de fellâh.

Jomini dit 6,000 Mamlouks, soutenus par une foule innombrable de Cophtes, de Grecs, de fellâh et d'Arabes à cheval. Nous ignorons sur quelle autorité cet écrivain s'est fondé; on ne voit nulle part qu'il y ait eu des Cophtes et des Grecs.

Berthier dit que Bonaparte fut instruit à Om-Dinar que Mourad-Bey était retranché à la tête de 6,000 Mamlouks, une foule d'Arabes et de fellâh. Ceci n'établit pas la force des Mamluks au moment où les deux armées se trouvèrent en présence.

On sait que la milice des Mamlouks s'élevait à 12,000 hommes. Ibrahim-Bey en avait sur la rive droite environ 2,000. Il n'y en avait alors dans aucun autre endroit de l'Égypte; quelques centaines seulement escortaient la caravane de la Mekke. Reste donc pour Mourad-Bey 9 à 10,000.

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