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volontairement dans leurs municipalités, pour servir sous les étendards de Tippo-Saïb.

Ce fut en l'an v (1797), durant les négociations de Campo-Formio, que, de son côté, Bonaparte conçut pour la première fois le projet de l'expédition d'Égypte. Souvent dans les jardins de Passeriano, ses amis l'entendirent développer avec chaleur cette belle et vaste idée. « Il n'y a que dans l'Orient, disait-il, que se font les grandes réputations militaires. L'Europe est trop petite. ». Il fit venir de Milan tous les livres de la bibliothèque Ambrosienne relatifs à l'Orient, et on remarqua, lorsqu'il les rendit, qu'ils étaient tous marqués et notés aux pages qui traitaient spécialement de l'Égypte. Dès ce moment, il s'occupa sans relâche de tout ce qui se rattachait à ce projet.

Les temps ne sont pas éloignés, écrivait-il au Directoire, où nous sentirons que pour détruire véritablement l'Angleterre, il faut nous emparer de l'Égypte '.

Plus tard, en envoyant, aux marins de l'escadre du contre-amiral Brueys, sa proclamation en,faveur du 18 fructidor, il leur dit :

<«< Sans vous, nous ne pourrions porter la gloire du nom français que dans un petit coin du continent; avec vous, nous traverserons les mers, et la gloire nationale verra les régions les plus éloignées. »

Le 17 fructidor, pendant qu'on négociait en

'Lettre du 29 thermidor an v ( 16 août 1797).

core la paix à Lille, il écrivit à Talleyrand, qui avait remplacé Charles Delacroix, au ministère des affaires étrangères :

« S'il arrivait qu'à notre paix avec l'Angleterre nous fussions obligés de céder le Cap de BonneEspérance, il faudrait alors nous emparer de l'Égypte. Ce pays n'a jamais appartenu à une nation européenne; les Vénitiens seuls y ont eu une prépondérance précaire. On pourrait partir d'ici avec 25,000 hommes escortés par 8 ou 10 vaisseaux de ligne ou frégates vénitiennes, et s'en emparer.

L'Égypte n'appartient pas au grand seigneur. Je désirerais que vous me fissiez connaître, qu'elle réaction aurait sur la Porte notre expédition d'Égypte.

Pour des armées comme les nôtres, toutes les religions sont indifférentes, mahométane, cophte, arabe, etc. >>

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Talleyrand avait hérité des vues de Charles Delacroix à l'égard de ce projet, et, dès le mois de messidor an v, dans un mémoire lu à l'Institut National, avait exposé quelques idées remarquables sur l'établissement de nouvelles colonies et l'importance de l'Égypte considérée sous ce rapport. Il répondit donc à Bonaparte :

:

« Quant à l'Égypte, vos idées sont grandes, et l'utilité doit en être sentie je vous écrirai sur ce sujet, au large. Aujourd'hui je me borne à vous dire que, si l'on en faisait la conquête, ce devrait être pour déjouer les intrigues russes et anglaises qui se renouvellent si souvent dans ce malheu

reux pays. Un si grand service rendu aux Turcs les engagerait aisément à nous y laisser toute la prépondérance et tous les avantages commerciaux dont nous avons besoin. L'Égypte, comme colonic, remplacerait bientôt les productions des Antilles, et, comme chemin, nous donnerait le commerce de l'Inde; car tout, en matière de commerce, réside dans le temps, et le temps nous donnerait cinq voyages contre trois par la route ordinaire. >>

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On a vu toutes les dispositions sérieusement faites par le Directoire et Bonaparte pour la descente en Angleterre; par un changement subit tous leurs efforts vont se diriger vers l'expédition d'Égypte. Comment et pourquoi l'une futelle substituée à l'autre? C'est un point sur lequel le Directoire et Bonaparte ne se sont point expliqués; on ne peut donc que former des conjectures. La paix arrêtait tout-à-coup Bonaparte au milieu de sa carrière. Il fallait un nouveau théâtre à son activité, à son génie. La descente en Angleterre le lui présentait ; mais rien n'était prêt, et la saison était trop avancée. Plus de six mois devaient s'écouler avant que les préparatifs fussent terminés et que les longues nuits d'hiver fussent venues. Restera-t-il en France, à Paris, pendant ce long intervalle, point de mire de tous les partis et du Directoire, spectateur tranquille de leurs débats, insensible à leurs attaques, sourd à leurs espérances; dans un pays où s'usent facilement

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les plus grandes renommées? Laissera-t-il refroidir sa gloire au sein de l'oisiyeté? Ambitieux du pouvoir, prêtera-t-il une oreille favorable à ceux qui lui conseillent de s'en emparer? Il l'oserait; mais, pour réussir, les temps ne sont pas mûrs. Ils mûriront pendant une expédition lointaine. Ce parti concilie tous les intérêts, apaise toutes les inquiétudes; l'Égypte revient à sa pensée, sa conquête est résolue. Le Directoire n'en avait point abandonné le projet; Rewbell l'avait particulièrement étudié. On saisit avec empressement l'occasion d'éloigner un guerrier dont on envie l'influence, dont on redoute le grand caractère, la gloire importune. Du reste, le gouvernement et le général ne renoncent point à attaquer corps à corps l'Angleterre; mais conquérir l'Égypte c'est aussi porter un grand coup à l'éternelle rivale de la France.

L'attention du Directoire fut définitivement fixée sur cette expédition, par une note et des états que Bonaparte lui remit le 15 ventôse, et dans lesquels il indiquait les forces et les fonds nécessaires. Tels étaient ses calculs et ses combinaisons :

Il fallait, pour s'emparer de Malte et de l'Égypte, 20 à 25,000 hommes d'infanterie, et 2 à 3,000 hommes de cavalerie, sans chevaux.

Ces troupes s'embarqueraient en Italie et en France.

Elles seraient commandées par les généraux Belliard, Friand, Muireur, Barraguay-d'Hilliers, Vaux, Vial, Murat, Ménard, Bon, Brune, Ram

pon, Pigeon et Leclerc. Ces généraux et les troupes sous leurs ordres avaient en grande partie fait les guerres d'Italie.

La cavalerie s'embarquerait avec les harnais et sans chevaux, et chaque cavalier armé d'un fusil. Tous les corps avec leur dépôt, cent cartouches par homme; de l'eau dans les bâtimens pour un mois, des vivres pour deux.

Il fallait joindre à ces troupes 60 pièces d'artillerie de campagne, 40 grosses bouches à feu de siége, 2 compagnies de mineurs, un bataillon d'artillerie, 2 compagnies d'ouvriers et un bataillon de pontonniers, et en outre les compagnies de canonniers des demi-brigades.

Ces troupes devaient être prêtes au commencement de floréal. Le rendez-vous général était dans le golfe d'Ajaccio, pour en partir à la fin de floréal.

Le général Masséna noliserait à Civita-Vecchia les plus grands bâtimens qu'il pourrait trouver dans ce port, y embarquerait les troupes et l'artillerie, et les ferait partir sur-le-champ pour se rendre et rester jusqu'à nouvel ordre à Ajaccio.

On pourrait prendre sur les contributions de Rome de quoi subvenir aux frais de cet embarquement; on y affecterait spécialement celles des galères du pape qui seraient en état de tenir la mer.

Le général, commandant dans la Cisalpine, ferait à Gênes les mêmes dispositions; mais on y enverrait les fonds nécessaires pour noliser les bâtimens de transport, et on demanderait au Directoire de la république cisalpine deux galères

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