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qu'ils en trouvaient l'occasion. De là une complication et une confusion qui laissaient peu de moyens de bien apprécier toutes les charges dont les Égyptiens étaient grevés. En général le marchand et le cultivateur étaient arrêtés à chaque pas par des rétributions onéreuses.

Les sujets du grand-seigneur, non musulmans, étaient soumis à une imposition personnelle dite karach. Elle était censée due par quatre-vingtdix mille têtes, et se montait à 14,850,000 médins .

Ainsi c'étaient les fonctionnaires publics et les grands tenanciers qui percevaient, à leur profit, tous les impôts, à condition de verser au trésor du sultan, la somme qu'il avait fixée, et d'acquitter les dépenses qu'il avait mises à leur charge. La surveillance et la comptabilité du gouvernement étaient donc bornées à cette somme et à ces dépenses. La perception et l'emploi du surplus des impositions, quelque considérable qu'il fût, étant faits par les beys et les autres personnages auxquels le grand-seigneur était censé les avoir concédés, ne donnaient lieu qu'à des gestions privées. C'était une confusion, un cahos. La somme versée au trésor public, pour le sultan, ne se montait qu'à 116,651,727 médins, ou 4,166,133 f. 10 c. La recette en était faite par un trésoriergénéral ou rouzmangy. Ses opérations étaient dirigéés par des réglemens qui distribuaient les di

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verses parties de son service à des effendis qui lui étaient subordonnés.

Sur cette somme, le trésor acquittait les supplémens de traitemens à des fonctionnaires, les dépenses de l'armée, les pensions, les actes et services pieux, la caravane de la Mekke, montant à 3,522,690 fr. ; il restait 592,009 fr.

Cette somme s'appelait khazneh, et devait être envoyée à Constantinople. Souvent elle était encore réduite de moitié. L'envoi de ce tribut se faisait avec une grande solennité; mais dans les derniers temps, la Porte n'obtenait plus rien qu'en dépêchant au Kaire un aga chargé d'y recevoir le tribut, qui l'emportait sans aucun éclat, ou qui n'emportait rien du tout, suivant le bon plaisir des beys.

Les effendis, dont on vient de parler, étaient un corps chargé de l'administration supérieure des finances. Ils tenaient des registres exacts de toutes les mutations des propriétés territoriales pour faire chaque année le compte du miry.

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Ils étaient administrateurs de l'enregistrement. Les mutations de propriétés avaient lieu par vente, succession ou donation. Elles étaient toutes sujettes à l'enregistrement et payaient certains droits.

Ils veillaient aux recettes, aux dépenses, aux comptes; ils avaient la propriété de leurs charges, ou le droit de les vendre ou de les transmettre à leurs héritiers. On pouvait seulement les contraindre à les vendre, lorsqu'on ne leur trouvait pas les connaissances nécessaires, ou lorsqu'ils

avaient prévariqué. Il leur était défendu de donner le moindre renseignement sur les revenus, les dépenses et l'administration, sans un ordre précis du sultan ou du pacha. Ils employaient des caractères inconnus dans la tenue de leurs écritures. La plupart des effendis étaient Mamluks, et avaient pour successeurs des enfans adoptifs qu'ils instruisaient dans leur profession, pour les rendre capables de les remplacer. Il y avait aussi des effendis qui dirigeaient des écoles, copiaient ou composaient des ouvrages. Ils jouissaient de beaucoup de considération sous les rapports de la probité, des mœurs, de l'instruction, de l'aménité. Ils étaient riches ou aisés; ils avaient accès chez les grands.

Ce qu'on pratiquait en Égypte était la représentation fidèle de ce qu'on y avait pratiqué dès les premiers temps de la civilisation de cette contrée. Ses habitans, forcés de faire périodiquement le mesurage de leurs terres, devinrent habiles dans cet art, et ce fut chez eux que les autres peuples en puisèrent les premières notions. Voilà pourquoi tous les témoignages de l'antiquité se réunissent pour attribuer aux Égyptiens l'invention de la géométrie; science dont le nom seul, expliqué littéralement, annonce qu'elle se réduisait, dans l'origine, aux opérations de l'arpentage.

Le Nil, dans ses débordemens périodiques, peut confondre chaque année les limites des propriétés; l'étendue de pays qu'il submerge varie d'une année à l'autre. Il est donc essentiel

eaux,

de mesurer tous les ans, après la retraite des la superficie des terres inondées, parce qu'étant les seules susceptibles de culture, elles sont aussi les seules qui doivent acquitter la redevance des propriétaires et les impôts que le gouvernement perçoit. De là a dû naître une espèce de cadastre dont les anciens prêtres de l'Égypte étaient dépositaires. Ce dépôt était un des principaux priviléges de l'ordre sacerdotal, et lui donnait une grande influence parce que les particuliers étaient obligés d'avoir recours à eux dans les contestations sur les limites de leurs

terres. Lorsque l'Égypte eût été conquise par les étrangers, les prêtres perdirent l'influence qu'ils avaient exercée sous les anciens rois; mais les conquérans soit Perses, soit Arabes ou Ottomans, furent intéressés à ménager ceux qui, employés dans les détails de l'administration du pays, en connaissaient toutes les ressources et pouvaient seuls fournir les moyens d'asseoir et de lever des tributs. Ils restèrent possesseurs du cadastre, et la caste sacerdotale ayant été démembrée, ils ne formèrent plus qu'une seule corporation d'arpenteurs, qui conserva ses attributions sous les princes étrangers auxquels l'Égypte fut soumise. C'est ainsi, qu'à l'arrivée des Français, elles se trouvaient entre les mains des Cophtes. Les Cophtes ou Qobtes étaient une race d'hommes entièrement distincte des autres habitans de l'Égypte. Ils étaient chrétiens et au nombre d'environ 200,000. Ils descendaient des anciens peuples qui, soit qu'ils fussent sortis de l'Inde ou des

flancs du Caucase, soit qu'ils fussent descendus de l'Éthiopie, habitaient les bords du Nil avant la conquête de l'Égypte par Cambyse; ils avaient leur écriture et leur langue à part. C'étaient en quelque sorte les fermiers de l'Égypte ; ils en exploitaient les revenus pour leur propre compte, sous la condition tacite de fournir aux maîtres de ce pays l'argent nécessaire à leurs besoins.

Ainsi l'Égypte, sous le rapport de la propriété, n'était pas dans une condition pire que la plupart des états de l'Europe, qui se vantent des progrès de leur civilisation. C'était un véritable régime féodal dont les lois n'étaient pas même aussi oppressives que celles qui règnent encore en Russie, en Pologne, en Hongrie. Les serfs de l'Europe ont affaire à des maîtres en général justes, doux, humains, parce qu'ils sont éclairés; les Égyptiens ont pour maîtres des Turcs; voilà toute la différence. Si leur arbitraire et leurs violences ne se jouaient pas des lois, le sort des paysans de l'Égypte serait préférable à celui des esclaves russes, polonais et hongrois.

Sous le rapport de l'impôt foncier, de son assiette, de sa répartition et de son recouvrement, l'avantage serait, sans contredit aussi du côté des Égyptiens, si les sages institutions dont ils avaient évidemment hérité de leurs ancêtres, avaient été observées, et si elles n'avaient pas été sacrifiées à la cupidité des seigneurs et des Cophtes.

Pour les contributions indirectes dont le prétendu perfectionnement n'est pas une des moindres plaies des états civilisés, l'Égypte n'avait rien

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